On connaissait les tests ADN sur l'immigration, ceux concernant la parentalité, voici désormais la possibilité de décrypter entièrement son génome. Contre 999 dollars, la société 23andme, (23 pour les 23 paires de chromosomes de l'être humain) fondée par l'épouse d'un fondateur de Google, fournit le génome d'un individu. Ce dernier peut alors connaître les probabilités par rapport à la moyenne de souffrir de pathologies sur le plan génétique. C'est une évolution majeure qui dessine dans ce cas. Cela n'est pas sans poser d'innombrables interrogations éthiques.
La génétique n'explique pas tout
Au premier rang desquelles, celle qui voudrait que la génétique exprime la singularité d'un individu. C'est nier la force du groupe social et de la culture que d'affirmer cela. Sans un contexte, favorable ou non, la génétique exprime des données brutes probabilistes qui perdent de leur sens et de leur capacité d'explication. Dans un récent texte publié dans Courrier International et paru dans sa version originale dans Wired, la journaliste américaine conte son expérience. Son génome en main, elle compare, analyse, s'inquiète, sur un ton parfois badin, de son fort risque de succomber à une crise cardiaque. Inquiète, elle questionne les conseillers de la compagnie qui la rassurent en lui indiquant que dans ce cas il est bon d'entamer une activité physique régulière. Dans le domaine de la fiction, le film Bienvenue à Gattaca relate également cette même expérience. A juger par les propos du découvreur de l'ADN, le prix Nobel de Médecine Watson, sur la question de "l'infériorité de la race noire sur la race blanche", d'un point de vue génétique, ou encore des recherches de scientifiques américains sur un gêne de l'homosexualité, on mesure l'étendue du questionnement et de la potentialité d'une utilisation politique, osons idélogique, de cette évolution technologique.
Une aubaine pour les assurances
Mis dans les mains des assurances, dont le métier n'est pas de protéger des risques mais de les quantifier et de garantir des pertes matérielles, humaines ou financières de leur survenue, est plus inquiétant encore que le risque de sidération psychologique que peut entraîner la révélation de maladies génétiques graves. Notamment dans le cadre d'un système d'assurances totalement individualisé. On se souvient qu'il aura fallu l'intervention énergique de Jacques Chirac, pour qu'une loi créée un fonds de péréquation des assurances afin qu'un fonds de solidarité nationale prenne en charge les assurances de prêts des individus souffrant d'affections de longue durée (cancers, Sida…). Ceux-ci se voyaient dans de nombreux cas refuser leurs prêts, et ce même dans des cas de rémissions de leur maladie. Et par là-même exclure du monde de la consommation, de l'immobilier… On peut juger cela comme une chance ou un malheur, c'est selon. Néanmoins, pour des actes fondamentaux de consommation comme l'achat d'un bien immobilier, type la résidence principale, cela constitue un handicap et non des moindres. Déjà aux Etats-Unis, des fumeuresou des obèses sont relégués au placard, licencié, ou mieux, pas recruté, en raison de leur comportement contraire aux règles de bienséance supposée du "bon patient".
Sur le chemin du questionnement éthique
La tendance généralisée à chercher à se prémunir contre les risques dans une société qui n'aura jamais aussi sécurisée mais paradoxalement jamais jugée aussi dangereuse nous force à une réflexion éthique, nécessairement personnelle, et oblige à rechercher la compréhension d'enjeux globaux qui touchent bien plus que notre simple personne. Quelles peuvent être les limites de ce progrès scientifique ? Quels sont les risques potentiels de cette évolution ? Mis dans de mauvaises mains, c'est le cas pour tout progrès, que peut-il advenir de pire ? Comment se prémunir d'éventuelles manipulations ? Quid d'une fécondation in vitro, qui s'appuierait, à terme, sur cette technique dans le cadre du diagostic pré-implantatoire ?
A l'heure où la recherche sur les cellules souches connaissent des avancées spectaculaires et porteuses d'espoirs dans le combat contre les maladies, notamment neurodégénératives, ce lancement commercial ravive les craintes d'un nouvel eugénisme. Un eugénisme qui cacherait son nom et se réfugierait derrière une vision bienveillante du progrès pour empêcher le débat et la nécessaire introduction d'un cadre législatif nouveau. Ce sur quoi les lois bioéthiques, dont la révision est prévue, courant 2009, devront traiter. Avec tout l'esprit de compromis qui doit être le leur entre avancées médicales et respect de l'identité humaine.