Peu importe qu’on l’appelle Une histoire irlandaise ou An Irish Story, c’est du très bon spectacle. Et vous constaterez en sortant que vous êtes devenu bilingue en moins d’une heure trente.
Et même plus parce que Kelly Rivière jongle avec les accents comme elle joue avec les mots. Rien d’étonnant à ce que le public avignonnais se soit tant régalé à l’Artéphile l’été dernier.
Elle nous raconte l’enquête qu’elle a menée pour tenter de retrouver son grand-père, Peter O’Farrel, né dans les années 30 en Irlande du Sud, parti s’installer en Angleterre dans les années 50 et qui disparaît dans les années 70.L'autofiction est un genre à la mode mais risqué. Or, en traversant les époques, les frontières géographiques et linguistiques, la comédienne polymorphe propose un voyage au cœur d’une famille, avec ses secrets et ses non-dits et livre une histoire marquée par l’exil si intime qu’elle en devient universelle.Le décor vise (forcément car la scène est réduite) l'efficacité et c'est parfait. Une pile de livres annonce l'importance de la littérature. Un plaid écossais évoque la Grande-Bretagne au sens large, mais aussi la douceur d'un cocon familial. Les photos de famille sont accrochées à des fils comme du linge (propre) après la grande lessive de printemps et au début du spectacle Kelly est assise, dos au public, perdu dans la contemplation …Il faudrait vous dire, mais comment le narrer avec exactitude … l’énergie de cette jeune femme qui change de personnage (je crois qu'ils sont 25) sans modifier son costume, qui se fait à la fois conteuse et tisseuse, enquêtrice et juge, française et étrangère, … et qui nous captive avec une histoire quasi insensée, pleine d'émotions, et avec ce qu'il convient d'humour pour que la soirée soit inoubliable.Qui avoue ses faiblesses et ses erreurs en nous rassurant. Elle a raison : on ne sait jamais où ,vous ment nos ratages.Ce spectacle est essentiel aussi pour nous rappeler que le racisme et la xénophobie sont hélas des pratiques qui peuvent toucher tout le monde, partout. Des affiches prévenant "No Blacks, no Irishs, no dogs" ont été placardées en Irlande sur les vitrines de pubs, cafés ou magasins. Il faudra attendre la Race Relations Act de 1965 pour que de telles pratiques deviennent illégales.Comédienne d’origine franco-irlandaise, formée en danses classique et contemporaine au Conservatoire régional de Lyon puis au cours Florent, Kelly Rivière est également traductrice … et formidable comédienne.An Irish Story / Une histoire irlandaise
Texte, mise en scène et jeu Kelly RivièreCollaboration artistique Jalie Barcilon, David Jungman, Suzanne Marrot, Sarah Siré
Scénographie Grégoire Faucheux et Anne Vaglio
Costume Elizabeth CerqueiraDu 3 mars au 19 juin 2024 à 19h, 19h 30 ou 21hA La Scala Paris -13, boulevard de Strasbourg - 75010 Paris