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Des histoires d’occasion

Publié le 05 mars 2024 par Nicolas Esse @nicolasesse

Je marche sous la menace de ce ciel gris souris né d’un printemps prématuré. Y’a plus de saison ma pauv’ dame et février nous réchauffe les pieds.
Je marche, rempli de doutes et d’anticyclones immobiles qui installent sur nos têtes un plafond de verre qu’aucun flocon de neige ne pourrait percer. Je marche, je m’ébroue, j’accélère un peu pour s’assurer qu’au fond de moi il y a encore un cœur qui bat.

Je suis passé ici cent fois. Mais peut-être d’un autre pas, d’une autre humeur, la tête ailleurs. Ce sont pourtant bien deux ou trois mètres linéaires de livres de poche qui déroulent leurs charmes un peu flétris devant moi. C’est émouvant, ces pages jaunies qui ont déjà raconté leurs histoires à d’autres mains, à d’autres regards. Parfois, on trouve un nom, une dédicace, des annotations, des passages soulignés au crayon. On s’arrête. On relit. Pourquoi ce paragraphe en particulier ? On en oublie l’histoire pour essayer de comprendre, on tourne les pages à la recherche de traces qu’il ou elle aurait laissées. On imagine. On se met à rêver.

Il y avait une vitrine derrière les trois boites remplies de livres. Une porte aussi, que j’ai ouverte et une fois le seuil franchi, trois pièces en enfilade, couvertes de livres du sol au plafond. La libraire m’a proposé un café, mais je n’avais pas le temps, pas une minute à perdre : tous ces dos un peu froissés marqués de noms et de titres pas encore déchiffrés me faisaient de l’œil et la promesse d’une autre histoire, d’une écriture nouvelle qui vient vous frapper au beau milieu de l’estomac et donne à votre intérieur une nouvelle couleur.

Une heure plus tard, et trois livres sur le comptoir, la libraire me parlait de ses recherches, de sa stratégie pour trouver de la bonne littérature de deuxième main. Elle allait chercher un album de dessins au fusain. Perfide peut-être, mais touché, sûrement. Je feuilletais, la gorge sèche, lui proposais de mettre l’objet de côté, parce qu’il fallait que je me calme, que je m’en aille avant de devoir aller chercher une brouette pour transporter la moitié de sa bibliothèque.

De retour chez moi, j’ai pris une bonne résolution. Je n’y retournerai pas avant d’avoir lu les deux romans et le livre de souvenirs. C’est décidé et je m’y tiendrai. Bon, il faut quand même que je repasse, juste pour les dessins au fusain. Ce serait impoli de réserver et de ne pas repasser dans la semaine. Voilà, dans la semaine, c’est ça.
J’irai samedi.
En vitesse.
Sans m’attarder.


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