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Présentation du texte byzantin ou majoritaire du N.T. et réfutation de sa supériorité

Par Monarchomaque

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Dans le dernier quart du XXème siècle et le premier quart du XXIème, plusieurs académiciens chrétiens évangéliques dans l'Anglosphère ont produits des éditions de référence du Nouveau Testament grec basées - en théorie - sur la majorité des manuscrits grecs du N.T. (représentée par le symbole 𝕸), chose qui n'avait jamais été faite auparavant. Il s'agit du Greek New Testament According to the Majority Text de Zane Hodges et Arthur Farstad, du New Testament in the Original Greek (Byzantine Textform) de Maurice Robinson et William Pierpont, ainsi que du Greek New Testament According to Family 35 de Wilbur Pickering.

Ces textes de base 𝕸 ont à leur tour été utilisés pour produire de multiples traductions du Nouveau Testament en langue anglaise. En ce sens, le texte 𝕸 𝕸 de Hodges-Farstad fut traduit dans la Majority Standard Bible (MSB, 2023) par BibleHub inc. Semblablement, le texte de Robinson-Pierpont fut traduit dans la English Majority Text Version (EMTV, 3ème éd. 2009) par Paul Esposito puis dans la Byzantine Text Version (BTV, 2021) par Robert Adam Boyd.

En outre, la (WEB, 2020) est, pour le N.T., une traduction éclectique dérivée simultanément du texte 𝕸 de Hodges-Farstad et du texte 𝕸 de Robinson-Pierpont, effectuée par une équipe dirigée par le chrétien charismatique Michael Johnson. De surcroît, le texte grec de la "Famille 35" de Pickering - basé sur un groupe de ± 220 manuscrits comparativement homogène qui correspond à l'aboutissement très tardif du texte-type byzantin médiéval (XIII-XVèmes siècles) - fut traduit par ce même Pickering (1ère éd. 2013) et aussi en portugais (1ère éd. 2023).

Enfin, toujours en anglais, nous pouvons aussi mentionner la Eastern Orthodox Bible (EOB, 2013) du presbyte Laurent Cleenewerck, qui est une traduction du " texte patriarcal" (TP) établi par Vasileios Antoniades en 1904, à savoir le texte néotestamentaire grec officiel du Patriarcat œcuménique de Constantinople (c-à-d l'Église grecque pseudo-orthodoxe d'Orient), également diffusé par la Société biblique hellénique. Ce TP, malgré qu'il ne s'appuie pas sur une base manuscrite aussi large que les éditions occidentales protestantes du texte 𝕸, leur est identique à 98.5 %.

Pendant ce temps, en Francophonie, nous ne disposons toujours pas d'une seule traduction vernaculaire du N.T. s'appuyant sur le texte majoritaire ! Certes, la Bible de Yéhoshoua Mashiah (BYM, 2014) du pentecôtiste africain Shora Kuetu se présente comme s'appuyant sur le texte 𝕸 grec pour le N.T. Toutefois, cette BYM s'avère en réalité être une révision maladroite des vieilles versions françaises Martin 1744, Ostervald 1886 et Segond 1910 faite par un prêcheur anti-trinitaire ayant des compétences très limitées en langues bibliques.

Tout ceci étant dit, il est néanmoins pertinent pour les chrétiens francophones de se pencher sur les caractéristiques textuelles du texte 𝕸 grec, puisqu'une proportion substantielle des variantes textuelles des Bibles suivant le "texte reçu" (TR) proviennent de 𝕸, et que les Bibles TR françaises continuent à être révisées & rééditées aujourd'hui (par exemple Ostervald 2018 et Lausanne 2022).

Description générale des variantes du texte-type byzantin

" Byzantin (ou Koiné) : Ce texte amalgamé, qui émousse les difficultés et harmonise les différences, fut utilisé dans la liturgie de l'Église byzantine (devenant quasi normatif à partir du VIe siècle) ; il est généralement considéré comme un développement tardif et secondaire. Pourtant, certaines de ses lectures sont anciennes et remontent à l'Église d'Antioche vers 300 [et même parfois - quoique très rarement - dans des papyri égyptiens vers 200-250]. " (Raymond Brown, Que sait-on du Nouveau Testament ?, Bayard Éditions, 2000, p. 87-88).

" Le texte byzantin n'apparaît pas avant le IVe siècle : ses premières attestations sont les citations des Pères cappadociens (Grégoire de Nysse, Grégoire de Nazianze, Basile de Césarée), vers 350 ; il a comme origine probable la révision faite par Lucien d'Antioche vers 300 [...] Le type byzantin présente de nombreuses additions par rapport au texte alexandrin [qui est nettement plus proche du texte original rédigé par les auteurs inspirés au Ier siècle.] [...] Le texte byzantin devient celui en usage dans la liturgie de l'Empire byzantin, il remplace ainsi progressivement ses concurrents, qui subsistent cependant ça et là. Le texte byzantin devient au Moyen Âge le texte dominant, sans doute répandu par l'usage liturgique. Sous cette forme médiévale, il n'existe sans doute par avant la recension de Lucien dont il est [notamment] le résultat. " (Christian-Bernard Amphoux, Manuel de critique textuelle du Nouveau Testament, Éditions Safran, 2014, p. 32-33).

" Pour le sujet qui nous occupe, un autre type de transformation est plus significatif : c'est celui qui conduit à un texte plus compréhensible. De telles modifications ont lieu, consciemment ou inconsciemment. Le plus souvent il s'agit d'‹ aider le texte › et non de le déformer. Ce type comprend d'une part l'explicitation (par ex. : un pronom ‹ il › est remplacé, à cause du contexte, par une désignation univoque de la personne concernée [ comme c'est le cas en 1 Timothée 3:16 ou Jacques 1:12]), d'autre part l'adaptation de la formulation à des normes familières (par ex. : un terme de langue populaire est remplacé par un synonyme de la langue érudite, un terme inhabituel, difficile à comprendre par un autre plus courant, plus accessible [comme c'est le cas en Jacques 1:5]). [...] Il y a une force probante particulièrement grande dans ces leçons qu'on trouve en très grand nombre, mais qui sont dénuées d'importance du point de vue de leur contenu (du point de vue théologique) et dont on ressent nettement le caractère secondaire. À leur lumière, il devient pratiquement inévitable de conclure que par rapport au texte alexandrin [...] le texte majoritaire offre une proximité moindre envers l'original. À cela s'ajoute encore [le fait que] ce type de texte est également moins proche chronologiquement de l'original. " (Heinrich von Siebenthal, "Nos traductions du Nouveau Testament ont-elles une base textuelle fiable ?", Théologie évangélique (FLTÉ), 2:3, 2003, p. 235-236).

" D'accord en cela avec tous les savants travaillant dans le respect de l'histoire, les exégètes sont conscients que la qualité prime la quantité. [...] L'enjeu, c'est d'établir quel degré de proximité on peut reconnaître aux sources par rapport à la vérité qui nous intéresse, c'est-à-dire par rapport au libellé original. Ce qui est décisif à cet égard, c'est non seulement la proximité dans le temps, mais aussi du point de vue du contenu. [...] [L]e texte alexandrin peut clairement revendiquer une plus grande proximité de l'original que le byzantin. Autrement dit, malgré une majorité de sources qui l'attestent [≈ 85 % des manuscrits au total], le texte byzantin doit être qualifié de moins bon de par sa proximité de l'original vue sous l'angle de la chronologie et du contenu. " (Heinrich von Siebenthal, loc. cit., p. 232).

" Le texte byzantin s'impose comme un bon texte [ sic] pour l'usage ecclésial [c-à-d liturgique], lu pendant l'office, commenté par les Pères [cappadociens]. Conformément à la révision de Lucien ou dans sa continuité, il est à la fois correct, élégant et explicite, pour ménager la compréhension à simple audition. Il est, de plus, confluent : à maintes occasions, il ne choisit pas entre les variantes antérieures, mais les juxtapose de manière à produire un texte où chacun retrouve sa tradition. " (C.-B. Amphoux, Manuel, op. cit., p. 300).

" Le texte byzantin [...] remplace [les textes césaréen, alexandrin et occidental] à partir du IVe siècle, mais il ne se stabilise lui-même que lentement, son évolution durant jusqu'au IXe siècle [et même jusqu'au XVe siècle !]. Le trait le plus remarqué est l' abondance des pronoms, pour expliciter le sens du texte. Le deuxième trait est le souci de contenir toutes les traditions, il a donc tendance à être long. Cette forme a été dominante au Moyen Âge [en Orient hellénique]. " (C.-B. Amphoux, Manuel, op. cit., p. 302).

" Quant à la prédominance des sources byzantines dans les siècles ultérieurs, elle s'explique mieux par les deux facteurs suivants.
Première raison : Lors de la constitution du Nouveau Testament, le grec était la langue internationale du bassin méditerranéen : même la Lettre aux chrétiens de Rome n'a pas été rédigée en latin, mais en grec ! Après la division de l'Empire romain à la fin du IVe siècle, le grec a perdu son hégémonie [en Occident] et sa sphère d'utilisation s'est presque réduite à la seule Grèce elle-même [ou plus précisément aux territoires sous la juridiction de l'État byzantin et démographiquement hellénophones], où on a continué à l'employer jusqu'aujourd'hui. Il en est résulté qu'avec le temps, le Nouveau Testament grec n'a continué à être transmis que dans la sphère d'influence de Byzance et cela avec les traits dès lors caractéristiques de cette région.
Deuxième raison : Si la transmission du texte alexandrin et du texte ‹ D › [c-à-d du texte-type occidental] a fini par s'interrompre, c'est non seulement parce que le grec n'était plus la langue courante dans les régions concernées, mais surtout parce qu'après la conquête musulmane des pays jusqu'alors marqués par le christianisme, au VIIe siècle, le christianisme, et donc la transmission de la Bible sous la forme caractéristique de cette région, sont devenus des faits marginaux [ou bien cette transmission a adopté les traits ethno-linguistiques propres aux minorités chrétiennes sous domination islamique, tels le copte en Égypte, l'araméen / syriaque / chaldéen au Levant & Mésopotamie, l'arménien en Anatolie orientale, le géorgien au Caucase méridional, etc.]. " (Heinrich von Siebenthal, loc. cit., p. 237).

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Réfutation de l'idée de supériorité du texte majoritaire du N.T.

Les citations et observations contenues dans le document ci-dessous expliquent plus en détail pourquoi le "texte majoritaire" (𝕸) n'est pas qualitativement supérieur au "texte standard", pourquoi ce "texte majoritaire" est beaucoup moins majoritaire qu'il n'y paraît à première vue, et aussi pourquoi le "texte reçu" (TR) est encore moins majoritaire que le texte byzantin dont il provient partiellement.

Document aussi accessible sur Calaméo et , ou en téléchargement direct ici.

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Le texte-type byzantin n'est, en réalité, véritablement " majoritaire " parmi les manuscrits du Nouveau Testament qu'à partir du IXème siècle (!)...


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