La petite Mort, les héros meurent aussi, la chronique décimatrice !

Par Juju-Gribouille @JujuGribouille

Série : La petite Mort
Titre : Les héros meurent aussi
Auteurs : Davy Mourier (texte et dessins)
Éditeur : Delcourt
Collection : Humour de rire
Année : 2024
Pages : 96

Résumé d'une histoire qui s'intercale :

La Petite Mort s'interroge sur la célébrité quand le fonctionnaire du grand tout vient lui assigner comme mission de faucher Rob l'éponge au lieu de s'accrocher. La Petite Mort part en mission sans savoir qu'il s'agit du début d'un véritable carnage, elle va devoir aller récupérer les âmes de nombreux héros de la pop culture. Comment se fait-il qu'il y ait une telle explosion du taux de mortalité chez ces héros indestructibles ?

Le scénario d'une enquête réflexive:

La Petite Mort reprend la route de la fauche ! Mais comme à son habitude, Davy Mourier ne se contente pas d'aligner les gags drôles avec une belle dose d'humour noir. Il ajoute aussi une réflexion sur le temps qui passe, et le sens de la vie.
Je pense que tout tient dans cette page que l'on retrouve d'ailleurs sur la quatrième de couverture. La petite Mort a appris que rien n'était éternel, que tout disparaissait, même ses parents, même elle. Et pourtant, il faut vivre. Et quand sa mère vient voir ce qui la tracasse au moment du coucher, et qu'elle le rassure en lui annonçant que leur mort n'est pas pour tout de suite, la réponse implacable tombe :
" Sauf que quand je me suis levé ce matin, je me suis dit que je me coucherais dans longtemps... Et là, ben, je suis couché. "

Au-delà des mots, il y a aussi le visage de maman Mort dans cette scène, d'où naît aussi l'émotion. C'est le fond de ce récit : le temps passe vite, à quoi peut-on le consacrer pour faire quelque chose d'utile ? Ces héros de pop culture qui ignorent leur mort imminente vivent comme si de rien n'était, à part quelques uns que la société a oublié depuis, et qui ressasse leurs belles années sans rien faire de plus.
La petite Mort se rend compte de cela, de même qu'elle se rend compte que chaque jour s'écoule sans rien important de nouveau, sauf à se rapprocher de la fin. Et quand arrivera-t-elle, cette fin ? Bien trop tôt sans doute.
C'est ce qui nous taraude au fond de nous. Je pense que nous avons tous eu à un moment ou très souvent, conscience de cela, et que la réponse à comment occuper ce temps qui nous file entre les doigts de façon constructive est une question à laquelle chacun doit trouver sa réponse.

Cette question qui peut sembler philosophique prend des aspects très concrets dans cette BD. Cela permet à Davy Mourier de pointer aussi les éléments qui nous font perdre du temps. Comme par exemple cette application de téléphone Tok tok sur laquelle La Petite Mort veut passer seulement cinq minutes.
Cette société de divertissement, où la source principale de divertissement est tout un chacun, est une nouvelle évolution du quart d'heure de gloire que pointait Andy Warhol. A côté de cela, l'évolution des goûts, qui font que des héros qui attiraient les foules deviennent has been, nous renvoient aussi aux effets de mode. Et tout cela ne répond pas à la question de fond. En plus de ces réflexions, il y a l'enquête et l'humour débordant des cases. En effet, cette BD n'est pas un mouroir de la philosophie où nous allons déprimer tous ensemble, mais bien une histoire drôle, sanguinolente voire scato où l'on rit entre deux interrogations.
Davy Mourier tient l'histoire au long cours mais garde la forme du gag à la planche, ou en deux planches, pour lancer des mini-récits hilarants. Et pour cela, il appuie sa narration déjà bien drôle sur le dessin qui se lâche totalement.

Le dessin référencé :

Davy Mourier dessine également cette BD. On retrouve tout le charme du style graphique de la Petite Mort venant des précédents albums. Les fonds de page noir, les gaufriers de trois bandes de trois cases, avec des variantes permettant des cases paysages, et aussi des dessins pleines pages. Nous n'oublierons pas les coupures publicitaires, toujours aussi drôles et morbides, parfois. Les personnages stylisés et leurs morts gores bien souvent nous font rire.
Le travail sur les décors varient selon les ambiances recherchées. Soit, sur les grandes planches, il peut être détaillée, comme la quête du temple maudit, ou bien se réduire à quelques éléments, le lit de la Petite Mort par exemple, ou à un fond de couleur. Ce fond de couleur peut être uni ou bien mélangé différentes saturations de la même teintes. Le personnage alors ressort par effet d'ombrage.

Le récit suit l'enquête sur ces morts trop ombreuses de héros de pop culture, et on finit, bien sûr, par un combat final triste et drôle en même temps. Davy Mourier parvient aussi à terminer l'histoire pour qu'elle s'insère entre deux chapitres du deuxième album, et l'on comprend parfaitement pourquoi ce récit n'a pas influencé la trame principale. Tout est justifié.
Et de plus, le dessin, en mettant en scènes ces héros, nous offrent des références à tire larigot. Il n'y a qu'à s'amuser à identifier les différents cadavres de la couverture pour s'amuser.

Conclusion d'une BD qui tue, beaucoup:

Avec ce nouvel opus, c'est un pavé dans la mare qui est jeté. On rit énormément, on esquive beaucoup de sang au détour de pages tranchantes, et en plus, on réfléchit sur le sens de nos vies avec un de nos héros préférés, la Petite Mort.

Zéda croise la Petite Mort !