La police fédérale garde les bureaux de Télam ce matin, rue Bolívar
Photo Luciano Thierberger
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Vendredi soir, à 21h, alors qu’il faisait déjà la nuit close en cette toute fin d’été austral, le président Javier Mileí a ouvert sa première session parlementaire en bousculant les usages et en violant ouvertement le chabbat, jour par excellence interdit de travail dans la religion à laquelle il prétend désirer se convertir (mais quel aveu de mensonge, n’est-ce pas ? Puisque l’usage voulait jusqu’à présent que le président s’adresse au Congrès à midi, rien ne l'empêchait de respecter le chabbat s'il avait voulu).
Le cortège solennel du président s’est avancé sur la place du Congrès sous les huées et les insultes de la population massée sur les trottoirs. C’est dire s’il est contesté puisqu’on n’est encore à moins de trois mois de son investiture le 10 décembre dernier.
Lors de son discours empli une nouvelle fois d’accusations sectaires contre tous ceux qui ne pensent pas comme lui et d’annonces intempestives et souvent fort peu démocratiques, Javier Mileí a proclamé qu’il allait fermer l’agence de presse nationale, Télam, fondée il y a 78 ans.
Et cette nuit, il a effectivement
fait fermer matériellement les bureaux de l’agence devant lesquels
ce matin les passants ont trouvé de grandes barrières de sécurité
empêchant tout passage. Les journalistes et les autres agents ont
reçu un mail les priant de rester chez eux et les exemptant de tout
travail pendant sept jours avec maintien de leur salaire, sans rien
dire de ce qui adviendra au-delà de cette semaine. Vous imaginez
cela ? Les salariés ne peuvent même pas aller récupérer
leurs effets personnels : un gilet, des photos personnelles et
autres petits bibelots ou breloques que tout le monde apporte au
bureau, pas plus que le maté, la bombilla et la bouilloire ou le
thermos qui permettent de siroter l’infusion nationale tout en
bossant...
Les salariés se sont liés pour appeler à une manifestation
aujourd'hui à midi et demi devant le siège de la rue Bolívar
"Rassemblons-nous et défendons Télam"
Le site Internet de l’agence n’est plus accessible. Les services d’agence auxquels tous les périodiques argentins faisaient appel n’existent plus. C’est un outil de soft-power et d’indépendance culturelle de l’Argentine qui disparaît sans crier gare.
Tout cela est illégal, les procédures du droit du travail ne sont pas respectées et celles concernant la suppression d’une institution publique de presse non plus. Mileí s’en fiche. Il continue sur sa ligne : violence verbale, violence sociale, violence symbolique, violence institutionnelle…
Et le peuple de s’époumoner toujours davantage pour l’interpeler avec l’insulte habituelle : h… de p… (f. de p.).
La découverte des bureaux barricadés s’est produite ce matin. Les journaux avaient déjà bouclé leurs éditions papier. L’info ne fait donc pas les unes mais elle est bel et bien traitée en long et en large sur les sites Internet.
L’un des sites de l’agence se situe rue Bolívar, à quelques centaines de mètres de Plaza de Mayo. Une rue que je connais par cœur. Lorsque je suis à Buenos Aires, je la parcours du sud au nord et du nord au sud plusieurs fois par semaine en empruntant la plupart du temps le trottoir jamais en très bon état où se trouve l’entrée de Télam (il se trouve que c’est de ce côté-là que se trouvent les commerces que je fréquente : une supérette de quartier dit supermercado chino parce que ce genre de commerce est tenu par des Asiatiques, une boulangerie, une librairie de livres anciens où j’ai parfois découvert des petits trésors). Je ne connais personne qui travaille à Télam mais je me souviens des va-et-vient ordinaires dans ce hall, de la plaque en souvenir des victimes des crimes de la Dictature militaire de 1976-1983 sur la partie extérieure aujourd’hui inaccessible, des collègues qui se saluent, des gens qui bavardent en fumant une clope au pied de l’immeuble. Cette photo est un vrai choc !
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour aller plus loin :
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación