Je m’étais promis de revenir tant j’avais été impressionnée par l’immensité des collections. Il faut compter un minimum de deux heures pour les visiter et on pourrait leur consacrer une journée entière sans en avoir épuisé les ressources.
Le musée propose régulièrement de nouvelles expositions. Celle qui ouvre au public demain, Combattre loin de chez soi. L'empire colonial français dans la Grande Guerre, m’a donné l’occasion d’en apprendre davantage sur ce musée qui, je le rappelle, est le plus important dans son domaine.
Lors de ce déplacement, nous avons été accueillis par Franck Gourdy, vice-président de la Communauté d'agglomération du Pays de Meaux et Audrey Chaix, directrice du musée qui ont rappelé que si le thème s’inscrit dans l’actualité la volonté du musée remonte à plusieurs années, en raison de la volonté de faire vivre la richesse des collections puisque le parcours permanent ne permet de montrer qu’environ 5 000 pièces sur les 70 000 objets et documents composant les collections. Les visiteurs découvriront à 90% des pièces sorties des réserves, de la collection Jean-Pierre Verney, d’autres dons et de la politique d’acquisition.
Après avoir présenté l'exposition, je me rendrai dans les collections permanentes et je mettrai l'accent sur quelques pièces, en complément de ce que j'ai écrit en novembre dernier. C’est Johanne Berlemont, responsable du service de la conservation, qui assura les deux visites.
Elle apporte des clés de compréhension de l’histoire et des mémoires des anciennes colonies et territoires français. En effet, cette histoire entre la France et son Empire est à la fois ancienne et éminemment contemporaine dans le contexte particulièrement sensible de l’écriture de l’histoire coloniale. Le musée a choisi d’adopter une position mesurée, rigoureuse qui s’inscrit dans la continuité de sa collection permanente, bâtie sur les aspects sociétaux et militaires de la Grande Guerre.
L’approche, qui est pluridisciplinaire, donne à saisir les enjeux des récits historiques à travers la présentation de figures, de données scientifiques, d’oeuvres, de documents et d’objets issus des collections du musée ou de celles de partenaires institutionnels.
Il faut rappeler que la guerre de 1870 se termina par une défaite française qui eut pour conséquences la chute du Second Empire français et de l'empereur Napoléon III, suivie de la proclamation de la Troisième République. Sur le plan du territoire, la France est amputée de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine. Mais elle conserve l’héritage d'un empire colonial constitué sous l'Ancien Régime (îles Caraïbes, île de la Réunion, comptoirs en Inde), sous la monarchie de Juillet (prise d'Alger en 1830) et enfin sous le second Empire (implantation en Indochine). Bientôt auront lieu la colonisation de Madagascar et d’une partie de l’Afrique (où plusieurs pays européens seront récents). Un ministère des colonies est créé en 1894.
Un des premiers objets présentés est cette Assiette historiée "Madagascar" représentant des tirailleurs haoussas datée entre 1881et 1919, provenant de Utzschneider & Cie, Manufacture de Sarreguemines
Si bien qu’en 1914, l’Empire colonial français, constitué sur plus de quatre siècles, s’étend en Afrique, en Indochine, dans l’océan Indien (Madagascar, Réunion), l’Océanie et le Pacifique, sur la Côte des Somalis et dans les Antilles. Colonies et protectorats rassemblent une population de 41 millions d’habitants
A la veille du conflit de la Première guerre mondiale, la France métropolitaine compte 40 millions d’habitant et l’Allemagne 60. Il est évident que les colonies représentent une présence rassurante, un énorme réservoir d’hommes, une "Force noire" dont le colonel Mangin pose les principes en 1910 et qui pourrait servir en cas de conflit.Tous les politiques ne partagent pas ce point de vue. Jaurès trouvait cette idée indigne. Si les colonies sont un enjeu de puissance, elles sont également une source de conflit avec les autres nations comme au Maroc en 1905 et avec l’Empire allemand en 1911.
Un audiovisuel explicite le cadre géographique de l’exposition pour remettre en perspective le sujet de la constitution de l’Empire français.
Ces troupes apportent leur contribution à la victoire finale. Le rôle des coloniaux n’est pas limité à la participation aux combats. 200 000 travailleurs coloniaux sont recrutés et engagés dans les usines, les mines, les ateliers et les champs pour les besoins de la production de guerre. A ce titre on peut souligner que 36740 chinois sont venus pour travailler en métropole. Ce fut la première immigration massive.
Le nègre est prêt à mourir pour la France écrira Blaise Diagne, premier député noir à l’Assemblée nationale élu en 1914.
Un traitement particulier leur est également appliqué par l’institution militaire : surveillance accrue du courrier, permissions limitées, inégalités en matière d’avancement et de commandement. Pour renforcer l’attachement des combattants indigènes à la France, mais aussi pour contrer la propagande ennemie, les autorités militaires facilitent la pratique religieuse (comme on peut le lire dans le document ci-dessous), le respect des coutumes, des habitudes culinaires, festives et culturelles.
Entre 1914 et 1918, 600 000 hommes (indigènes et Européens installés aux colonies) combattent sur tous les fronts où intervient l’armée française en métropole, en Afrique et dans les Dardanelles. Il s’avérera que les pertes seront équivalentes dans toutes les troupes (un quart des effectifs) plaçant les troupes coloniales au rang de véritables frères d’armes dans les tranchées où, de toute, évidence, les obus ne faisaient pas de distinction entre les origines. Bien entendu sans compter les 40 000 combattants de la Légion Etrangère issus de 43 nationalités.
Ces bataillons désignent les unités qui, à proximité immédiate des premières lignes, sont chargées de l'entretien des voies, de l'acheminement des matériels et de missions dans les formations sanitaires. Ces missions peu visibles sont essentielles. Il porte un chapeau conique adopté par toutes les formations originaires d'Indochine en 1912.
Chaque objet, à sa manière, raconte les vies bouleversées des hommes et des femmes confrontés à la guerre, au front comme à l'arrière. Il serait faux de considérer que tout a commencé en 1914.
La guerre de 1870 agit comme un traumatisme qui exit le patriotisme. Beaucoup de petites filles reçurent en cadeau une poupée alsacienne (et je me souviens que ma mère tenait beaucoup à la sienne, qui lui avait été offerte -je le précise- peu avant la Seconde Guerre Mondiale). Une vitrine présente celle-ci, fabriquée en Allemagne en 1896 par SchildkreI destinée à être vendue en France. A noter la présence de la cocarde tricolore, ce qui n'est pas le cas pour les modèles destinés au marché allemand.
La collection est unique comprenant des uniformes de tous les pays belligérants, y compris de soldats américains qui sont arrivés en 1918. Ils furent deux millions et chacun était doté de 45 tonnes de matériel. On remarquera plus loin sous vitrine la Djellaba d'officier des troupes indigènes et puis le Manteau et une paire de sur-bottes d'un aérostier allemand
Combattre loin de chez soi. L'empire colonial français dans la Grande GuerreConseil scientifique Jeanne-Marie Amat-Roze, géographe, agrégée, docteure en géographie de l’université Paris-Sorbonne, professeure émérite des universités, présidente honoraire de l’Académie des sciences d’outre-mer, Christian Benoït, lieutenant-colonel (er), ancien officier du Service historique des armées, historien spécialiste de l’organisation de l’armée française à la veille et pendant la Première Guerre mondiale et Jacques Frémeaux, historien, agrégé de l’université, docteur en lettres, professeur émérite à Sorbonne Université, membre de l’Académie des Sciences d’Outre-MerAu musée de la Grande Guerre - Rue Lazare Ponticelli - 77100 MeauxDu 6 avril au 30 décembre 2024De 9 h 30 à 18 h tous les jours sauf le mardi, le 1er Mai et trois semaines en aoûtUne programmation culturelle complète est proposée autour de l'exposition.