Avec des interprètes qui s’expriment même lorsqu’ils n’ont pas de partition. Ainsi le jeune Yniold, le fils de Golaud, traverse souvent la scène. La mère de Golaud et Pelléas est la plus attentive possible. Et il y a de très beaux moments comme la scène où Arkel, roi d’Allemonde, manipule l’enfant pour lui faire raconter ce qu’il ne faut pas savoir.
C’est particulièrement émouvant d’assister à cette œuvre sous la coupole du théâtre qu’a dirigé Louis Jouvet pendant dix-sept ans après avoir été directeur de la Comédie des Champs-Elysées de 1925 à 1934 et où il est mort le 16 août 1951.
L’intrigue se déroule au Royaume imaginaire d’Allemonde, gouverné par le vieil Arkel. Après avoir rencontré Mélisande, créature fragile et énigmatique, au cours d’une chasse en forêt, le Prince Golaud l’a épousée sans rien savoir d’elle, puis l’a présentée à son demi-frère Pelléas.
Entre Mélisande et Pelléas, un lien secret s’est d’emblée tissé, fait de regards et de complicité, d’amour peut-être ? Golaud se met à épier Pelléas et Mélisande : il recommande d’abord à son demi-frère d’éviter son épouse, puis ne tarde pas à menacer fermement, dévoré peu à peu par la jalousie. Pelléas et Mélisande finissent par s’avouer leur amour : au moment où ils s’embrassent, Golaud sort son épée et tue Pelléas, laissant Mélisande s’enfuir. En présence d’Arkel et d’un Golaud rongé par les remords, la mystérieuse Mélisande s’éteindra lentement, sans que son mal soit clairement identifié et que Golaud ne parvienne à percer la vérité sur les liens profonds qui l’unissaient à Pelléas.
S’agissant des accessoires, on est dans l’épargne. Pas de dorures. Rien d’ostentatoire. Les meubles ont été sortis des réserves de la Fondation de pendant les répétions. Ils sont dépareillés mais qu’importe puisqu’ils sont confortables. Il ne fallut acheter que le fauteuil roulant, chiné aux Puces car il n’aurait pas convenu qu’il soit du dernier cri. L’objet le plus précieux est le piano qui est l’élément essentiel. Il se trouve donc en pleine lumière. Il est tour à tour source de lumière, grotte, lit, table.
Le choix s’est porté sur la partition piano-chant pour transporter interprètes et auditeurs au coeur de l’œuvre. Que Claude Debussy ait lui-même réalisé la version piano-chant de Pelléas et Mélisande, réhausse l’intérêt de cette partition qui dépasse le cadre d’une simple réduction. Au gré des répétitions et des représentations des premières saisons, Debussy ne cessa de transformer, corriger, remanier son œuvre à maints endroits, imposant un tour de force éditorial pour mettre en conformité les éditions piano-chant avec la partition d’orchestre en mutation…
Il y a vingt ans Moshe Leiser et Patrice Caurier avaient mis en scène cet opéra au Grand Théâtre de Genève. De grands noms faisaient partie de la distribution. Si tous ceux qui l’ont vu conserve intacte l’émotion il était hors de question de reproduire le spectacle à l’identique. Le projet se devait d’être différent. Voilà pourquoi c’est la version pour piano écrite par Debussy lui-même qui a été choisie, et bien entendu sans orchestre. Ce serait de plus l’occasion de travailler avec une nouvelle génération de chanteur avec l’objectif de faire accéder les spectateurs au plus près de l’essence de l’art lyrique : porter les mots dupoète par la musique.
S‘il est vrai que, selon les paroles de José Van Dam que chanter, c’est parler un peu plus haut alors il serait possible de faire comprendre au public combien cette histoire d’amour, de jalousie, d’oppression et de meurtre est un cocktail rendu explosif par la musique de Debussy. La directions d’acteurs révèle combien tous les personnages sont malades. Physiquement, psychiquement et surtout aveugles.