Quand tant de candidats à l'émulation ont essayé de commencer par l'un pour ensuite ajouter l'autre, la version beta de ChitChat inclut d'emblée les fonctions de communication, par tchat (comme son nom l'indique) ou par appel vocal, et de paiements entre proches. Cette dernière permet, sans surprise, d'envoyer de l'argent à un correspondant par le seul intermédiaire de son numéro de téléphone.
Selon toute vraisemblance, le dispositif s'appuie sur un compte prépayé pour son volet financier. Il possède cependant la particularité d'être libellé en dollars américains. Cette sévère concession aux velléités de souveraineté est malheureusement indispensable afin d'envisager une portée transnationale. Les conversions en kwachas zambiens devraient toutefois être réalisées à des conditions avantageuses, sinon sans frais.
En dehors des échanges instantanés entre utilisateurs enregistrés, les possibilités d'utilisation de ChitChat ne sont pas très claires, notamment en ce qui concerne la sortie des fonds, sous quelque forme que ce soit (virement bancaire, espèces…). En revanche, dans ce registre précis comme de manière générale, les projets esquissés pour l'avenir sont nombreux… et suivent un schéma finalement classique.
D'abord, une carte Mastercard, virtuelle ou matérielle, pourra être attachée au compte, autorisant de la sorte les règlements dans les commerces physiques et en ligne. Elle s'accompagnerait d'un module de gestion de finances personnelles pour ceux qui en ferait leur instrument principal, prenant en charge analyse des dépenses, création de sous-comptes pour un pilotage fin, épargne automatique, paiement de factures…
Mais, à l'image des références chinoises, il est également question d'introduire la faculté pour les marchands et autres fournisseurs de services d'installer leur boutique au cœur de l'outil de messagerie, qui deviendrait de la sorte une « super app » telle qu'en rêvent tant d'acteurs. Là encore, l'originalité de la démarche est, à terme, de proposer automatiquement aux participants l'accès au marché africain global.
Enfin, Union54 (pour les 54 états africains, j'imagine) veut miser aussi sur les tendances et les besoins émergents susceptibles de capitaliser sur sa technologie. Elle a ainsi prévu de distribuer la solution sous forme d'API, offrant l'opportunité à n'importe quelle entreprise de développer sa propre déclinaison, sous sa marque, pour ses usage(r)s spécifiques. Une instance dédiée aux gouvernements et à leurs employés, avec toutes les règles de sécurité et de confidentialité requises, est déjà dans les cartons.
Si je suis généralement sceptique quant aux chances de succès des tentatives de « super app » en Europe ou en Amérique du Nord, l'expérimentation que constitue ChitChat se place dans un contexte radicalement différent, encore vierge, à ma connaissance, d'initiatives d'ampleur dans ce domaine. Incidemment, il restera à voir si les citoyens seront sensibles à la fibre africaniste brandie par ses fondateurs.