Majd Mastoura est l’acteur principal de « Par-delà les montagnes » de Mohamed Ben Attia, en sortie le 10 avril 2024 sur les écrans français (cf. critique n°16004). Il a répondu à nos questions et à celles de la salle après la présentation du film au festival des films d’Afrique en pays d’Apt en novembre 2023.
Olivier Barlet : Comment s’est passée la relation avec Mohammed Ben Attia ?
Majd Mastoura : J’étais heureux de retrouver un metteur en scène avec lequel j’ai travaillé six ans auparavant sur « Hedi ». Cela n’arrive pas tous les jours de nouer une relation particulière avec un réalisateur. C’est la première fois que j’ai l’occasion de discuter du film jusque trois ans avant le tournage : on a beaucoup échangé et j’ai pu suivre l’évolution du projet et du scénario pour Mohamed. Je connaissais une bonne partie de l’équipe : le fait de se comprendre et se connaître permet de se sentir en famille et de gagner du temps.
Dans Les Filles d’Olfa, arrive un moment où tu te révoltes : on te fait jouer l’injouable. Cela fait d’ailleurs écho à une scène de « Making of » de Nouri Bouzid. As-tu ressenti cela dans ce film ?
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J’imagine que la direction d’acteurs de Mohamed Ben Attia est beaucoup plus précise que celle de Jilani Saadi qui table davantage sur l’improvisation ?
Chez Jilani Saadi, ce n’est pas exactement de l’improvisation mais de l’instantané : il y a un texte, une scène et une mise en scène mais pas forcément préparée. On se voyait six mois avant Bidoun 2 avec Jilani pour en discuter mais je n’ai eu le texte que deux jours avant ! Avec Ben Attia, c’est très différent. Il écrit beaucoup et le travail est fait en amont sur le jeu d’acteur. Il aime passer du temps avec ses acteurs, même pour les petits rôles. Le choix du sac à dos de l’enfant a par exemple pris beaucoup de temps. C’est une chance de travailler avec des gens passionnés qui ont l’obsession du détail car c’est contagieux !
Il y a effectivement un mélange de styles : le fantastique, le mystique, l’action, le thriller, etc. Tel que je le vois, le film suit un parcours instinctif, intuitif. Mon personnage a une idée fixe, très claire, et pour la réaliser c’est une escalade de problèmes. Il fonce sans plan prémédité. C’est le voyage imprévisible de ce personnage qui nous mène vers ces mésaventures et impose des changements de styles. La violence psychologique durant le huis-clos dévoile des aspects inattendus chez les êtres.
Yacine, le fils, qui a une impressionnante présence, ne nous donne-t-il pas la clef du film par sa réponse à la banale question de savoir ce qu’il voudrait faire plus tard ?
Oui, tout à fait. Le périple avec le père lui ouvre le regard. Le père réussit son pari de devenir son père et à lui transmettre qu’un autre monde est possible.
Débat avec la salle :
Question : vous disiez pouvoir peaufiner avant le tournage. Auriez-vous un exemple ?
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Question : Avez-vous essayé d’autres positions durant les vols (comme un oiseau ou un avion) ? Le fait de flotter est-il une contrainte ou un choix ?
Il y a les deux. Un titre antérieur du film était : « dans le vide, je flotte ». Ce n’est ni un superman, ni un airbus, ni un oiseau ! Il ne maîtrise pas, ce n’est pas un expert, il s’exerce petit à petit, avec maladresse. C’est une nouvelle sensation pour lui. Au niveau technique, il n’y a pas de trucage en studio, c’est fait dans les décors du film, la première fois à 40 mètres de hauteur et la deuxième entre 90 et 100. Je ne vous cache pas que j’avais assez peur ! Il y avait toute une machinerie avec des cordes, des harnais sous les vêtements. Les cordes dans le dos posaient un vrai casse-tête pour avoir le bon angle de caméra. C’était physiquement éprouvant psychologiquement et physiquement avec ce harnais qui bloque le corps. Nous pensions avoir davantage de possibilités de bouger. On a essayé plein de choses qui ont disparu au montage.
Il était à la fois attaché à moi et à d’autres cordes indépendantes. Il était étonnamment à l’aise ! Il est très courageux. Il a même réussi à le cacher quand il avait peur ! Il avait des directions très précises sur le regard qu’il devait avoir envers son père, etc. Ce n’était pas simple. Il s’appelle Walid Bouchhioua. Je pense qu’il va aller très loin et je lui souhaite !
Tahar Chikhaoui : y avait-il une inspiration venant d’autres films ? Je pense à L’Homme de cendres de Nouri Bouzid.
Non, mais par contre, nous avons visionné Funny Games de Haneke. Ce qui nous intéressait, c’était le côté à la fois violent et glacial du film.
Il n’y a pas d’idée de suicide dans le film ?
On peut bien sûr y penser, mais au fond ce n’est pas le plus important : ce qui importe, c’est ce qu’il a découvert, sa capacité de défier la gravité, même de manière maladroite.
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