Visite du Musée national de la Marine
Par A Bride Abattue
@abrideabattue
Le Musée national de la Marine, situé dans le Palais de Chaillot, place du Trocadéro, a rouvert ses portes le 17 novembre 2023 après sept années de travaux. C’est une véritable métamorphose qui a été opérée en privilégiantl les formes courbes et circulaires rappelant le mouvement de l'eau.Le plateau est immense, comptant
8 000 m² dont 2 500 m² de parcours semi-permanent sur trois niveaux avec l’ambition de transmettre au plus grand nombre le goût de la mer mais aussi de sensibiliser aux enjeux maritimes de notre planète.
Ce musée possède l’une des plus belles et des plus anciennes collections au monde qui retrace plus de 250 ans d’histoires maritimes et navales françaises. Établissement public à caractère administratif, il est placé sous la tutelle du ministère des Armées.
J’ai visité l'exposition inaugurale intitulée
Objectif mer : l’océan filmé, il y a quelques jours. Une longue publication en rend compte, lisible ici.J'avais annoncé un article complet sur le musée rénové parce qu'il y a beaucoup à dire même si je ne raconte évidemment pas tous les détails. Je signale d'ailleurs qu’il existe un programme très fourni d’animations et que beaucoup de facilités ont été imaginées pour faciliter la visite. Profitez-en pour vous y rendre en famille. Par exemple un dimanche après un brunch au restaurant lors que celui-ci l’aura instauré.
Bien entendu il y a toujours beaucoup de modèles réduits de bâtiments maritimes. Les prendre en photo est très difficile en raison des reflets sur les vitrines et il m'a semblé plus utile pour cet article de parler d'objets moins attendus dans un tel musée sachant que les passionnés de mer et de marine sont déjà au courant de l’essentiel.
J’ai choisi de commencer par ce scaphandre rigide articulé de grande profondeur en acier, verre, toile, cuir de porc et plomb, dont les frères Alphonse et Théodore Carmagnolle ont déposé un brevet en 1882 et qui est d’ailleurs le premier objet que voit le visiteur. Créé pour résister à la pression, il ne fut pas utilisé pour des problèmes d'étanchéité. Ce prototype n'en reste pas moins un objet symbole de rêve et d'innovation.
En effet, comme la conquête spatiale, l'exploration sous-marine a été conditionnée par des inventions qui ont permis de percer les mystères d'un monde longtemps inconnu, et donc source de beaucoup de fantasmes.Le musée conjugue désormais la splendeur des collections historiques du musée, constituées dès 1752, à un parcours de visite immersif qui plonge le visiteur dans les grands enjeux maritimes du XXI° siècle : économiques, écologiques et militaires. Il s’articule de manière thématique autour de plusieurs galeries présentant plus de mille pièces, toutes restaurées.Juste après le portique d’entrée, un bref film de 2 minutes 30 intitulé Immersion est projeté dans une demi-bulle pour placer chaque spectateur en condition. Il a été conçu afin de découvrir la mer du point de vue des différentes marines, sous l'eau, à la surface et depuis les airs. Des vibrations ont été intégrées au banc pour enrichir l'expérience, particulièrement des publics sourds ou malentendants.On passe ensuite sous une arche symbolisant une vague et sur laquelle est amarré un radeau de survie hauturier, modèle Transocean pour 4 personnes, en PVC réalisé par Plastimo en 2022. Il est utile de rappeler combien le naufrage est malheureusement une réalité marine. L’inventaire de tout ce que contient l’intérieur d’un radeau de survie est instructif.Après avoir traversé un moment les collections permanentes on peut bifurquer sur la gauche pour accéder à l’exposition temporaire et c'est une très bonne idée pour donner envie de revenir.Un immense escalier invite à descendre. Au sous-sol sont exposées d’immenses peintures marines de Joseph Vernet. On apprend dans cet espace l’importance des arbres, notamment ceux de la forêt de Tronçais. Voilà pourquoi les bancs sont en bois.On est surpris par la lumière permis par la réouverture des baies vitrées, qui rétablit une connexion visuelle entre l’intérieur et l’extérieur du musée : la tour Eiffel et les jardins du Trocadéro sont désormais visibles depuis les espaces d’exposition. L'ensemble de baies est néanmoins occultable en fonction de la scénographie. Plusieurs voies sont possibles. Je vais m’arrêter en certains endroits qui m’ont particulièrement attirée.Ce diorama en briques Lego s’appelle "Du vent dans les pales" permet de comprendre le rôle du vent en mer.Chaque phare est unique. Une animation permet aux enfants d’en associée quelques-uns. L’optique du phare d'Hourdin (Gironde) en verre, bronze et mastic, réalisé en 1894 par les établissements Barbier, Bénard et Turenne, provenant du dépôt du service des phares et balises semble démesurée et pourtant elle est bien réelle, tout comme les figures de proue.On peut voir Napoléon Ier en figure de proue du vaisseau Iéna, en bois résineux peint, à l'atelier de sculpture de l'arsenal de Brest vers 1846. Paré d'une couronne de laurier et tenant le foudre de Jupiter, l'empereur est triomphant, à l'antique. Cette figure réalisée sous la monarchie de juillet (1830-1848), montre une volonté de réconciliation nationale après des années de division et de ruptures politiques.Il y a des pièces historiques exceptionnelles, souvent dans la démesure our nous terriens. les figures de roue sont de cet ordre. Celle de gauche (ci-dessous) est attribuée au sculpteur Paul Bonnifay (1814-1888) qui la fit dans un tilleul pour le vaisseau Charlemagne en 1851 en représentant l'ancien roi de France qui est une figure du pouvoir.Cette pièce reconstituée est la chambre du commandant en second du contre-torpilleur Mogador, dans sa configuration d'avant 1944. Ce mobilier utilise alors pour la première fois l'alliage d'aluminium qui est un métal léger et résistant au feu. On remarquera aussi des objets en laque, cuir, verre, bois et fibre textile.L'ensemble témoigne des innovations techniques des navires fabriqués dans l'entre-deux-guerres. Bombardé à Mers el-Kébir en 1940, le Mogador subit le sabordage de la flotte en 1942.Avec 29 400 km de côtes et une zone économique exclusive (ZEE) de 11 millions de km2, la France possède le deuxième espace maritime du monde. Présente sur tous les océans, la Marine nationale (qui est aussi une marine de guerre, si bien qu'on peut être marin "et" soldat) prend part à la défense de la souveraineté du pays et de la sécurité des Français. De nombreux panneaux interactifs honorent les principales professions et missions.
La Marine est l'acteur central de la dissuasion. Elle concourt depuis les espaces aéromaritimes au recueil du renseignement, à la projection de puissance et de force et à l'assistance aux populations. Elle participe d'autre part à la défense maritime du territoire en luttant contre les trafics illicites et la piraterie. Elle collabore en particulier à la protection civile en portant assistance aux navires, en prenant part au sauvetage en mer et à la lutte contre la pollution.
L'interview d'une fille militaire m'a appris quelques termes d'un lexique particulier. Un lit se dit un nid. Un escalier c'est une échappée.
Le musée consacre aussi plusieurs vitrines aux transatlantiques. La prochaine est consacrée au personnel embarqué à bord de France qui est une petite ville en mer. Il peut accueillir 2044 passagers et plus de 1000 membres d'équipage. De la capitainerie aux grooms, en passant par les mécaniciens, le coiffeurs, les maîtres d'hôtel, les musiciens ou les nurses, le personnel du paquebot fourmille, répondant aux moindres besoins des occupants. On compte environ 1 membre d'équipage pour 2 passagers et 180 personnes s'activent en cuisine !En 1974, de nombreux membres du personnel participent à la grève à bord et au blocage du port du Havre pour protester conte l'arrêt du bien-aimé paquebot et la perte des emplois.On peut voir de près des objets ayant été utilisés à bord. Comme cette cuillère à café du service Atlas et Verseuse à café du service Transat, toutes deux en métal argenté et dessinées par Luc Lanel (1893-1965) pour Christophe & cie, orfèvre, vers 1935. Tasse à café et petite soucoupe à filets dorés en porcelaine de la Manufacture Théodore Haviland, vers 1935 (tous les trois dépôts de French Line & Cie)La Transat vous souhaite Bon voyage à bord du France. Les paquebots avaient une dimension mythique et l’affiche dessinée par Cassandre (1901-1968) en 1935 pour célébrer New-York via Le Havre et Southampton reste iconique.Place aussi à l’aspect économique avec le conteneur (container en anglais) qui est une boite universelle créé en 1956 par l'américain Malcolm McLean (1913-2001) qui a révolutionné le commerce maritime. Ce transporteur routier de profession a cherché à réduire les temps de chargement des marchandises qui jusque là étaient transportées sous forme variées (caisses; ballots, etc …). Il a mis au point une standardisation qui a fluidifié les transbordements et les changements de modes de transport, apportant un gain de temps tout au long de la chaine logistique.Il existe une grande diversité de conteneurs. ils peuvent être réfrigérés, sans toit, et recouverts d'une bâche (les "open-tops") ou encore avec seulement un plancher pour transporter les marchandises volumineuses (les "flat-racks").C’est assez drôle de le comparer avec cette malle-cabine du XX° siècle en bois, textile et métal.Une des originalités du musée est de permettre l’accès à une expérience sensorielle originale et vraiment intéressante. Je vous conseille de faire une halte dans l'espace d'inspiration Snoezelen (inutile de réserver mais il sera peut-être nécessaire d'être patient car l'espace est limité à 3 personnes). Il faut savoir qu'il a été conçu prioritairement pour les personnes avec trouble du spectre autistique, en situation de handicap mental, avec troubles dégénératifs ou juste "hypersensibles". Mais j'ai tenu à tenter l'expérience en vertu du principe voulant que "qui peut le plus peut le moins". Et j'ai adoré.La Bulle est un espace sensoriel en accès libre où l'on peut s'isoler afin de s'apaiser et de mieux profiter, ensuite, de la visite du musée. Quatre outils nous sont proposés :- Une colonne à bulles qui change de couleur selon l’ambiance sélectionnée sur le tableau de bord. Regardez ses bulles remonter ou touchez-la pour ressentir des vibrations.- Trois objets à sentir dont nous sommes invités à découvrir des odeurs. Je n'ai pas réussi à identifier de quoi il s'agissait, sans doute suite à un souci de maintenance.- Des objets à toucher dans le récif tactile, à gauche. Certains font du bruit. Pensez à les remettre à leur place avant de sortir de l’espace.- Des rideaux de led. Placez-vous sous l’anémone, ce rideau de filaments lumineux pour l’observer ou la toucher. Elle change de couleur en fonction de l’ambiance sélectionnée sur le tableau de bord.Le chantier a remis la création de nouveaux espaces grâce à la construction d'une mezzanine où un restaurant a pris place. On trouvera aussi une librairie dédiée aux ouvrages maritimes et un auditorium rétractable de 220 places pour accueillir séminaires et conférences. Il y a aussi une boutique proposant des objets qui sortent de l’ordinaire :Fondée en 1874, dans la ville de Déan, la maison basque Tissage Moutet travaille dans le respect de la tradition et des normes sociales et environnementales. La boutique du musée a choisi des torchons du modèle Sardine de Valérie Leroux, une artiste dont les designs aux couleurs chatoyantes commencent par s'illustrer sur des céramiques.J'ai remarqué aussi ce duo de salière et poivrière de Qualy.Enfin l’espace restauration est véritablemtn accueillant. Avec un menu réellement attractif.Musée national de la Marine17 Place du Trocadéro et du 11 Novembre - 75116 Paris
Ouvert de 11 h à 19 h tous les jours sauf le mardiNocturne le jeudi jusqu’à 22 hwww.musee-marine.fr