René Sulić est un jeune inspecteur. Il mesure plus de deux mètres. C'est un ancien hockeyeur. Il vit avec Edwige Kählin, assistante de géographie à l'université de Fribourg, dans une ferme sur les hauts du village de Jaun, en Gruyère.
Il s'y trouve en congé quand son coéquipier et mentor, Verdon, l'appelle pour une urgence. En face de chez lui, au-dessus d'Im Fang, un cadavre a été découvert par une touriste. Tout laisse à penser qu'il a été attaqué et massacré par des loups.
L'autopsie révélera que les carnassiers ont déchiré leur proie post mortem. Mais, sur le moment, c'est la stupeur et même la peur tout court. En tout cas, le jour même, ce lundi 18 juillet1, l'homme est identifié: il a une fiche dans le SIS2.
Il s'agit de Piotr Lipkowski, de nationalité moldave, impliqué dans un réseau de prostitution. Après diffusion de son portrait, des inspecteurs infiltrés l'ont reconnu. La veille, il avait rencontré trois hommes au café du Belvédère à Fribourg.
L'enquête peut commencer. Comme la victime et deux des trois autres hommes sont des Genevois, elle sera menée conjointement par Jean-Pascal Verdon et René Sulić de la Sûreté de Fribourg et par Jean Sanchez de la Judiciaire de Genève.
Les compagnons de table de Lipkowski sont à leur tour identifiés: un dealer, Amir Berisha, Kosovar, qui travaille dans un garage à Fribourg, et Mehmet Dogan et Bayar Aziz, Kurdes de Turquie, qui étudient les sciences économiques à Genève.
L'histoire connaît deux tournants: l'un affecte personnellement René et changera sa vie, l'autre est la découverte, huit jours plus tard, d'un cadavre au même endroit que le premier - le modus operandi étant le même -, mais dévoré ante mortem.
Savoir qui, comment et pourquoi, ces deux personnes sont mortes, ne sera pas mince affaire pour le trio d'enquêteurs et le lecteur devra faire un effort pour ne pas se perdre dans les méandres de ce polar original à un tout autre point de vue.
Car ce qui donne à l'intrigue un ton personnel, c'est l'autre découverte que fait Sulić en Bosnie, où il s'est rendu avec Verdon, trois jours après la découverte macabre en Gruyère, pour enquêter sur les complicités que Berisha peut avoir là-bas.
Sulić, que d'aucuns à la Sûreté surnomment le poète, sans doute parce qu'il a souvent à portée de main les Poésies choisies de François Villon, reçoit, après ce voyage, de quelqu'un, qui aura ignoré jusqu'à son existence, un legs très éclairant:
La légende de Guillaume Tell vue à travers le prisme de la mythologie nordique.
Dans ce texte, dont Olivier Beetschen publie de larges extraits, en italiques dans le roman, se trouve la maxime qui donne son titre au livre: La nuit montre le chemin, et des personnages, les Irascibles, qui ont au fond quelque chose de René Sulić:
Était-ce aller trop loin de considérer que de telles figures avaient une certaine ressemblance avec un policier un peu impulsif, un peu braque, un peu indiscipliné? De là est peut-être né le sentiment que la légende lui était adressée.
Sans que son auteur puisse l'imaginer, ce texte aidera Sulić. En effet, il mettra en application la devise des Irascibles, ronflante mais efficace: La ruse pour confondre les scélérats, la force pour les écraser. Le lecteur relèvera au passage la citation:
Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d'eux.3
Francis Richard
1 - 2022 ?
2 - Système d'Information Schengen.
3 - L'auteur, dans ses remerciements, précise qu'elle est de René Char.
La Nuit montre le chemin, Olivier Beetschen, 384 pages, Bernard Campiche Editeur
Livres précédents à L'Âge d'Homme:
La Dame Rousse (2016)
L'oracle des loups (2019)