Et alors que la question du genre est un thème largement d’actualité il ne tranche pas, jouant sur les deux tableaux. Il l’affirme dans la chanson éponyme.
Il se produit tous les mercredis à 21h00 depuis le 20 mars (jusqu’au 26 Juin 2024/ relâche le 12 Juin) dans une des caves du Théâtre de l'Essaion qui convient parfaitement à la formule qu’il a concoctée.
Laurent Viel s’affirme Homme-Femme. Il est tout autant Chanteur-Comédien. Ce spectacle, qui n’est pas nouveau puisqu’il a été créé il y a un an, s
e compose de 14 chansons, certaines anciennes, d’autre récentes, abordant les thèmes de l’enfance, la sienne comme le désir d’enfant par la GPA, de la blonde Sylvie, de l’amour, du genre et de la sexualité, du parcours d’une vie, de la brune Barbara, de la résilience… avec en bonus une artiste invitée à chanter avec lui à la fin car Laurent aime depuis toujours chanter en duo.Le show commence et se clôture sur une évocation de Marcel Proust. L’ambiance se rapproche davantage du cabaret que du tour de chant. Les vidéos imaginées par Antoine Le Gallo habillent joliment les pierres apparentes en de savantes compositions kaléidoscopiques. J’ai particulièrement apprécié celle qu’il a conclue sur les paroles de La machine avec la chorégraphie de Raphaël Kaney Duverger interprétée par Isabelle Aichhorn, qui signe la mise en scène du spectacle.C’est un spectacle où les paroles comptent. Alors, forcément, on y est attentif, quelles soient de Laurent Viel, qui conjugue les talents d’auteur, compositeur et interprète ou des plumes qui ont collaboré avec lui comme Philippe Besson, Yann Cortella, Romain Didier, Thierry Garcia, Xavier Lacouture, Marie Nimier …Après une évocation de Marcel Proust, qui bouclera d’ailleurs le récital, Laurent interroge l’assemblée avec une chanson qu’il interprétait déjà dans « Viel chante d’Eon dit … le chevalier » (Ai-je vraiment compté ?) : je me suis égaré / J’ai tant voulu la gloire, les honneurs / Il est trop tard
Le chanteur est plongé dans une totale obscurité mais on devine une épaisse fumée qui va se teinter de rubis alors que nous découvrons un ours en peluche de la même tonalité en équilibre sur l’épaule, symbole absolu de l’enfance par laquelle l’artiste tenait à commencer car elle le renvoie à la solitude … et à la nudité.
Quelques pas de danse (et il y en aura plusieurs au cours de la soirée) et voici Ventre Z, mi-parlée, mi-chantée, interrogeant sur la GPA, avec des paroles de Pascal Mathieu, qui a également écrit la suivante, Le fil du courant, traversé de clins d’œil à l’univers de la jolie blonde, alias Sylvie Vartan, qui fut la première à donner envie de faire de la scène. Elle dont le visage n’est plus sur l’oreiller mais sur le mug qui rivaliser avec l’ours en peluche sur le tabouret.
Nous en parlions, la voici en majesté, Sylvie Vartan, dont on reconnaît à peine la voix mais qui se dessine très vite avec des références très explicites à plusieurs titres de ses chansons que Xavier Lacouture a agencés façon puzzle ( Comme un garçon, La Maritza, L’amour c’est comme une cigarette, Nicolas …), en soulignant d’un trait large qu’il s’agit bien d’elle au cas où nous n’aurons pas compris.
La longue dame brune, alias Barbara, rivalise avec la précédente, et on pourrait écouter longtemps son phrasé si particulier. La musique a été fort à propos composée par Romain Romanelli qui fut si longtemps son accordéoniste. Je signale que le spectacle-hommage qu’il lui consacre, L’homme en habit rouge, est un bijou.
Laurent enchaine en changeant de rythme avec une chanson dont il a écrit paroles et musique (avec Yann Cordella) : Qu’est-ce qu’il y a d’aussi beau ? Bien qu’il commence par j’aime les filles à talon (…) et qui jouent les princesses, les affirmations qui suivront renverseront le paradigme tout en faisant écho troublant au premier grand tube sur toutes les radios FM, en 1981, J’aime regarder les filles de Patrick Coutin. Cette année-là Barbara chantait Regarde, quelque chose à changé, mais il ne s’agit pas du tout du même changement que celui que Laurent nous confie ce soir. Sylvie, plus nostalgique, chantait quant à elle Toute une vie passe / pleure des lettres d’amour et des coups de coeur / change. On n’oublie rien mais il faut garder pour soi un coeur déchiré quand l’amour s’en va.
Il y a une autre référence musicale (nous dirons un hommage, et ma mémoire n’a pas retrouvé de quel titre il s’agit qui, bien évidemment n’a rien à voir avec la chanson d’Alain Souchon mais plutôt avec une balade moyennageuse) dans la magnifique interprétation suivante, La machine (texte plein d’émotions de Xavier Lacouture) alors qu’une suite de notes électro ponctuent la chorégraphie superbement démultipliée à l’infini :Elle passe l’aspirateur (…) pour aspirer son bonheur en poussière.Elle refait les mêmes gestes pour calmer sa douleur. (…)Quelques tee-shirts et un jean défilent dans la machine / Roulent au rythme du tambour.Elle a relu la lettre / Le temps s’est arrêté / Elle retire de la machine/ Un homme en uniforme bleu / Mort au son du tambour.
Voilà Monsieur, totalement ancrée dans la tradition de la chanson à texte et où l’hommage est cette fois évident à Jacques Brel. Laurent Viel chante la suivante dos au public. Elle m’évoque le début du spectacle avec la référence explicite à Proust et la première chanson, Ai-je vraiment compté ? Il enfile ensuite une veste rouge, assortie à ses chaussures, pour interpréter Dans le corps d’un homme.
Voix de gorge dans Pianiste de bar pour célébrer Keith Jarret, Meredith Monk, et … Richard Clederman. La fumée noire masque l’artiste qui, en voix parlée célèbre cette fois Cole Porter, Gerschwin, et … toujours Richard Clederman.
Les belles paroles écrites par Philippe Besson pour Au temps qui nous reste abordent un thème très actuel, celui de la fin de vie.
Enfin arrive la chanson éponyme du spectacle : Quand je pense Homme je me sens Femme / Je dis Elle / Je pense à moi (…) Il faudrait trancher … mais pourquoi ? interroge Laurent avec malice en concluant Et l’avenir va me donner raison. Les paroles explorent la dualité, le double, mais nous ramènent aussi à l’enfance.
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