Se targuant de peindre à l’aveugle ou à l’instinct, Bacon n’en a pas moins des objectifs précis. S’agissant de Etude d'après le portrait du Pape Innocent X de Vélasquez, il déclare avoir voulu peindre une tête comme si elle se repliait sur elle-même, à la façon des plis d’un rideau. Mais c’est un visage déformé, un vieil homme décharné, tout entier tendu dans un cri horrible qui apparaît d’abord au spectateur.
Étude d'après le portait du Pape Innocent X de Vélasquez, Huile sur toile,(153x118cm), Des Moines Art Center, Iowa
Francis Bacon, né le 28 octobre 1909 à Dublin et décédé le 28 avril 1992 à Madrid, est un peintre Irlandais. Peintre de sujets religieux, de figures, de portraits, de nus, d'animaux, de paysages, etc., Bacon a travaillé avec la plupart des médiums : gouache, aquarelle, pastel, huile, techniques mixtes, mais aussi gravure, lithographie...
Enfant maladif, il est durement traité par son père et connaît une grave crise lorsqu’il révèle à sa famille son homosexualité. En 1925, alors qu'il n'a encore que 16 ans, il part s'installer à Londres en raison de la relation conflictuelle qu'il entretient avec son père. Il s'installe comme décorateur et designer.
A la suite de l'exposition de Pablo Picasso intitulée "Cent dessins par Picasso", à laquelle il assiste en 1927 à la galerie Rosenberg, Francis Bacon crée ses premiers dessins et aquarelles. En 1933, Francis Bacon peint l'une de ses premières "Crucifixion", qui attire l'attention d'Herbert Read, historien d'art.
En 1943 Francis Bacon est réformé de l'armée. Il détruit une grande partie de ses créations antérieures à 1944, année où il crée l'oeuvre qui marque le véritable début de sa carrière, un triptyque intitulé "Trois études pour des personnages au pied d'une crucifixion." Pour créer cette oeuvre, Bacon s'inspire de la "Crucifixion" que Picasso peint en 1930.
Le travail de Bacon n’est réellement reconnu qu’après la Seconde Guerre mondiale : ses oeuvres provoquent des réactions extrêmes, souvent d’intense répulsion, tant elles sont violentes et expressives. Ses tableaux, choquent. Ces corps ramassés à l'extrême, tordus et écrabouillés, musculeux, disloqués, ravagés, ces distorsions crispées, ces contractures paroxystiques, ces poses quasi acrobatiques, sont d'abord signes de fulgurances nerveuses et d'un emportement furieux, presque athlétique, plus somatiques que psychologiques de la mystérieuse animalité d'anthropoïde solitaire et désolée qui est en chaque homme.
Sa première exposition solo se déroule à la Hannover Gallery en 1949. A partir des années 1960, Bacon est rattaché, avec Lucian Freud, Frank Auerbach, Kossof, Andrews... à ce que l'on appelle l'"École de Londres". Bacon peint plusieurs triptyques emblématiques, dont Trois Figures dans une pièce en 1964. Après le suicide de son compagnon George Dyer en 1971, l’artiste réalise trois triptyques où il décrit de manière obsessionnelle la scène du drame. Il peint également de nombreux autoportraits.
En 1962, la Tate Gallery de Londres organise une exposition de l'oeuvre de Francis Bacon. Au long de sa carrière, Bacon affine son style, délaissant les images de violence crue de ses débuts pour préférer "peindre le cri plutôt que l'horreur", prônant que la violence doit résider dans la peinture elle-même, et non dans la scène qu'elle montre.
Il décède le 28 avril 1992 à Madrid, à la suite d'une pneumonie déclenchée par la maladie asthmatique dont il souffre depuis l'enfance.
Bacon est largement un artiste autodidacte. Parmi ses influences, on reconnaît non seulement Picasso mais aussi Vélasquez, Poussin ou encore Rembrandt. Au cours d'un entretien, il affirma que son influence du surréalisme ne provenait pas de la peinture mais des films de Luis Buñuel. Il fut aussi marqué profondèment par l'oeuvre de Eadweard Muybridge, une juxtaposition de photographies disséquant les mouvements d'êtres humains ou d'animaux.
Son thème de prédilection est la représentation du corps humain sous la forme de personnages écorchés, agités et déformés. Largement influencé par l’art classique, Francis Bacon bâtit une oeuvre violente et déchirante, triturant la figure humaine qu’il peint pourtant exclusivement, sans jamais chercher l’abstraction chère à son époque.
Citations de Francis Bacon
"Si on peut le dire, pourquoi s'embêter à le peindre?"
"Ce qui m'intéresse, c'est saisir dans l'apparence des êtres la mort qui travaille en eux."
"Je crois que l'homme aujourd'hui comprend qu'il est un accident, que son existence est futile et qu'il doit jouer un jeu insensé."
"Il est fréquent que la tension soit complètement changée rien que de la façon dont va un coup de pinceau. Il engendre une forme autre que la forme que vous êtes en train de faire, voilà pourquoi les tableaux seront toujours des échecs soumis au hasard et à la chance, à l’accident, à l’inconscient. Il s’agit alors de l’accepter ou de le refuser. Une nouvelle vérité, insoutenable, surgit : nous sommes libres."
"Les choses ne causent pas de choc tant qu'elles n'ont pas pris une forme mémorable. Sinon, c'est juste du sang qui éclabousse le mur. A force, si vous voyez la même chose deux ou trois fois, cela ne choque plus. Il faut que cela devienne une forme qui ait plus de force que du sang sur un mur. Alors les implications sont plus larges. Cela fait écho dans votre psyché, cela trouble le cycle vital individuel. Cela transforme votre atmosphère. Une grande partie de ce que l'on appelle de l'art, votre regard passe au travers. Cela peut être charmant ou joli, mais cela ne vous transforme pas"
"Il n'y a quelque chose de voulu qu'à partir du moment où se manifeste une chose inconsciente sur quoi la volonté peut s'imposer"
"Je ne décide pas que je vais faire un tableau dont le sujet serait la violence. Ce serait à mon point de vue gratuit et complaisant. De plus, je ne veux rien dire avec la peinture, et surtout pas faire de discours moralisateur. Il s'agit vraiment pour moi, quand j'affronte la peinture, de dresser un piège au moyen duquel je peux saisir un fait à son point le plus vivant"
"Le monde moderne est plein de clichés photographiques qui vous assaillent, télévision, presse, affiche. En fait, bien qu'on l'ait dit, le rôle de la photo dans mon travail n'est pas si important. Je me sers d'une photo pour faire un portrait, ainsi je suis plus tranquille. Mais c'est très peu, juste pour démarrer, après j'enlève, je soustrais, je décante, j'efface et il ne reste plus grand-chose"