« L’attirance sexuelle dans les modes les plus raffinés (et les plaisirs sexuels non moins raffinés) se fonde sur des caractéristiques contradictoires à la norme de chaque sexe. » *
Ce matin, je lisais une chronique du tout dernier album de Gesaffelstein et, pour la première fois, je remarquais ce qualificatif employé au moment où l’auteur faisait un parallèle avec ce qui est pour lui la plus grande évidence en écoutant la musique de l’artiste français : au milieu des références notoires, Depeche Mode semble ressortir dans l’ombre de sa musique, ce groupe ayant su dans les années 80 infuser son style hautement camp pour le faire entrer dans quelque chose de plus pop et qui finira par emplir des stades. Camp ? Tiens, je n’avais jamais soit lu le terme, soit prêté attention à son utilisation. Le terme anglais définit quelque chose d’ostentatoire, exagéré, affecté, théâtral ; d’effeminé ou homosexuel.
Quelques heures plus tard seulement, j’ouvre ce livre que j’ai reçu il y a trois jours déjà et qui m’attendais sagement. Je l’ouvre machinalement et me retrouve, comme par enchantement, à la partie que je souhaite lire en premier – oui, excusez-moi de ne pas le lire chronologiquement !
En effet, c’est parce que l’un des dix chapitres est consacré à « For today I am a boy » d’Antony And The Johnsons que j’avais eu envie de lire Dix Chansons Qui Troublent Le Genre, de László. Et là, tout prend sens. Le lien entre le chanteur-leader du projet et Candy Darling – la muse transgenre de Andy Warhol et du Velvet Underground que l’on voit sur la pochette de l’album I Am A Bird Now, mourante sur son lit d’hôpital, photographiée en 1974 par Peter Hujar et devenue classique, mais un classique dramatique–, entre Antony et Lou Reed qui, justement, a chanté avec le Velvet Underground « Candy says », dont nous parle en tout premier László dans son nouveau livre.
Peut-être l’auteur ne le sait-il pas mais, au Royaume-Uni, a bird est un terme familier pour désigné une fille… Il y a donc bel et bien un double sens au titre de l’œuvre qui, d’emblée, impose un nouveau genre pour sa voix poétique qui, on le sait, n’est autre que celle de son chanteur, Antony Hegarty, dont l’évolution (je préfère ce terme à celui de transformation qui est trop radical et profond) parviendra des années plus tard a enfin être la femme qu’il a finalement toujours été, cela prenant officiellement forme en adoptant le nouveau nom de Anohni.
L’ombre du prénom Antony n’est pas loin, mais celle du mot anonyme également… Pourtant, l’identité de la star dont j’avais découvert la voix aux côtés de Björk est inimitable et donc sans pareille. Quant à sa musique, même chose : Antony, Anohni, avec ou sans The Johnsons, demeure une expérience toujours aussi troublante et touchante. Comme la lecture de ce second livre de László dont l’écriture beaucoup plus personnelle me plaît davantage.
J’ai donc mentionné deux des dix chansons ; les autres sont, dans l’ordre, de The Kinks et The Raincoats, Patti Smith, X-Ray Spex, Kraftwerk, Laurie Anderson, Johnny Thunder, Liz Phair et St Vincent.
* Susan Sontag, Le Style Camp.
(in Heepro Music, le 08/04/2024)
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