Article rédigé par Sabine Dewulf
Je viens d’achever la lecture du tout nouveau livre des éditions Accarias-L’Originel : Râmana Mahârshi et J. Krishnamurti, « La conscience éveillée – Instructions spirituelles, entretiens, témoignages inédits », Présentation, traduction et notes de Patrick Mandala, éditions Accarias L’Originel, 2024, 155 pages, 16 €. Et je partage avec plaisir ma recension de cet ouvrage.
Pour tous ceux qu’intéressent ces deux sages, voici un livre particulièrement intéressant, pour différentes raisons. D’abord, comme tous les livres de cet éditeur, il s’agit d’un ouvrage très précisément documenté. En outre, il met leurs enseignements respectifs en perspective, l’un par rapport à l’autre. Enfin, il apporte également des éléments relatifs à chacun d’eux, envisagé séparément. Notons que tout cela s’organise sans provoquer de lassitude : les comparaisons comme les présentations séparées alternent avec souplesse ; elles sont d’ailleurs écrites par différents témoins ou spécialistes et occupent des espaces assez brefs, pour une lecture très agréable… Dans les deux premières sections du livre, les articles de divers auteurs tracent des parallèles entre le Mahârshi et Krishnamurti, sans négliger leurs divergences : Douglas Harding (un sage anglais dont l’enseignement fut des plus précieux) expose des « différences et rencontres sur le fond » ; puis Patrick Mandala nous propose des « Regards croisés » entre le « questionnement » de Krishnamurti et l’« investigation » de Râmana Mahârshi et leurs « méthodes d’enseignement ». Plus loin, grâce à Robert Powell, l’un des pionniers de la transmission des enseignements non-duels en Occident, nous découvrons un chapitre consacré aux divergences et convergences des conceptions de « la conscience éveillée » chez ces deux maîtres. Plus loin encore, le petit-neveu de Râmana Mahârshi, Swâmi V. Ganesan, explore leur approche de l’« investigation » et de l’« identité ». Quant à la troisième partie, elle est entièrement consacrée à Krishnamurti, à travers une discussion que le sage mena avec des philosophes et des scientifiques, un entretien qu’il eut avec un journal de New York, aujourd’hui disparu, puis des textes littéraires très rafraîchissants : un poème datant de 1928 et cinq extraits des « Petites pièces » écrites spontanément, sans subir de retouches. Dans la deuxième partie du livre, Krishnamurti est encore présent, à travers deux articles : l’un est écrit par Maurice Frydman, devenu Swâmi Bharantânanda, et dont l’un des intérêts est de pointer du doigt certaines similitudes avec l’enseignement d’un autre grand sage, Swâmi Prajnânpad, dont Arnaud Desjardins fut le disciple ; l’autre est de la main du Dr. Susunaga Weeraperuma, son biographe. En ce qui concerne Râmana Mahârshi, une part de son enseignement est disponible sous la forme d’un Satsang décomposé en 19 questions-réponses qui occupent une vingtaine de pages, dans cette même deuxième section. Pour ma part, j’ai été frappée par les convergences qui relient ces deux enseignements, même si Krishnamurti est présenté comme un sage moins constant, avec des moments de retour à notre condition duelle, que le Mahârshi. Mais j’ai aussi été intriguée par une divergence majeure, perceptible à travers les deux définitions que nous offre Robert Powel du terme « conscience » tel qu’il est employé par les deux hommes. En effet, pour Krishnamurti, « la conscience est le sens du « je suis », de l’Êtreté – l’Être ou la Conscience universelle -, résultant de la transcendance de l’observateur psychologique ou du « je » ». Pour Râmana Mahârshi, en revanche, ce mot semble désigner le stade ultime de la réalisation dans la mesure où « la conscience est identique au Soi ou à l’Absolu, qui est réalisé lorsque, à terme, le « Je suis », ou la Conscience Universelle est transcendé. » (p. 61-62) Pour terminer, voici deux citations de ces sages qui ont retenu mon attention.« Vous ne pouvez pas atteindre le Soi puisque vous l’êtes déjà ! Le changement n’est qu’une pensée. Dès l’instant où apparaît la pensée « je » toutes les autres pensées se manifestent. Aussi, voyez bien à « qui » elles se présentent. Dès l’instant où vous les transcendez et demeurez à la Source, elles disparaissent, c’est-à-dire qu’en remontant à la Source de la pensée « je », le Moi parfait est réalisé. « Moi », c’est le nom du Soi. » (Râmana Mahârshi, p. 42)« Immobiles étaient mes membres,Détendus et en paix.Une joie d’une profondeur insondableRemplissait mon cœur.Ouvert et vif était l’esprit – concentré.Oublieux du monde transitoire,Une force tout entière me pénétrait.Comme la brise d’Orient,Qui soudain surgit,Et apaise le monde fatiguéLà, devant moi,Assis, jambes croisées, tel que le monde le connaît,Dans ses robes jaunes, simples et magnifiques,Se tenait le Maître des Maîtres. »(Krishnamurti, extrait du poème intitulé « L’Ami immortel », p. 138-139.)
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