Il y a, au fond du bar, un dandy décalé habillé de rose, de tendresse et d’auto-dérision. Il y a une mélodie qui remplit le lieu et l’esprit, les accapare tout entier, un mélange de sucré-salé entraînant et entêtant.Il y a au Portugal, le mot "saudade", qui désigne une délicieuse mélancolie, et au Japon le "natsukashii", un vague à l’âme heureux. Il y a en France un mot qui manque pour exprimer la possibilité d’une nostalgie heureuse, mais il y a l’univers de Nicolas Réal : la gratitude à l’enfance, passée en Afrique dans les années 80, l’attachement à l’adolescence et à la jeunesse en France puis en Angleterre, le temps qui passe et les amis qui restent, les grands huit des fêtes foraines et ceux de l’existence…Après un premier opus remarqué en 2022, Gommettes, c’est en Belgique, où il est installé depuis 12 ans, que Nicolas Réal a peaufiné son deuxième album, Saint Romain, annoncé comme un voyage acidulé dans ses souvenirs de jeunesse.
Cet album est plein de surprises, alternant séquences groove et pop, et cela participe à son charme. Il se laisse écouter avec plaisir et c'est sa chance parce que je me demande comment on peut signer le BAT (bon à tirer) d'une pochette sont les textes sont si peu lisibles. Munissez-vous d'une loupe été d'une lampe torche sinon vous passerez à coté. Ces serait dommage car les paroles de Laisse le vent (piste 1) sont très belles et ce n'est pas l'écoute de l'album qui les fait connaître : seule la musique de ce morceau est interprétée au début, et uniquement en piano seul. Il faudra attendre plusieurs minutes pour l'entendre en version chantée (piste 10). Et sans doute davantage l'apprécier car elle arrive après plusieurs chansons fort différentes qui chacune aura travaillé une facette de la voix de Nicolas réal. L'orchestration confère alors une tonalité qui fait penser à la fin à certains morceaux de Christophe.
Le texte de Strip-tease sur Mars a bougé légèrement. Il est question de coeurs sans émotion. ON la retrouve ensuite plus loin (piste 12).
La fête foraine qui sert de décor et d'inspiration au titre éponyme Saint Romain (piste 3) évoque de multiples artistes. Avec cette alternance de voix parlée et chantée, et les ascensions soudaines dans les aigües, illustrant parfaitement les looping du manège.
Pandy Box (piste 4) raconte une bluette hivernale. Rupture de ton et de style avec le Statistype (piste 5) qui fort humoristiquement met en exergue le français moyen? toujours en alternant voix parlée et chantée, nous révélant donc un Nicolas Réal "plus que normal".
Suggestion d'amie (piste 6) poursuit dans la critique sociétale en raillant les réseaux sociaux, avec une évocation discrète d'intonations à la Vincent Delerm.
Tous les cris, les SOS est si éloignée de la version originale que ce n'est qu'à la troisième écoute que j'ai relié avec la chanson écrite et composée par Daniel Balavoine. Le résultat est magnifique. C'est une excellente idée de l'interpréter avec une voix féminine.
Paranormal (piste 8) explore d'autres tonalités.
Masqué (piste 9) est habillé de jolis effets musicaux.
Le petit chemin (piste 11) renoue avec la tradition de la variété française.On veut bien croire que ce second album est furieusement autobiographique, allant jusqu’à mettre en scène sa propre fille dans le dernier titre, Où est je ? mais avec plus de tendresse et moins de provocation que ne le fit un certain Gainsbourg. Ce titre, écrit par Laurent Bazin et composé par Nicolas Réal est interprété par le père avec sa fille Inès (huit ans) et le clip reprend l'album photos de leurs meilleurs souvenirs de famille.