Quand Chimène quitte le voile nuptial blanc pour le voile noir du deuil s’élève la voix d’Odetta chantant Sometimes I Feel Like a Motherless Child (1963) alors que s’avance le cercueil de son père. Économe de paroles, tournant en boucle sur seulement trois phrases, ce gospel exprime un chagrin infini que l’on pressent intarisssable :Sometimes I feel like a motherless child,A long way from home, a long way from home.Sometimes I feel like I'm almost done,
Parfois je me sens comme un enfant sans mère,Bien loin de chez soi, très loin de chez nous.Parfois j'ai l'impression d'avoir presque fini,
Le chant que Chimène (Lara Tavella) interprète plus tard en espagnol est d’une rare beauté et créé une émotion proche de celle que l’on ressent quand, dans un autre spectacle, lorsqu’Antigone exprime ses souffrances et incarne le conflit de loyauté qui la tourmente.
Chimène est le seul personnage féminin et elle doit composer avec finesse dans une société régie par les hommes, pour les hommes, suivant des règles fondées essentiellement sur l’affirmation d’un pouvoir qui s’exprime par les mots ou les armes. Il est signifiant à cet égard que les deux candidats à l’éducation du jeune prince opposent des principes éducatifs puisés dans les livres ou dans l’art de la guerre alors que plus tard on verra le jeune prince absorbé dans le dessin, qui est une activité artistique.
Au-delà du combat entre la gloire et la raison, entre l’amour et l’honneur, le spectacle est jalonné de très beaux moments de tendresse et ponctué de notes d’humour. C’est tout ce qu’on aime au théâtre.