Revenue à la compétition le mois dernier après plus d'un an d'absence, la quadruple championne de Grand Chelem traîne son spleen en attendant qu'une bonne étoile veuille bien lui offrir un tirage au sort plus clément qui lui permettrait d'enchaîner les matches et ainsi retrouver le rythme. Mais, Naomi Osaka n'a-t-elle pas fait le mauvais choix en participant tout de suite aux plus gros tournois alors qu'elle aurait pu opter pour un retour plus progressif ?Quatre matches disputés, une victoire pour trois défaites, zéro sur trois dans les jeux décisifs, un 6-0 encaissé et un seul set gagné. C'est pour le moment le bilan de Naomi Osaka en trois tournois (Brisbane, Open d'Australie, Abu Dhabi) depuis son retour à la compétition début janvier. Bien sûr, tout le monde dira, à juste titre, qu'il est beaucoup trop tôt pour juger. La japonaise, qui n'était plus apparue sur le circuit depuis le tournoi de Tokyo en septembre 2022, a apporté bien des changements dans sa vie. Elle s'était éloignée du monde sportif et des médias pour soigner le mal-être qui la rongeait intérieurement et en avait profité pour mettre au monde son premier enfant.
Néanmoins, sa stratégie de retour interroge. Lorsqu'elle a annoncé reprendre la compétition à partir de janvier 2024, la japonaise ambitionnait clairement de jouer beaucoup de tournois afin de retrouver la constance qui lui avait permis de briller dans les tournois du Grand Chelem entre 2018 et 2021. Elle a donc accepté les invitations que les organisateurs lui ont accordées à Brisbane et Abu Dhabi, tandis qu'entre ces deux tournois, elle utilisait son classement protégé pour rentrer directement dans le grand tableau de l'Open d'Australie. Là réside sans doute son erreur. En effet, plutôt que de participer d'emblée à de grosses épreuves réunissant les meilleures joueuses de la planète, n'aurait-il pas été plus judicieux de sa part d'opter pour une approche plus en douceur ? Pour étayer nos propos, prenons un exemple concret, qui est un cas d'école, celui d'Elina Svitolina. Durant un an, entre mars 2022 et mars 2023, l'ukrainienne n'avait plus joué en compétition officielle. À son retour, elle a commis la même erreur qu'Osaka en décidant de reprendre dans un WTA 500, en tant que wildcard, au tournoi de Charleston. Résultat : défaite au premier tour contre la coriace Yulia Putintseva (à qui elle parvenait tout de même à prendre un set). Svitolina a alors totalement modifié son approche en allant jouer deux épreuves du circuit secondaire en Suisse et au Portugal. Si l'expérience ne fut pas franchement concluante sur le plan purement sportif, elle a tout de même pu retrouver quelques sensations qui lui ont permis d'aborder Roland-Garros 2023 à la 192e place alors qu'elle n'était plus classée au moment de son retour. Avant d'arriver Porte d'Auteuil, elle avait atteint les demi-finales à Saint-Malo (WTA 125) et surtout remporté les Internationaux de Strasbourg (WTA 250). Ses performances à Paris, à Wimbledon (où elle se hissait en demi-finales) et cette année à Auckland (finaliste) lui ont ainsi permis de retrouver le top 20 en moins de temps qu'il n'en faut. C'est donc une approche finalement plus réfléchie, plus posée, plus douce qui a fait que Svitolina ait pu remonter la pente malgré une absence prolongée.
Naomi Osaka aurait peut-être dû choisir une approche similaire. Son classement actuel (747e) peut lui permettre de redescendre d'un échelon en allant jouer des WTA 125 ou 250, histoire de se remettre dans le bain de façon plus progressive. Elle a aussi l'occasion, pourquoi pas, de participer à des tournois ITF dans lesquels elle pourrait mieux se jauger en attendant de retrouver les sphères supérieures. Cependant, elle ne semble pas décidée à le faire pour le moment puisqu'elle a récemment accepté l'invitation que lui a faite le tournoi WTA 1000 de Doha où elle hérite encore une fois d'un tirage difficile avec un affrontement contre la française Caroline Garcia au premier tour.
L'ex-numéro une mondiale est bien entendu un exemple parmi tant d'autres, la même interrogation se posant pour des joueuses revenues cette année, comme Angelique Kerber et Emma Raducanu, qui peinent elles aussi à obtenir des résultats en ayant fait ce choix désastreux de reprendre illico presto dans les plus gros tournois alors que des opportunités intéressantes pourraient se présenter pour elles dans les cercles inférieurs. Une suppression de l'injuste règle du classement protégé pourrait-elle les inciter à revoir leur stratégie ? Nous n'en sommes pas là. En attendant, Osaka et les autres vont devoir sérieusement réfléchir à des alternatives si elles ne veulent pas connaître de cruelles désillusions.