Roman - 420 pages
Editions Buchet-Chastel - mars 2008
Editions poche Pocket - février 2009
Hassan et Dalia forme un couple palestinien à Ein Hod, au milieu des oliveraies ancestrales. Fortement attachés à leur terre, le drame s'abat sur la famille ce jour de 1948 suite à la création de l'état d'Israël : l'exil leur est exigé vers un camp de réfugiés, leur village est détruit, mais, surtout, Ismaël, leur jeune fils, a été enlevé par des Israéliens sans qu'ils ne le sachent. Restent leurs deux autres enfants, la fille Amal et l'aîné Youssef, que la guerre séparera. Orphelins, l'un se radicalisera dans la haine des Juifs, l'une émigrera aux Etats-Unis avec la culpabilité de laisser famille et amies derrière elle. Quant à Ismaël, immédiatement rebaptisé David dès l'enlèvement, c'est au sein de la famille de Moshe et Jolanta qu'il se construira, jusqu'à ce que la vie lui fasse prendre conscience que la guerre le met face à sa famille biologique...
Les matins de Jénine est un roman qui, à travers une épopée familiale fictive, personnalise des décennies de conflit israélo-palestinien. Des drames indicibles, des haines sociales et des conflits politiques. A travers Amal, on lit l'héritage de l'amour des parents, de la liberté, de la quête de l'amitié et du bonheur jusque dans le camp où il faut survivre, on lit les luttes pour se dépasser, pour accepter de quitter la terre-cimetière. A travers Youssef, on vit toute la rancœur sourde qui le rend aveugle à toute bienveillance en dehors du cercle familial, l'engagement politique et la lutte armée, unique ultime nécessité.
Extrait :
"Notre chagrin s'enracine tellement dans le deuil que la mort est pour nous un parent et, si nous préférons l'accueillir le moins souvent possible, elle n'en appartient pas moins à la famille. Notre colère est une fureur que les Occidentaux ne peuvent pas comprendre. Notre tristesse pourrait tirer des larmes à une pierre. Et notre façon d'aimer ne fait pas exception, Amal."
Le symbole d'Ismaël devenu David, de ce frère retrouvant bien après sa sœur, de ce frère tendant une arme sur son autre frère, ce symbole puissant que Susan Abulhawa a créé, ce traître involontaire, ce traître frère, est là pour souligner la fraternité éternelle, le lien indéfectible entre peuples frères. Il est l'absurdité, l'anormalité, le monstre, mais il est la synthèse, il est l'union et il est multiple, il est la terre et tous ses liens naturels.
J'ai souvent pensé à la pièce de théâtre glaçante de Wajdi Mouawad : Incendies, adaptée au cinéma par Denis Villeneuve.
Ce roman, extrêmement bien écrit et traduit de l'anglais, est un hymne à la nécessité de Paix, est un portrait poignant d'un personnage historique, un corps, un tout, une Patrie comme un organisme qui vit et souffre, Jénine comme une famille déchirée. ___[merci Gibasse ! ]