Isaac Hayes - Hot Buttered Soul (1969)

Publié le 22 août 2008 par Oreilles

DODB ne saurait décemment laisser filer le mois d'août sans rendre hommage à l'une des figures-clé de la musique noire américaine de la deuxième moitié du 20ème siècle, j'ai nommé le grand, l'incomparable Isaac Hayes !

Alors bien sûrs, là où les mécréants ou autres mélomanes à la vue basse s'arrêteront à la star mégalo devenue scientologue sur le tard, revêtant chaînes en or sur un torse aussi glabre que luisant, nous retiendrons avant tout le destin hors du commun d'un des plus grands artistes soul à avoir sévi, à classer au sein d'un quintette Ligue des Champions composé de Curtis Mayfield, Marvin Gaye, James Brown, George Clinton et Stevie Wonder !
A vrai dire, c'est au génial Curtis qu'il dispute cet art incomparable du groove, du déhanchement sexy et lascif au son de cuivres aussi tranchants que cristallins, lorsqu'il usine à la douzaine au début des 60's, tous les hits maisons de la Stax, et qu'il se fait le nègre (pas pu m'empêcher !) d'à peu près tout le monde : les "Hold On I'm Comin' " ou autres "Soul Man" de Sam And Dave , c'est lui !
Dans les années 80, 90, soit bien après l'heure de gloire des chefs d'oeuvre de la blaxploitation que sont Shaft (71) et son thème ultra célèbre, ou Tough Guys (74), quantités de musiciens parmi lesquels Portishead et Massive Attack le sampleront parfois au-delà du raisonnable, érigeant des hits entiers sur la trame mélodique des chansons du génial compositeur-arrangeur !
Les crédits sont là, sur les pochettes, mais ne représentent pas forcément la dette indue au regard du grand public. Passons !
A vrai dire, et jusqu'à ces soundtracks cruciaux que je viens d'enumérer, c'est toute l'oeuvre solo de Hayes qu'il convient de posséder, et en premier lieu cet étonnant deuxième album qui marqua ma découverte avec cet artiste d'exception. Il n'est constitué que de 4 (!) pièces, et donc comme souvent dans l'oeuvre d'Isaac, de variations, de jams électriques autour d'un même thème, qu'il soit de sa propre création ("One Love" et ses choeurs féminins.....moites et suaves), ou bien d'habiles et passionantes relectures de classiques pop soul des 60's !
Ainsi en va-t-il du mythique "Walk On By" du tandem Bacharach/David, interprèté, repris par à peu près tout le monde, de la somptueuse Dionne Warwick aux.........Stranglers (!) ; tous en on tiré de vaillantes et chouettes adaptations ! Mais est-il utile de le préciser, aucune n'a atteint en majesté celle d'Isaac qui lui donne un tour "symphonie de poche" ! Sa voix grave de crooner, ses arrangements luxuriants, sa science du rythme confèrant à la chanson un psychédélisme rééllement cohérent.
"Walk On By", dans une unité parfaite est mixée à la longue jam d' "Hyperbolicsyllabicsesquedalymistic" - ce n'est certes pas à Prince que l'on doit les premiers titres alambiqués ! - véritable orgie de choeurs, de wah-wah furieuses et d'orgues disloqués !
En comparaison, la si IsaacHayesment vôtre "One Love" qui ouvre la face B au terme de 20' endiablées paraîtra un brin sage ; ce serait oublier toute l'onctuosité dont Hayes est capable aux confins du trémolo et du sirupeux sexué qui sont sa marque de fabrique, sur tapis de violons !
Le dernier titre, en rebutera éventuellement certains (dont Jérome, non pas HIPHOP, l'autre !), car il consiste en une longue intro sur le "By The Time I Get To Phoenix" de Jimmy Webb - que Nick Cave reprit brillament sur son album de reprisesKicking Against The Pricks(86) - le tout sur une unique note d'orgue Hammond, jusqu'au final qui reprend peu ou prou, toute la trame dramatique instrumentale du début de l'oeuvre.
en résumé : un Isaac Hayes frémissant, et sussurant une pop princière, libre ! Du grand art en terme d'interprétation et de production. Indémodable.
Le site off - R.I.P
Walk On By