Le musée du Domaine départemental de Sceaux a rouvert en septembre 2020 après de grands travaux de mise aux normes de l’accessibilité et des dispositifs de sécurisation des œuvres. A cette occasion, un nouveau parcours de visite a été mis en place qui, après l'avoir expérimenté, correspond bien aux limites que je signalais après une journée passée au salon Muséum Connections en terme d'usage presque excessif du numérique.D'ailleurs il est tout à fait possible d'effectue une visite virtuelle depuis chez soi, et gratuitement, devant son écran d'ordinateur.
La numérisation 3D permet de se déplacer de salle en salle et se poursuit par des images à 360° de très haute qualité, avec la possibilité de zoomer sur les oeuvres exposées. Personnellement, je trouve que ce n'est qu'un complément et je persiste à dire que rien ne remplacera jamais le guide physique, s'il est compétent, cela va de soi.Est-il nécessaire de le rappeler ? Le Domaine a été créé en 1670 par Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV en faisant appel aux meilleurs artistes de son époque : André Le Nôtre pour les jardins, Charles Le Brun pour les peintures, Antoine Coysevox, François Girardin et Jean-Baptiste Théodon pour les statues et sculptures monumentales.Le château actuel "brique et pierre" a été bâti entre 1856 et 1862 pour le duc et la duchesse de Trévise et accueille aujourd’hui les collections permanentes du musée du Domaine départemental de Sceaux.Créé en 1937 et précédemment consacré à l’Ile-de-France, le musée est désormais dédié aux différents propriétaires du domaine de Sceaux et plus généralement au goût français de Louis XIV à Napoléon III, il conserve un bel ensemble de peintures, de dessins et d’estampes, de meubles précieux et d’objets d’art.
Le parcours de visite consacre à chacun des propriétaires l’une des grandes salles du château : Colbert, Maine, Penthièvre, Trévise ; et les salles intermédiaires à l'histoire générale du domaine, la céramique de Sceaux, l’importance du livre sous l’Ancien Régime et la transition entre l’ancien et le nouveau château.Chaque salle dévoile un univers dans le contexte vivant d’une demeure habitée. Totalement rénové, le château des Trévise a retrouvé ses fastes des siècles passés. Les meilleurs représentants du savoir-faire français de tradition ont été sollicités, telle la célèbre Manufacture Prelle, créée à Lyon en 1752, qui a tissé sur des modèles historiques les soieries de sept salles du musée ; telles Les Passementeries de l’Île-de-France qui ont réalisé, au fil de soie et à la main, les galons, les pompons et les embrasses de tous les rideaux ; tels encore les établissements Mathieu Lustrerie qui ont restauré et rééquipé l’ensemble des luminaires du château, parmi lesquels des lustres de bronze doré ou argenté aux pendeloques de cristal de roche…Je vais m'attarder sur quelques-unes des pièces, sachant que la visite demande une bonne demi-journée si l'on veut avoir le temps de détailler la majorité des objets.On admirera tout au long de la visite plusieurs pièces en faïence stannifère fine à décor de petit feu de la
Manufacture de Sceaux, comme cette terrine en forme de hure de sanglier (1750), ces coupes garnies de noix représentées en trompe-l'oeil (entre 1748 et 1763), cette paire de terrines en forme de botte d'asperges (entre 1748 et 1763).
Fontaine et sa vasque, entre 1748 et 1763, figurant, d'une part, une nymphe et un amour chevauchant un monstre marin et, d'autre part, un griffon supportant une vasque en forme de coquille
Portrait de
Jean-Baptiste Colbert, huile sur toile, seconde moitié du XVII° siècle, et statue équestre de
Louis XIV, d'après le monument érigé à Paris, place Louis-le-Grand, actuelle place Vendôme, d'après
François Girardin (1628-1715). Au sol,
un parquet marqueté d'un ébéniste inconnu provenant d'une maison d'Asnières-sur-Seine (vers 1890) en chêne, sycomore, palissandre de Rio, bois de violette, ébène, acajou de Cuba, noyer, citronnier.Oeuvre de
François Verdier (1651-1730) d'après Charles Le Brun (1619-1690)
L'Ancienne Loi accomplie par la Nouvelle - copie de la coupole de la chapelle du château de Sceaux, huile sur toile de la seconde moitié du XVIII° siècle
Le chat de la duchesse du Maine (1676-1753) s'appelait
Marlamain qui fit l'objet de plusieurs poèmes et tout Sceaux fut au désespoir à sa mort. Son urne funéraire est aujourd'hui visible dans le jardin de la Ménagerie. On peut lire sur le socle du monument :
A Marlemain, le roi des animaux.
Le grand escalier menait autrefois aux appartements privés. Le décor du plafond, d'origine, montre un aigle enserrant une branche de laurier, emblème rattachant le propriétaire d l'époque à Napoléon Ier qui le créa duc de Trévise. Les profils de Charlemagne, Saint Louis, François Ier et Louis XIV complètent le dispositif.
Quatre bustes représentant chacun une saison (ci-dessus l'hiver) en faïence stannifère, décor de Gand feu polychrome, vers 1880 ont été réalisés par la
Manufacture Samson, fondée à Paris en 1845. Elle resta en activité jusqu'en 1980. Elle se spécialisa dans l'imitation des styles anciens : porcelaines chinoises ou de Delft, faïences françaises, majoliques italiennes, émaux limousins … en travaillant dans le respect de la tradition.
Cette suite est une imitation de bustes de la manufacture rouennaise de Nicolas Fouquay, aujourd'hui conservés au Louvre. Ils sont eux aussi décorés de végétaux symbolisant la saison que chacun évoque. L'ensemble est exceptionnel par sa rareté et la taille des bustes.
Mercure chevauchant Pégase, bronze doré du XIX° de
Boudet, éditeur-fondeur de bronzes anciens d'après Antoine Coysevox (1640-1720)
Bureau à cylindre de la seconde moitié du XVIII° en acajou garni de bronze doré, dessus de marbre blanc entouré d'une galerie de cuivre. De part et d'autre on remarque des panneaux dits "des Enfants Jardiniers"
Ces quatre grands panneaux décoratifs
à sujets de pastorales enfantines (1751-1757) sont le fruit de la collaboration de trois artistes :
François Boucher (1703-1770),
Alexis Peyrotte (1699-1769) et
Augustin-Laurent Peyrotte (né en 1729). En 1751, la marquise de Pompadour demanda à Boucher des cartons de tapisserie réalisés pour l'ornementation de sièges destinés à son château de Crécy. Le sujet retenu fut celui des Enfants jardiniers, très adapté à la décoration d'une résidence de campagne. Mais ne voulant pas perdre le bénéfice des oeuvres originales, elle décida de les inclure à des panneaux décoratifs qu'elle commanda à Peyrotte, proche collaborateur du maitre. Elle fit en outre réaliser deux panneaux supplémentaires pour obtenir un ensemble plus important. huit petites scènes pastorales (dont les quatre cartons de tapisserie signés et datés par Boucher) furent ainsi associées à de grandes compositions de rinceaux.
Dès 1757, la marquise vendu son château de Crécy au duc de Penthièvre et celui-ci commanda au seul Peyrotte de compléter la décoration en place par huit autres panneaux, aujourd'hui conservés dans la Frick Collection à New-York. Vendant à son tour Crécy vers 1775, le prince fit installer les douze panneaux de Boucher et Peyrotte à Sceaux dont il venait d'hériter. Quatre éléments servirent à la décoration de sa chambre. Les nuits autres furent installés dans l'appartement de sa belle-soeur, la princesse de Conti.
En 1793, Scaux fut confisqué comme "bien national" puis vendu en 1798 à Hippolyte Lecomte qui le transforma en exploitation agricole. Le château fut dépouillé de ses trésors puis rasé vers 1803. Les panneaux des Enfants jardiniers ne quittèrent pas le domaine car en 1864 l'architecte César Daly apprend qu'on les retrouva "par hasard dans le grenier d'une annexe", sans doute le pavillon de l'Intendance.
Entre 1856 et 1862, le duc et la duchesse de Trévise, bâtisseurs de l'actuel château de Sceaux, firent placer les quatre panneaux dans le "salon vert" du rez-de-chaussée, puis vendus plusieurs fois jusqu'à ce que le Département ne les rachète en 2018.
Piano-forte vers 1834-55 en marqueterie de palissandre attribué à Jean-Guillaume Joseph Wetzels (1789-1858)
Au-dessus quatre panneaux peints en 1847 représentant de gauche à droite,
La chasse (biches observant des cavaliers),
Les Vendanges (une assemblée dans un jardin paysager),
Les Fruits (scène de pique-nique) et
La Pêche (un couple dans une embarcation) commandés par le baron Léopold Double (1812-1881), homme de goût et grand collectionneur, pour décorer son hôtel particulier. C'est
Claude-François-Théodore Caruelle d'Aligna (1798-1871) qui réalisa ces paysages peints en médaillons illustrant le thème des Quatre Saisons en positionnant dans les lointains différentes propriétés familiales. Ils entrèrent au musée en 2012 à la suite du don d'un des descendants du baron Double.
Devant le bureau à cylindre réalisé par un ébéniste anonyme on remarquera un fauteuil consulat de Jacob Frères. La pendule posée dessus, en forme de pyramide, a été faite par un horloger également anonyme. Au-dessus se trouve un portrait du duc d'Orléans.
La salle dite des Deux Princes (le prince de Dombes et le comte d’Eu, fils du duc et de la duchesse du Maine) offre ainsi la belle ambiance d’une table dressée pour un petit souper au milieu du XVIII° siècle,La paire de fauteuils cannés est de Jacques-Pierre Letellier. Sur la table les assiettes, la salière comme la terrine sont de la Manufacture de Sceaux ainsi que le pot à eau et le rafraîchissoir à bouteilles qui sont sur le guéridon tandis que les chandeliers sont attribués à la manufacture de Bourg-la-Reine. On apprend que le service à la française imposait de disposer les plats d'un même service simultanément sur la table. Les convives se servaient eux-mêmes. Les bouteilles et les verres étaient placés sur une table-servante, dans un rafraîchissoir garni de glace. Ils étaient apportés aux convives lorsqu'ils signalaient leur volonté de boire. Le service à la russe fit son apparition en France au début du XIX°, imposant un service individuel avec présence des verres devant l'assiette. les plats étaient présentés en séquence aux convives que l'on servait à la portion.Terrine en forme de "panier de marché" de 1755 en faïence stannifère à décor de petit feu polychrome de la Manufacture de SceauxA gauche, jardinière à oignons en forme de commode demi-lune, de la seconde moitié du XVIII° en faïence stannifère à décor de petit feu polychrome de trois scène levantines. Cette bouquetière prend la forme d'un meuble cher à l'époque Louis XVI. Les collerettes des deux plaques amovibles servaient de support aux plantes à bulbes (tulipes, jacinthes) tandis que les trous permettaient d'y piquer des fleurs.
A droite, glacière de la seconde moitié du XVIII° en faïence stannifère à décor de petit feu polychrome de fleurs. ce récipient en trois parties permettait de servir en neige des liqueurs et compositions de fruits, en les plaçant entre deux couches de glace et de sel mêlés. la propriété du sel d'abaisser la température de la glace était connue : l'usage de consommer des glaces et des liqueurs ainsi glacées se développa dans la seconde moitié du XVII°.Tasse tremblante et sa soucoupe XVIII° en porcelaine tendre à décor de grand feu. La soucoupe comporte un réceptacle central très creux ou, comme ici, une galerie maintenant la tasse qui était particulièrement utilisée pour boire un chocolat qu'on remuait sans cesse.Ensemble de boiseries peintes comprenant panneaux, moulures, portes, miroirs et trumeaux de la seconde moitié du XVIII° d'origine incertaine mais attribués à Alexis Peyrotte. Ils ont été repeints au XIX° dans une sorte de vert titrant sur le moutarde, supprimant le fond bleu pâle d'origine et détourant parfois grossièrement le motif central.Musée du Domaine départemental de SceauxOuvert tous les jours sauf le lundi et certains jours fériés (1er janvier, 1er mai, 25 décembre)Du 1er mars au 31 octobre : 14h à 18h30Du 1er novembre au 28 février : 13h à 17hLe domaine est accessible par trois entrées principales :- Allée d'Honneur : 8 avenue Claude-Perrault 92330 Sceaux- Petit Château : 9 rue du Docteur-Berger 92330 Sceaux- Grenouillère : 40 avenue du Général-de-Gaulle 92160 AntonyLe parc est ouvert tous les jours selon des horaires qui varient selon les mois et les périodes de l'année.
** *En cliquant sur les images ci-dessous vous aboutirez à l'article concernant les autres expositions visitables dans le Domaine de Sceaux, notamment Allegoria, les clés de la symbolique baroque dans les anciennes Écuries du 15 septembre 2023 au 17 mars 2024. Les liens seront ajoutés au fur et à mesure de la rédaction des articles.