Je ne vous parlerai pas de la biographie de Marcel Proust que j'ai relue après avoir fini de relire À la recherche du temps perdu. Je ne vous en parlerai pas parce qu'il s'agit d'une brique de 1300 pages, en deux tomes, d'une thèse savante qui n'intéressera pas grand monde. Mais si au contraire, vous recherchez ce genre de lecture, sachez que cette biographie extrêmement fouillée est l'œuvre de Jean-Yves Tadié, dans la collection Folio de Gallimard.
Mon propos d'aujourd'hui concerne plutôt Les yeux de Mona de Thomas Schlesser dont la jaquette nous annonce que ce roman français a conquis le monde. Mais pas moi. Malheureusement. Non que je n'y aie pas trouvé de l'intérêt, mais je ne me suis pas sentie happée par le récit.
Le propos
Disons d'entrée de jeu que l'auteur est historien de l'art, ce qui éclaire sa démarche pour le moins originale. L'histoire est celle de Mona, une petite fille délurée, qui subit une courte période de cécité, laquelle met tous les membres de la famille sur les dents. La famille, c'est le grand-père chéri, Henry, que Mona appelle affectueusement Dadé, le père, Paul, et la mère, Camille. Une famille unie, bien que non exempte de problèmes, notamment d'ordre financier. L'incident entraîne des investigations médicales cependant peu concluantes. Or, le grand-père, amateur d'art, a l'idée d'initier sa petite fille à la contemplation des chefs-d'œuvre de manière à ce que Mona garde en mémoire les plus belles œuvres du monde si jamais elle perdait définitivement la vue. Il entreprend donc de l'emmener chaque mercredi dans un musée pour étudier une œuvre d'art, et une seule. Cinquante-deux œuvres reproduites sur la jaquette du livre. Chaque chapitre est bâti de la même manière. Nous suivons d'abord Mona en classe ou dans la boutique de son père où nous sommes témoins de ses joies et de ses peines. Dans un deuxième temps, nous accompagnons Henry et Mona au musée, le Louvre, le musée d'Orsay ou Beaubourg et partageons la description et les réflexions propres à l'œuvre du jour.
Ce petit cours de l'histoire de l'art n'est pas sans intérêt, bien sûr, mais trop explicitement didactique. De plus, mise à part Mona à laquelle on s'attache, je trouve que les personnages manquent de profondeur, ne sont pas suffisamment étoffés. J'ai par ailleurs été agacée par un certain nombre de clichés répétitifs. Selon moi, Schlesser n'est pas une grande plume. L'originalité de la composition de l'œuvre et sa connaissance de l'art me semblent les deux qualités dominantes de ce gros roman qui se veut d'abord et avant tout un acte de transmission.
Un petit échantillon
" Impressionnistes ", le mot résonnait familièrement aux oreilles de Mona, mais son grand-père lui demanda de patienter pour des explications plus fournies. Cependant, afin de bien comprendre ce que cette notion recouvrait, et comment Manet en avait été un fondateur sans s'être jamais joint au mouvement, Henry entreprit d'analyser la facture de L'Asperge. Il s'enflammait devant Mona, qui ne voulait perdre aucun de ses mots, malgré leur horrible complexité. C'était, disait-il, comme si les moyens de la peinture - ce avec quoi Manet travaillait donc - apparaissaient et se désignaient eux-mêmes, tout autant qu'ils représentaient un légume isolé. (p. 238)
Je ne voudrais pas vous laisser sans partager avec vous d'autres points de vue, dont celui de LAILA MAALOUF, dans la Presse, ou celui de Anne-Frédérique Hébert-Dolbec, dans Le Devoir, qui semblent avoir pris davantage de plaisir à cette lecture que moi.
Thomas Schlesser, Les yeux de Mona, Albin Michel, 2024, 485 pages.