Son nom le prédestinait sans doute au destin d'être trouvère puisqu’il signifie "château de pierre" en occitan. Cependant c’est dans l'Allier qu’il a vu le jour et dans le Quercy qu’il a passé la plus grande partie de son enfance avant de demeurer désormais en région toulousaine.
Il est notamment reconnu comme interprète hors pair des œuvres de Bernard Dimey. Il est également l'ami et l'interprète de Claude Nougaro, Allain Leprest et Loïc Lantoine. Ces deux derniers ont coécrit les paroles de son album Les ailes de Jehan (1999). C’est que Jehan aime les textes et est un poète.Si vous ne connaissez pas cet artiste, je vous recommande de commencer par La vie en Blues (2011), un album de reprises dans lequel il interprète - mais totalement à sa manière- de grands standards de Joe Dassin, Nicoletta, Brel, Brassens et de quelques autres immenses artistes. L’écouter interpréter Bahia de Véronique Sanson (1972) est une totale surprise. Cet album est devenu l’indispensable compagnon de mes longs trajets en voiture, car j’ai la chance de disposer encore d’un lecteur de CD qui transforme mon véhicule en studio.L’univers musical de Jéhan est particulier. On a le sentiment de le pénétrer par effraction, mais une fois apprivoisé il est en nous pour toujours. Il sort le mois prochain , via La Jument du Jeudi, son cinquième album, On ne sait jamais, disponible également en digital. La voix reste souterraine et les mots s’entendent parfaitement. Mais il s’affranchit de ses affinités folk rock en accordant davantage de place au piano.L'album commence par des cris d’enfants et nous entraine dans un long voyage où l'artiste renverse la situation en prétendant nous faire raconter ses propres souvenirs à Tunis, Venise, Corfou, Tel-Aviv, Hanoï, Détroit, Bogota, Calcutta … (Raconte-moi, piste 1).Le piano enchaine lentement avec une déclaration d'amour faite à deux, chantée avec Isa Valenti et le violon arrive pour donner une touche mélancolique et surtout romantique (Loin de tout, piste 2).Place à la guitare acoustique, si joliment doublée par la scie musicale, pour Tout est dit (piste 3). C'est encore une chanson d'amour qui donne envie de danser avant que l'artiste n'entame Les Chevaux de Montebello (piste 4) qui sont un des titres phare. Ce n’est pas une tocade pour cet artiste qui, depuis plus de 20 ans évoque cet animal dans les textes qu’il écrit. Mais ici son hommage est puissant et il nous invite à les suivre dans un pas à pas dansé. J’ignorais l’existence de cette écurie, qui se situe dans les Yvelines (78) à environ 15 km du centre de Paris, dans le Parc de Maisons-Laffitte, appelée Cité du Cheval de par ses aménagements dédiés aux activités équestres. L'écurie Montebello est très prestigieuse.Je suis de ceux qui regardent les trains passer. Jehan se livre avec sincérité, s'accompagnant à la guitare mais sans renoncer aux accents graves ou amplifiés par l'électrique (Celui de ceux, piste 6). Dans la suivante, les confidences se font plus graves, en toute logique puisque c'est la nuit. Tu n'entends presque plus, ou seulement que d'un oeil. Jehan a des formulations toutes personnelles pour évoquer le désarroi qui accompagne la fin d'une vie (Soudain la nuit, piste 7).La guitare est alerte, avec ses tonalités country, pour évoquer Jennie Parker (piste 5). Nous sommes presque à cheval dans l'ouest américain. Mais plus tard, Madame Butterfly (piste 8) nous donne un autre portrait, annoncé avec renfort de trompettes. La danse devient ici tango, avec un zeste dramaturgie Personne n'est à personne. Je ne sais plus où regarder. Les trompettes reprennent alors comme le feraient celles qui accompagnent un éloge funèbre. Et curieusement après quelques secondes de silence c'est en voix presque parlée que l'artiste poursuit (Le revenant piste 9) comme s'il s'adressait encore à cette Madame Butterfly.L'histoire se poursuit encore avec L'homme passe (piste 10), où l'on retrouve une orchestration plus ample, avec guitares, des effets, des choeurs.
Place de nouveau à la sobriété, avec juste une guitare pour s'accompagner sur Entre nous (piste 11) et faire des confidences complémentaires, avouant ce qu'il ne sait pas mais avec tant de bienveillance que la volonté de ne retenir que les beaux instants est un gage de bonheur.
Attendre demain (piste 12) nous embarque encore une fois à cheval, avec cette guitare électrique qui sonne si clair.
Et puis, parce qu'il faut finir, le piano martèle des notes avec gravité (Savoir en rester là piste 13). Les accords sont très dépouillés mais d'une beauté prenante. On ne sait jamais, répète-t-il, donnant ainsi le titre de l'album qui se termine en laissant toute la place à la musique.J'ai beaucoup aimé cet album dont l'écriture est exigeante. Les ambiances sonores et musicales m'ont conquise. Je salue la réalisation par Jibé Polidoro, assisté de Gaël Faun, qui ont soigné les arrangements avec élegance en choisissant pour chaque titre les instruments qui convenaient à la poésie mélancolique mais jamais triste du chanteur.Jéhan
Nouvel album On ne sait jamais
Disponible en digital - Sortie physique en mars 2024 via La Jument du Jeudi