Tranquillement, l’hydre resserre ses anneaux.
Elle a la force et tout le temps. Sur chacun de ses fronts, une croix crantée qu’on avait cru enterrée à jamais au plus profond des plus noirs cachots de l’histoire. Mais quand bien même on en couperait cent, il restera toujours une tête au sommet du serpent. Une mèche lissée sur le côté. Une moustache. Et une chemise brune pour le défilé. Au pas, s’il vous plait. Au pas, pour la liberté. Tous ensemble et bien alignés. Je ne veux voir qu’un seul homme. Rien qui dépasse. Tous la même couleur. La même odeur. La même langue et les mêmes mots.
Et tous les mêmes idées dans le cerveau.
Liberté de penser comme moi.
Liberté de parler comme moi.
Liberté d’agir comme moi.
Liberté d’exister comme moi.
Je suis votre liberté.
Suivez-moi !
Lentement, ils se mettent en marche, en bon ordre. Dix. Vingt. Cent. Mille. Cent mille. Des millions. Sur la même ligne et en même temps. Sur l’estrade, au-dessus des bannières, la mêche a une autre couleur, un autre format, en bataille, relevée, hérissée ou rasée sur les côtés. C’est fou, l’importance du poil chez les dictateurs. Le cheveu, élément majeur de l’identité visuelle, au même titre que l’uniforme, le drapeau et le fouetté de la main.
On les voit venir de loin, de toujours, leurs certitudes en bandoulière et les armes au poing. Un jour, pas si lointain, ils brûleront nos idées et nos livres, raseront tous les crânes et les idées qui dépassent.
Un jour, on n’y peut rien, et pour certains d’entre eux, aujourd’hui, c’est déjà demain.