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Deadlock (1970), entre western spaghetti et néo noir

Par Mespetitesvues
Deadlock (1970), entre western spaghetti noir

L'histoire: Le jeune Kid (Marquard Bohm) traverse le désert en titubant, blessé par balle, à moitié vidé de son sang, et transportant une valise contenant le butin d'un braquage de banque. Il s'évanouit sous l'effet de la chaleur. Charles Dump (Mario Adorf) le trouve et le ramène chez lui. Bien décidé à s'approprier le magot, Dump - ancien chercheur d'or vivant dans la ville minière désaffectée de " Deadlock " où habitent également une vieille prostituée (Betty Segal) et sa fille muette (Mascha Rabben) -, met au point un stratagème pour se débarrasser de l'inconnu. Au lieu de retirer la balle, il laisse Kid dans d'atroces souffrances, pensant qu'il mourra rapidement de la gangrène. Mais ses plans sont remis en question lorsque Sunshine, complice de Kid (Anthony Dawson), arrive sur les lieux pour récupérer sa part du butin...

Inclassable, captivant et de facture encore très contemporaine malgré ses 54 années au compteur, Deadlock est ma plus belle découverte cinématographique de l'année.

Tourné par Roland Klick, cinéaste allemand maudit et ostracisé par ses pairs, cet objet devenu culte accumule dans ses courtes 89 minutes tant de références qu'il est bien difficile de lui accoler un genre, et même un style.

On pense au western spaghetti à la vue de ses sales tronches filmées en gros plans. On se croit dans un film de gangsters néo noir avec bandits, magot et mitraillettes. On flirte avec l'essai expérimental avec trame sonore de rock progressif et atmosphère contemplative. On dénote aussi des influences certaines; Jodorowsky (qui aimait beaucoup le film), Fellini, Leone, étant convoqués tour à tour. On peut même imaginer un récit de science-fiction post-apocalyptique tant son univers désertique ressemble à la fin d'un monde qui aurait explosé suite à une guerre planétaire. Deadlock profite en cela de son tournage très particulier qui avait été effectué dans le désert jordanien, tout juste après la guerre des Six Jours qui fit des milliers de morts.

À en croire le sort réservé aux protagonistes, le regard que porte Klick sur l'âme humaine est plutôt sombre et sans espoir. Ici, pas d'opposition entre les " bons " et les " méchants ". Tout le monde dans le même panier. La cupidité du serviable Dump est aussi méprisable que celle des deux braqueurs. La possible histoire d'amour qui aurait pu unir Kid et la jolie muette et les emporter vers un avenir meilleur n'a aucune chance de s'épanouir. Le pacte de solidarité passé par Kid et Sunshine ne sera pas plus honoré. Ne reste que la trahison et la nécessité de sauver sa peau, alors que tous se retrouvent dans une impasse (qui se traduit justement par " deadlock " en anglais), incapables de s'en extirper, comme figés dans le temps à tout jamais.

Ayant d'abord connu le succès commercial, le metteur en scène berlinois Roland Klick, né en 1939, ne fait pas partie des noms en vogue du cinéma allemand de l'époque. Comme pratiquement tous ses autres films en dehors de Supermarkt réalisé en 1974, - film un peu à part dans sa filmo et qui avait reçu un prix prestigieux au gala annuel du cinéma allemand en 1971 - est inconnu en Amérique du nord. Depuis quelques années, plusieurs, dont le distributeur allemand Filmgalerie 451, tentent de le réhabiliter en donnant une seconde vie à ses oeuvres.

Grâce à eux, est désormais disponible soit en format Blu-ray avec plein d'extras, soit sur les plateformes de location et d'achat ( Vimeo, Google Play, iTunes) ou en visionnement gratuit ( Tubi.tv) en version originale anglaise.


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