Avouons, c’était imprévu. J’étais venue voir Jean-Paul Farré dans Fatatras, inventaire de Jacques Prévert. Ma place était confirmée et je n’avais pas été prévenue d’une relâche inopinée. J’ai pu, in extremis, me reporter pour découvrir la mise en scène de l'Education sentimentale par Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps. Et je me suis régalée.Pour tout décor, conçu par Esther Granetier, deux sièges, une guitare, et un fond de ciel nuageux qui se justifie lorsqu'on entend la comédienne dire qu'il leur sembla qu'ils étaient comme tous deux bercés par le vent au milieu d'un nuage. Il faut dire que l'adaptation qui nous est proposée par Paul Emond fait clairement apparaitre combien le jeune Frédéric Moreau n'a pas les pieds sur terre et court après des moulins à vent, qu'on me pardonne si on pense que je parle des femmes dont il tombe régulièrement amoureux.Sous-titré histoire d’un jeune homme, le roman a été publié en 1869 et ce n'est pas tant d'éducation "sentimentale" qu'il s'agit mais plus largement plutôt d'apprentissage de la vie qui aurait été écrit en s'inspirant d’expériences (ou pourrait dire "erreurs") de jeunesse. Alors que le titre sous-entendrait que l'éducation aura été une réussite, le spectateur est forcément surpris de voir Frédéric échouer dans toutes ses entreprises amoureuses, professionnelles et même politiques, ce qui ne l'empêche pas d'en conserver une vision très romantique qui a pris naissance dès sa première vision de Madame Arnoux.Ajoutez deux comédiens exceptionnels (Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps), capables de passer d’un personnage à un autre avec vélocité, une diction impeccable, avec un timbre de voix très agréable au chant pour elle, un travail d’adaptation qui relève de la magie, une mise en scène simple mais efficace, et vous conviendrez que ce spectacle est un vrai bijou.Les deux comédiens donnent vie au texte à travers un dialogue qui leur fait changer régulièrement de personnage. C’est parfois très rapide mais on comprend toujours. Le pari était sans doute audacieux, mais comme ils nous le disent à la toute fin : A coeur vaillant rien d’impossibleJ’ignore s’il y avait un second enjeu derrière celui de nous faire aimer la pièce, comme par exemple de nous inciter à rouvrir les oeuvres de Gustave Flaubert(1821-1880) que, il faut reconnaître, on approche davantage par le théâtre ou le cinéma que par voie directe. En tout cas le résultat est formidable !L’éducation sentimentaleLibre adaptation Paul Emond d'après Flaubert
Mise en scène et interprétation Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps
Collaboration artistique : David Talbot
Scénographie : Esther Granetier
Lumières : François Thouret
Musique originale : Gilles-Vincent Kapps
Costumes : Sabine Schlemmer
Réalisation robe : Julia Brochier
Du mardi au samedi 19h, dimanche 15hAu Poche Montparnasse - 75 bd du Montparnasse - 75006 Paris