"Balzac a découvert dans la grande ville une mine de mystère, et le sens qui, chez lui, est en éveil, c'est la curiosité. C'est sa Muse. Il n'est jamais ni comique ni tragique. Il est curieux. Il s'engage dans un enchevêtrement de choses avec l'air de quelqu'un qui flaire et promet un mystère, et qui vous démonte toute la machine pièce par pièce avec un plaisir âpre, vif et triomphal. Regarder comment il s'approche de ses nouveaux personnages : il les toise de toutes parts comme des raretés, les décrit, les sculpte, les définit, les commente, en fait transparaître toute la singularité et promet des merveilles. Ses jugements, ses observations, ses tirades, ses mots ne sont pas des vérités psychologiques, mais des soupçons et des trucs de juge d'instruction, des coups de poing sur ce mystère que, bon Dieu, on doit éclaircir. À cause de cela, quand la recherche, la chasse au mystère se calme et que- au début du livre ou au cours de celui-ci (jamais à la fin, parce que, arrivés à ce point, avec le mystère, tout est dévoilé) - Balzac disserte de son ensemble mystérieux avec un enthousiasme sociologique, psychologique et lyrique, il est admirable. Voir le début de Ferragus ou le début de la seconde partie de Splendeurs et Misères des courtisanes. Il est sublime. C'est Baudelaire qui s'annonce." ( 2 octobre 1936)
Cesare Pavese : "Le métier de vivre" 1958, 2008 pour la traduction française. Du même auteur, dans Le Lecturamak :