Pourquoi notre cerveau adore les mauvaises nouvelles

Publié le 13 avril 2024 par Eric Acouphene


Faits divers sordides, catastrophes naturelles, conflits en tout genre… Notre cerveau raffole secrètement de ce genre d’informations ! En cause : le biais de négativité qui entretient notre goût inavouable pour les mauvaises nouvelles. (Par Anne Guion)

Pourquoi les médias ne parlent-ils que des trains en retard et jamais de ceux qui arrivent à l’heure ? La réponse à cette question est simple : parce que tout le monde préfère les mauvaises nouvelles aux bonnes ! Ou plus précisément, nous sommes tous – journalistes compris – victimes du biais de négativité, une tendance spontanée de notre cerveau à être attiré par les informations négatives. Cela s’explique par l’évolution.


Pour pouvoir éviter le danger et maximiser nos chances de survie, notre cerveau est particulièrement sensible à tout ce qui pourrait nous menacer. Et il va littéralement s’accrocher au négatif. Résultat : notre vision du monde est déformée. Nous pensons en général que celui-ci est beaucoup plus sombre et sans espoir qu’il ne l’est réellement.

Processus en cascade

Surtout, la multiplication des informations négatives dans les médias produit des effets nocifs sur notre santé mentale. Il faut reconnaître que notre cerveau n’a pas beaucoup évolué depuis l’époque des chasseurs-cueilleurs. Celui-ci va percevoir l’annonce d’une guerre ou d’un fait divers sordide, par exemple, comme une menace réelle même si ces événements ont lieu très loin de chez nous. Résultat : il va activer notre réponse au stress.

Dans la vie réelle, c’est un processus en cascade dont l’objectif est de nous soustraire à un danger, à une situation difficile que nous vivons. Imaginez : vous vous apprêtez à traverser une rue très fréquentée, et une voiture fonce droit sur vous ! Aussitôt, un flot de neuromodulateurs va déferler en vous : d’abord l’acétylcholine puis l’adrénaline. Cette dernière va contracter les vaisseaux sanguins de notre cœur, qui, à son tour, va se mettre à battre plus vite pour que le sang parvienne plus rapidement vers nos muscles. Et presque instantanément, sans même que vous en ayez conscience, vous sautez sur le trottoir ! Ouf. 

Mais ce n’est pas tout. Un autre processus va s’enclencher. Nos glandes surrénales, juste au-dessus de nos reins, vont diffuser un autre neuromodulateur, le cortisol, qui va activer la formation de glucose nécessaire à notre production d’énergie. Il faut bien soutenir notre réaction sur la durée ! Il s’agit de mettre en condition notre corps pour lui permettre de combattre ou de fuir.

Rumination et anxiété


Mais contrairement à une situation réelle, nous ne pouvons être qu’impuissants face, par exemple, à un massacre qui a lieu à 5 000 km de chez nous. Notre réponse au stress tourne dans le vide. « Nous ne pouvons ni fuir ni affronter le danger, ni prendre de la distance, explique la psychologue clinicienne Sabine Duflo. Et lorsque ces mauvaises nouvelles sont répétées plusieurs fois dans une même journée, nous subissons en continu des minichocs traumatiques. Les tours jumelles à New York ne se sont effondrées qu’une fois, mais pour nous, c’est comme si cela s’était produit des milliers de fois. C’est le même phénomène pour la bande de Gaza. Chaque drame répété inlassablement a des conséquences sur notre santé mentale, cela nous épuise… »

Surtout, les informations négatives s’inscrivent plus profondément dans notre mémoire que les bonnes. Pour pouvoir réagir le plus efficacement possible si le danger se représente, le cerveau emmagasine le maximum de détails sur le contexte : le lieu, les sons, les odeurs. Objectif : déclencher le plus rapidement possible la réponse au stress lorsque la menace reviendra. C’est ce processus qui est à l’origine du syndrome de stress post-traumatique : une odeur, un bruit peut réactiver brutalement le traumatisme.

Sans aller jusqu’à ces extrêmes, tandis qu’une annonce positive sera vite oubliée, une information négative provoquera rumination et anxiété. Or, de nombreuses études ont ainsi montré que ruminer altérait la santé cardio-vasculaire, appauvrissait la qualité du sommeil, stimulait la production d’hormones du stress dont le cortisol. Un tableau qui peut même favoriser la survenue d’une dépression.

source : La Vie

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