THÉRAPIE GÉNIQUE : Pouvoir contrôler l'expression d'une protéine thérapeutique

Publié le 21 février 2024 par Santelog @santelog

Être plus précis dans le contrôle de l’expression génique d’une protéine thérapeutique permet d’ajuster sa production en fonction des stades de la maladie ou de répondre aux besoins spécifiques des patients donc d’avancer vers des thérapies géniques de précision. Cette approche développée au Baylor College of Medicine (Houston), basée sur un nouveau commutateur permettant d’activer ou de désactiver les gènes au bon moment, présentée dans la revue Nature Biotechnology, suggère de pouvoir réguler l’expression de n’importe quelle protéine, avec à la clé, de très nombreuses applications thérapeutiques.

Tout comme un médecin ajuste la dose d’un médicament aux besoins du patient, l’expression des gènes thérapeutiques, pour traiter ou guérir une maladie par thérapie génique, doit également être maintenue dans la bonne « fenêtre thérapeutique ». Il est crucial de rester dans la fourchette d’expression génique, car une trop grande quantité de protéines peut être toxique et une quantité insuffisante nuit à l’efficacité thérapeutique. Si le principe de fenêtre thérapeutique est admis, il n’existe aucune stratégie pour le mettre en œuvre en toute sécurité, ce qui limite les applications de la thérapie génique en clinique.

Une solution pour maintenir l’expression génique dans la fenêtre thérapeutique

L’étude documente l’efficacité d’une technologie permettant la régulation génétique chez l’Homme. Car s’il existe des outils permettant cette régulation dans les cellules de mammifères, aucun n’est approuvé par les Agences sanitaires et notamment l’Agence américaine Food and Drug Administration des États-Unis pour des applications cliniques chez les humains, « principalement parce que ces systèmes utilisent une protéine régulatrice étrangère au corps humain, qui peut déclencher une réponse immunitaire », précise l’un des auteurs principaux, le Dr Laising Yen, professeur agrégé de pathologie et d’immunologie et de biologie moléculaire et cellulaire au Baylor : « Cela signifie que les cellules qui expriment la protéine thérapeutique seraient attaquées, éliminées ou neutralisées par le système immunitaire du patient, rendant la thérapie inefficace ».

L’équipe du Baylor travaille depuis plus de 10 ans à trouver une solution de régulation, adaptée à une utilisation clinique. Elle propose aujourd’hui

une solution qui n’implique pas de protéine régulatrice étrangère susceptible de provoquer une réponse immunitaire

des patients. Les chercheurs utilisent de petites molécules pour interagir avec l’ARN, qui ne déclenchent pas de réponse immunitaire et qui respectent un dosage approuvé par l’Agence FDA.

​Un interrupteur pour activer/désactiver les gènes : au cœur de ce système de régulation, un commutateur, placé dans l’ARN, la copie du matériel génétique qui est traduite en protéine. Cette approche permet aux chercheurs de contrôler la production de la protéine en contrôlant son ARN. L’ARN est conçu pour contenir un signal polyA supplémentaire, semblable à un « panneau d’arrêt » que les gènes utilisent naturellement pour marquer la fin d’un gène. Lorsque la machinerie cellulaire détecte un signal polyA dans l’ARN, elle effectue automatiquement une coupure et définit le point de coupure comme la fin de l’ARN. Pour activer le gène au niveau souhaité, les chercheurs ont modifié une section de l’ARN proche du signal polyA de telle sorte qu’elle puisse désormais se lier à une petite molécule, ici la tétracycline. Lorsque la tétracycline se lie à cette section qui fonctionne comme un capteur sur l’ARN, elle masque le signal polyA et l’ARN est donc bien traduit en protéine.

Et en pratique clinique ? Un patient reçoit une thérapie génique qui fournit un gène pour compenser un gène défectueux à l’origine d’un problème de santé. Le gène reçu par le patient possède un commutateur qui permet au médecin de contrôler la production de la protéine thérapeutique. Si le patient n’a besoin que d’une petite quantité de protéine thérapeutique, il ne prendra alors qu’une petite dose de tétracycline, ce qui n’activera que peu le gène thérapeutique. Si le patient a besoin de plus de protéines thérapeutiques, il prendra alors plus de tétracycline pour stimuler sa production. Pour arrêter la production de la protéine thérapeutique, le patient arrête de prendre de la tétracycline. En l’absence de tétracycline, l’interrupteur revient à sa position d’arrêt par défaut. Certaines maladies peuvent bénéficier de la présence de faibles niveaux constants de protéines thérapeutiques. Dans ce cas, la technologie a la flexibilité de pré-ajuster le niveau par défaut aux niveaux spécifiés d’expression des protéines tout en conservant la possibilité d’en augmenter l’expression avec la tétracycline.

Ce mécanisme permet d’être plus précis dans le dosage de la thérapie génique, mais aussi, de réguler l’expression de n’importe quelle protéine, lorsqu’elle est déréglée, et cela dans n’importe quelle maladie.  

Source: Nature Biotechnology 2 Jan, 2024 DOI: 10.1038/s41587-023-01989-0 pA regulator: a system for controlling mammalian gene expression via the modulation of polyA signal cleavage

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Équipe de rédaction SantélogFév 21, 2024Équipe de rédaction Santélog