Deux décrets du ministère de la Justice viennent d'autoriser l'organisation d'obsèques pour des fœtus nés sans vie, qui pourront désormais et par ailleurs être inscrits sur les registres de l'état civil. Cette disposition est censée combler un vide juridique concernant les fœtus de 16 à 22 semaines, morts in utero ou après interruption médicale de grossesse. Les "parents" disposeront donc désormais d'un livret de famille comportant un extrait d'acte de naissance du ou des parents, ainsi que l'indication "d'enfant sans vie", la date et le lieu de l'accouchement.
On n'ose apporter le moindre commentaire à cette information, tant cela semble ubuesque et pétri d'idéologie. Au-delà de la remise en cause patente du principe même de l'avortement, on ne peut en effet qu'être atterré devant l'incroyable dérive vitaliste dont cette monstruosité juridique témoigne, et que les talibans pourraient nous envier - des intégristes en rêvaient, Rachida Dati l'a fait. Ainsi l'humain ne l'est-il plus en raison du long et complexe processus d'hominisation et d'acculturation, mais du simple fait qu'il est un organisme cellulaire. Du coup, le combat légendaire de notre Brigitte nationale pour la sauvegarde des bébés phoques apparaîtra comme pétrie d'humanisme. On me répondra qu'il s'agit de prendre en considération la douleur des femmes (des "victimes" et des "mères", plaidera sûrement Rachida Dati) ; or, si l'on peut aisément comprendre l'affliction de la femme dont la grossesse se déroule mal au point que le foetus meure dans son ventre, l'on ne saurait, autant pour son équilibre psychologique à elle qu'en raison de principes philosophiques que l'on aurait espérés mieux établis, confondre un foetus et un humain, et le traiter, post-mortem, comme s'il s'agissait d'un enfant. Je vous laisse imaginer les récits que les parents feront à leurs enfants et petits-enfants : la famille a de beaux jours devant elle.