Sois sage et vigilant

Publié le 28 février 2024 par Eric Acouphene


Qui a vu demain ? Qui sait quand retentira soudain l'appel du monde inconnu — un appel auquel nul ne peut jamais dire : "Attends encore un peu, je te prie ?" L'oubli de la mort n'empêche pas la mort de venir, ignorer Shiva ne suffit pas pour échapper à ses mains. Le temps est fugace, le chemin est long et le soir de la vie vient vite. Pourquoi gaspiller les précieux moments en amassant de l'argent et en servant le moi fallacieux et vulnérable, avec le vain prétexte de "service social". 

Commencer ici et maintenant est la ligne de conduite la plus sûre et la plus saine. Le passé est mort et le futur inconnu.

Seul le présent est réel, seul le présent est vivant. Quelqu'un peut-il vivre hier ou vivre demain ? Pour penser au passé ou à l'avenir vous devez inévitablement en faire du présent. Seul le présent est vie et cette vie ne nous appartient pas — nous en sommes seulement les gardiens ; elle appartient à Dieu, et à Dieu elle doit être consacrée.

S'ensuit-il qu'il incombe à tous de fuir foyer et famille pour s'enfoncer dans les bois pour Le trouver ? Pas nécessairement, et ce n'est pas non plus de cela qu'il s'agit. Il s'agit pour l'aspirant de s'adapter à son milieu de telle manière que, au lieu de s'abandonner à des rêveries sur un avenir plus ou moins lointain où il s'adonnera à la contemplation, il prenne le départ maintenant, s'asseyant chaque jour pour méditer et prier avec régularité, faisant du présent le meilleur usage.

Des sceptiques diront peut-être : "Dans les circonstances compliquées d'aujourd'hui, il est impossible de vivre dans le monde et de s'engager en même temps avec sincérité sur le chemin qui conduit à Dieu ou de gravir tous les échelons d'une vie faite de pureté et de perfection spirituelle." C'est là exagérer la difficulté. 

On constate que même dans des circonstances contraires ou peu propices, certains s'assoient régulièrement en état de concentration spirituelle, et s'élèvent très haut dans la divine félicité tandis que d'autres, disposant largement de quoi vivre à l'aise et ayant à portée de la main les moyens indispensables pour mener à bien une ascension spirituelle (pour peu qu'ils en aient le désir), ne s'assoient jamais pour méditer et sont voués dans l'ordre spirituel à une faillite totale.

En réalité, l'excuse de circonstances défavorables pour s'abstenir de s'engager dans le divin sentier est, le plus souvent, un autre prétexte invoqué par l'ego inférieur parce qu'il hait sa soumission au Soi supérieur et s'efforce de s'y soustraire. 

Il y a des conditions tout à fait défavorables à un développement spirituel, je l'admets. Mais n'est-il pas vrai que le moral d'un soldat dans la bataille compte plus que l'équipement dont il est pourvu ? "Vouloir c'est pouvoir", comme dit le vieux proverbe. Le nœud du problème réside dans la fascination qu'exercent les gunas sur les humains, de sorte que le monde et eux ne font qu'un. Qu'il y ait une ardente aspiration et le reste suivra. Le Seigneur ne nous choisit que si nous Le choisissons. Il nous aide à condition que nous sollicitions Son aide.

Ami ! Ce corps humain, malgré sa nature périssable, est, du point de vue de la Sadhana, le bien le plus précieux. Le mépriser foncièrement ou l'utiliser pour son propre contentement est une mauvaise attitude qui témoigne d'une complète incompréhension des choses. Ne le gaspille pas en vaines paroles et bagatelles. Il te donne l'occasion rare de mettre fin à ton exil dans le monde du temps. Ne gaspille pas cette chance précieuse. 

Sois sage et vigilant. Prie et vis. Prends à cœur de commencer ici et maintenant. Pratique assidûment. Médite ton Soi véritable et deviens libre. 

Qu'est-ce donc qui peut te détourner de Dieu ? Rejette toute faiblesse. Pourquoi devrais-tu succomber à tous les caprices du monde ? Pourquoi remettre à un avenir lointain l'approche du libérateur suprême alors qu'Il est présent en toi ? Éveille-toi et va de l'avant. Et ne t'arrête pas tant que le But n'est pas atteint.

~ Chandra Swami 

L'art de la réalisation (1985)

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