J’entendais parler depuis longtemps de Kobayashi Issa (1763-1827), dit plus simplement Issa, l’un des trois grands poètes du haïku classique, aux côtés de Bashô (1644- 1694) et de Buson (1716-1784). Grâce à mon amie Pascale, spécialiste de littérature japonaise, j’ai pu lire ce magnifique livre : Mon année de printemps, qui mêle le récit autobiographique du poète avec des haïku inspirés de son existence quotidienne, de sa vie familiale, de la vie animale environnante, ou encore de ses voyages, etc.
Cette « année de printemps » correspond à l’année 1819, le poète avait alors cinquante-sept ans, et c’est à ce moment qu’il perdit sa fille de cinq ans à cause de la variole – un deuil qu’il relate d’une manière extrêmement émouvante et même poignante.
Cet ouvrage était paru aux éditions Cécile Defaut en 2006, avec une traduction, des annotations et une présentation de Brigitte Allioux.
Quatrième de Couverture
Venu des profondeurs de la sagesse paysanne des montagnes de Nagano, et comme sublimé par la longue traversée de terribles épreuves, le sourire d’Issa dans cette année de printemps renvoie, fugitivement peut-être, à des rêves de paradis perdus. Ce chemin de poésie nous fait contemporain d’une vie où bonheurs et malheurs s’entre-mêlent, mais dont l’obstination à dépasser – toujours consciente – le quotidien, nous fait entrevoir une belle leçon de sérénité.
Note Biographique sur le poète
Recueil de haïkus ponctuant le journal d’une année. Son auteur, Kobayashi Issa (1763-1827), un des trois grands poètes du haïku classique, oublié pendant un temps puis redécouvert au début du XXe siècle, renouvelle la création poétique par son rapport à la nature, aux paysages, aux saisons, par son empathie extrême avec le petit peuple, par son regard sur les êtres vivants tout empreint d’une foi profonde en un Amida salvateur.
(Source : éditeur)
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EXTRAITS DU LIVRE : Textes et haïkus
3.
À ma place
prenant un bain dans l’eau neuve
un corbeau
*
5.
Au-dessus des montagnes
même au voleur de fleurs la lune
accorde sa lumière
*
Panorama d’Ueno :
14.
À l’ombre des cerisiers en fleurs
personne
n’est étranger
*
La rivière Tama :
18.
Se joignant à la brume printanière
s’envolent
les draps blanchis
*
Méditation solitaire :
20.
L’un en face de l’autre
une grenouille et moi
sans rire nous nous fixons
*
Après la maladie :
41.
Tout de poussière
tout vaporeux je suis
comme la moustiquaire
*
64.
Pousses de bambou
si les hommes n’étaient pas
vous fleuririez
*
94.
Sereine
une grenouille
regarde la montagne
*
104.
Sur les feuilles de lotus
la rosée de ce monde
est déformée
*
111.
Je suis comme la carpe qui vit
sous les fagots et les herbes emmêlées
cœur candide que faire
*
Extraits de Histoires glanées à Gion :
137.
Un serviteur
furtivement
la tête baissée
*
Pour fêter l’avenir de mon enfant :
148.
Que d’espoir !
son premier habit
est devenu trop petit
(…)
Mais en vain, elle s’affaiblissait de plus en plus, notre espoir s’amenuisait de jour en jour, et finalement elle s’éteignit avec les liserons le vingt-et-unième jour du sixième mois. Sa mère embrassait son petit corps froid et sanglotait éperdument.
Dès lors, comme l’eau qui coule ne revient, ni les fleurs tombées ne remontent sur leurs branches, bien que je me montre résigné, il m’ est difficile de ne plus songer à ce lien d’amour.
171.
Ce monde de rosée
est un monde de rosée
et pourtant pourtant…
Nuit où ma fille fut enterrée :
174.
Nuit des grues
je ne peux même pas mettre
une couverture à la terre
Kikaku
*
213.
Le pivert
considère avec attention
le bois de ma chaumière
*
Trente-cinq jours après la mort de ma fille Sato :
219.
Vent d’automne
les fleurs rouges
qu’elle aimerait arracher
*
J’ai vu une éclipse de lune. La lune a commencé à disparaître par la droite vers la dixième heure de l’après-midi, et a atteint son apogée à minuit.
225.
Les spectateurs
plus vite que la lune
s’éclipsent
*
264.
Sans talent
mais sans crime
retraite d’hiver
*
266.
On dit ceci, cela
mais ça ne dure pas
bonshommes de neige
*