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Mexique. Les autorités ne prennent pas la sécurité des femmes au sérieux

Publié le 22 août 2008 par Theophile

Mexique-Femme_Enfants-1 Des milliers de Mexicaines victimes de violences au sein de leur foyer courent le risque de subir d’autres violations de leurs droits en raison des carences d’un système judiciaire qui ne prend guère au sérieux leur sécurité, a déclaré Amnesty International dans un nouveau rapport publié ce vendredi 1er août 2008.

Ce rapport se penche sur les obstacles auxquels se heurtent au Mexique les femmes qui tentent de dénoncer des cas de violence domestique — notamment le refus des représentants de l’État de recevoir leurs plaintes, les enquêtes lacunaires et la piètre mise en œuvre des mesures de protection. Sa publication intervient 18 mois après l’entrée en vigueur au Mexique d’une loi visant à lutter contre la violence qui touche les femmes.

« Il y a plus d’un an, le Mexique a fait un pas en avant en adoptant une nouvelle loi visant à protéger les femmes contre la violence. Mais une loi ne saurait empêcher les femmes d’être battues, violées et agressées si elle n’est pas appliquée avec rigueur au niveau fédéral et étatique », a déclaré Kerrie Howard, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International.

Au Mexique, comme dans bien d’autres régions du globe, la violence qui touche les femmes au sein du foyer est endémique. D’après un sondage effectué en 2006 à l’échelon national, une femme sur quatre a subi des violences imputables à son compagnon et 82 p. cent des femmes ont décidé de ne pas signaler ces faits.

Celles qui ont le courage de le faire sont bien souvent en butte à l’indifférence et doivent prouver qu’elles ont été victimes de violences. Dans bien des cas, les représentants de l’État leur demandent même de remettre une citation à comparaître à leur agresseur.

Le 31 août 2005, dans l’État de la Sonora, l’ex-époux de Marcela s’est introduit chez elle par effraction et l’a poignardée. Marcela est restée paralysée pendant quatre mois. Au fil des ans, Marcela avait déposé plus de 10 plaintes auprès du bureau du procureur pour les violences qu’elle endurait. À chaque fois, on lui a conseillé de résoudre le problème directement avec son compagnon. Une fois, elle s’est même entendue répondre : « Lorsque vous viendrez avec un bleu, nous ferons quelque chose. » Après avoir poignardé Marcela, son ex-époux a été poursuivi pour tentative de meurtre et condamné à une peine de dix ans d’emprisonnement. Il fait actuellement appel de la durée de sa condamnation. Marcela a peur et est persuadée qu’une fois libéré il la retrouvera et la tuera.

« Au Mexique, les femmes ont besoin de voir leurs plaintes prises au sérieux et d’avoir accès à la justice ainsi qu’à de réels mécanismes de protection, comme des centres d’accueil », a indiqué Kerrie Howard.

La Loi générale sur le droit des femmes à vivre une vie sans violence est entrée en vigueur en février 2007. Depuis, de nombreux États ont adopté des textes de loi similaires, sans prendre les mesures concrètes à même de garantir que cette loi soit dotée d’un budget suffisant et soit dûment mise en œuvre.

Amnesty International invite les autorités mexicaines à l’échelon fédéral et étatique :

• à s’engager publiquement à donner un degré de priorité élevé à la mise en œuvre de la loi de 2007 visant à protéger les femmes de la violence et à dégager les ressources nécessaires à sa mise en application ;

• à enquêter sur les raisons qui font que le nombre de plaintes, de poursuites et de condamnations relatifs à des cas de violence contre les femmes demeure si bas et à rendre publiques les conclusions de ces recherches ; et à prendre des mesures précises afin de balayer les obstacles mis en lumière par ces investigations.

Vous pourrez consulter le rapport intitulé Women’s struggle for safety and justice : violence in the family in Mexico dès le vendredi 1er août 2008 à 16h00 TU en cliquant sur : http://www.amnesty.org/en/library/info/AMR41/ 021/2008/en

Faits et chiffres

Les violences contre les femmes

Près d’une femme sur quatre au Mexique subit des violences physiques ou sexuelles imputables à son compagnon (Enquête nationale sur la dynamique des relations dans le foyer, 2006).

Quatre-vingt-deux pour cent des femmes victimes de violences ne l’ont pas signalé aux autorités (Enquête nationale sur la dynamique des relations dans le foyer, 2006).

Il existe 60 centres d’accueil dans tout le Mexique. Trente-six sont gérés par des organisations de la société civile, tandis que les autres dépendent des autorités étatiques ou municipales.

Les enquêtes et les condamnations

Quatre-vingt-dix pour cent des cas de violence faite aux femmes sont soumis à conciliation, les représentants du gouvernement concluant que les blessures de la victime ne sont pas assez graves ou que la victime n’est pas déterminée à engager des poursuites (Système national pour le développement intégral de la famille au Mexique).

En 2005 à Ciudad Juárez, 177 fonctionnaires locaux ont été accusés par des enquêteurs fédéraux de négligence dans l’enquête criminelle menée sur le meurtre de près de 300 femmes sur une période de dix ans. Aucune, ou presque, des personnes impliquées n’a eu à rendre compte de ses actes.

À San Salvador Atenco, la police a été accusée de torture et d’agressions sexuelles contre pas moins de 26 prisonnières entre le 3 et le 4 mai 2006. En dépit d’investigations menées au niveau fédéral et étatique, à ce jour, seuls six policiers ont été poursuivis, tous pour des délits mineurs.

La loi

La Loi générale sur le droit des femmes à vivre une vie sans violence est entrée en vigueur en février 2007. Depuis, de nombreux États ont adopté des textes de loi similaires, sans prendre les mesures concrètes à même de garantir que cette loi soit dotée d’un budget suffisant et soit dûment mise en œuvre.

Études de cas

Marcela Le 31 août 2005, l’ex-époux de Marcela Blumenkron Romero s’est introduit chez elle par effraction à Hermosillo, dans l’État de la Sonora, et l’a poignardée. Marcela est restée paralysée pendant quatre mois. Elle garde des séquelles graves et durables au niveau neurologique et souffre d’une mobilité réduite.

À maintes reprises, au fil des ans, elle avait appelé en urgence les services de police afin de signaler que son ex-mari la menaçait et la harcelait. Elle a déposé plus de 10 plaintes auprès du bureau du procureur. À chaque fois, elle s’est vu refuser une quelconque protection. Les procureurs lui ont conseillé de résoudre ce problème directement avec son ex-mari, dont elle était divorcée depuis treize ans.

Après avoir poignardé Marcela, son ex-mari a été arrêté et poursuivi pour tentative de meurtre. Aucune charge n’a été retenue pour les années de menaces et de harcèlement sexuel. Cet homme a été condamné à purger une peine de dix ans d’emprisonnement et à verser des dommages et intérêts à Marcela, mais a été déclaré non solvable. Marcela n’a reçu aucune compensation et doit faire vivre ses trois enfants avec une modeste pension mensuelle.

Redoutant le moment où son ex-époux sortira de prison, Marcela craint pour sa sécurité et est persuadée qu’il la tuera.

Teresa En octobre 2006, Teresa a porté plainte contre son frère pour agression physique auprès du bureau du procureur dans la communauté d’Alpuyeca, dans l’État de Morelos.

Le fonctionnaire a recueilli sa plainte tout en ayant une conversation téléphonique sur un autre sujet et a conclu en lui disant qu’il vaudrait mieux qu’elle se réconcilie avec son frère. Il lui a demandé de remettre une citation à comparaître à son frère afin qu’il assiste à une réunion de réconciliation. Son frère s’est ensuite rendu chez le procureur et a contracté un accord verbal avec Teresa. Il a alors été dit à Teresa : « Ne dépose pas de plainte officielle. C’est ton frère. Il va faire des histoires. » Aux termes de l’accord conclu, son frère devait régler les honoraires du médecin privé qui avait prodigué des soins à Teresa et la facture d’une nouvelle paire de lunettes afin de remplacer celle qu’il avait cassée.

Aucun rapport médical officiel n’a été établi concernant les blessures de Teresa. Cette affaire n’a pas été enregistrée, bien que son frère l’ait agressée à plusieurs reprises auparavant.

Mericia Mericia Hernández López, jeune enseignante mère d’un bébé de six mois, a disparu de son domicile près de la ville d’Oaxaca le 21 août 2005. Sa sœur, Adela Hernández, préoccupée par sa disparition, s’est rendue au domicile que Mericia partageait avec son mari. Celui-ci a affirmé que Mericia était partie pour une mission d’enseignement et qu’il ignorait si elle allait revenir et quand. Adela Hernández a tenté de déposer une plainte auprès du bureau du procureur local, mais la police lui a dit de ne pas s’inquiéter, car sa sœur allait revenir bientôt. Face à son insistance, la police a finalement ouvert une enquête huit jours après la disparition de Mericia.

Adela Hernández a expliqué à Amnesty International que c’est elle qui avait dû se charger de rencontrer les voisins pour recueillir des informations et des éléments de preuve. Certains auraient été témoins d’actes de violence à l’encontre de Mericia, mais ne souhaitaient pas se manifester par peur de représailles. Les policiers pas plus que les procureurs n’ont interrogé ces témoins. Sept mois après sa disparition, des experts médicolégaux ont examiné le domicile de Mericia, mais n’ont trouvé aucun élément de preuve. Les procureurs ont déclaré à Adela Hernández qu’ils ne pouvaient rien faire de plus.

Au moment de la rédaction de ces lignes, on ignore toujours ce qu’il est advenu de Mericia Hernández. Sa famille continue de se battre pour qu’une enquête digne de ce nom soit diligentée sur sa disparition.


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