La Saison des mouches, de Daniel Abimi

Publié le 05 mars 2024 par Francisrichard @francisrichard

Bis repetita non placent1, voilà ce que le lecteur a envie de dire après avoir lu, en hors d'oeuvre, le fait divers qui donne tout de suite le la au roman de Daniel Abimi, lequel connaît bien le sujet des heures les plus sombres...

Le 19 février 20022, en effet, une tuerie avait déjà eu lieu dans le cinéma Moderne à Lausanne, où sont projetés des films X. Cette fois, un été, caniculaire, La Saison des mouches, une fusillade y fait plusieurs victimes.

Tout laisse à penser que c'est un attentat. Car le tueur, in fine, s'est suicidé en se faisant sauter. Mais, a-t-il agi seul? Est-ce un attentat djihadiste, ou, comme les armes retrouvées datent de la dernière guerre, d'un attentat néo-nazi?

Ce serait mal connaître l'auteur de croire qu'avec lui les choses sont  simples. Quoi qu'il en soit, le lecteur a un avantage sur les enquêteurs: lui il connaît tout de suite l'identité du tueur, Émile Jaques, sans savoir quels sont ses mobiles.

Deux hommes, qui sont souvent en relation et s'apprécient, mènent l'enquête chacun de son côté dans la ville de Lausanne en ébullition, l'inspecteur Mariani et le journaliste Michel Rod, chacun d'eux rendant des comptes à sa hiérarchie.

Les deux hommes sont très différents: Mariani n'était pas à proprement parler heureux, mais il se levait chaque matin et rentrait le soir retrouver les siens; Rod, inscrit sur un site de rencontres, jamais ne s'était senti aussi déprimé.

Ce qui va apporter une dimension planétaire à ce fait divers local et donner une mauvaise image de la Suisse, réputée être un havre de paix, c'est que la fusillade a été filmée avec une GoPro et largement diffusée sur les réseaux sociaux.

Il est donc impossible à la police de cacher longtemps ce massacre que des âmes trop sensibles ne sauraient voir. Si Mariani suit un temps la piste d'extrême-droite avant d'être dubitatif, Rod s'intéresse aux victimes du cinéma porno.

Comme les choses sont vraisemblablement plus compliquées qu'elles n'apparaissent d'emblée, les deux pistes semblent au lecteur l'une comme l'autre prometteuses, le en même temps pourrait bien être ici de circonstance. Encore que...

Comme Daniel Abimi ne se contente pas de rester à la surface des choses et qu'il aime raconter les dessous de la ville de Lausanne, dont les habitants reconnaîtront les lieux, il gratte le vernis et révèle avec maestria ce qu'il y a dessous.

Tous ses personnages sont très humains, même quand ils ne le sont pas vraiment, et ses deux protagonistes découvriront la solution, malgré qu'ils en aient, de par les liens entretenus par leurs ascendants avec ceux qui tirent les ficelles.

Daniel Abimi aime bien faire languir le lecteur. Aussi une piste suggérée peut-elle en cacher une autre, et la croix gammée, la croix chrétienne, parce que les deux symboles jalonnent son récit sans que, longtemps, l'on sache pourquoi. 

Francis Richard

1 - Les choses répétées ne plaisent pas.

2 - Voir l'article du Temps, publié le 22 février 2002.

La Saison des mouches, Daniel Abimi, 456 pages, Bernard Campiche Editeur

Livres précédents chez Bernard Campiche Editeur:

Le cadeau de Noël (2012)

Le baron (2015)

Livre précédent chez BSN Press, avec Émilie Boré:

Bora Bora dream (2017)