Backyard Country Family Band au Barbe à Plouha, le 10 février 2024
michel
Not in My Backyard!
Bordel, personne n'a l'intention d'envahir ta propriété merdique, c'est au Barbe que ça se passe: le Backyard Country Family Band a la ferme intention d'embraser le bouchon breton.
Comme c'était le premier concert de 2024 dans le bar, le public a répondu en masse et a fait preuve d'un enthousiasme dévastateur, c'était comme si Taylor Swift était descendue à Plouha!
Tu t'attendais à admirer une flopée de pickup trucks poussiéreux sur les places de parking avoisinant l'église du bourg, pas un seul à l'horizon , les American farmers sont-ils passés à l'électrique?
Euh, fiston, tu dérailles, le Backyard Country Family Band n'est ni originaire du Tennessee, ni de l'Alabama, t'as peu de chances de les croiser sur la Route 66, par contre tu pourrais les apercevoir sur la RN 249, ils affirment venir du 44 ( on ne te cause pas du digestif à base de Calvados et d'oranges).
Le groupe existe depuis trois ans , il distille un bluegrass authentique, donc essentiellement acoustique, si t'es fan de techno, tu changes d'épicerie.
Comme carte de visite , ils ont manufacturé un EP, baptisé 'Appalaches' .
Cast:
chant et line dance en solitaire: Laura/ banjo et chant: Séverin ( Cadavre, Epaule de Singe)/ Matthieu au chant et à la ( lead) guitare acoustique (Epaule de Singe, Cadavre),/ Yann, guitare ac et chant ( Cadavre) et les frangins Gweltaz à la contrebasse et Ronan au mini kit de batterie, des jeunes gens ayant fait partie du groupe Ma Valise.
Le banjo tire sur le choke, bien utile pour le démarrage à froid, et c'est parti pour un premier tune instrumental fringant, la petite Laura, coiffée cowgirl, vient d'entamer une Cheyenne pas chienne, elle ne s'arrêtera de danser que pour pousser la chansonnette.
La température vient de monter d'un cran et, à ton grand désarroi, tu constates que le comptoir est devenu quasi inaccessible, sauf si tu décides de te créer un passage au forceps.
Laura et Séverin se partagent les lead vocals sur 'Jambalaya', les guitares assurent les backings, Ronan fait boum boum boum, Gweltaz clac, clac, clac... ça remue dans le bayou!
C'est pas Johnny, ni The Animals, qui ont composé ' The house of the rising sun', il semblerait que les origines du traditionnel sont à chercher dans les Appalaches, mais si on en croit Alan Lomax, il faut remonter au 17è siècle et traverser les océans jusqu'au UK pour retrouver la genèse du morceau.
La version des Nantais est nettement plus sautillante que celle chantée par l'incroyable Eric Burdon.
Les premiers yee-haws fusent derrière toi.
Hank Williams a composé la valse ' I'm so lonesome I could cry' en 1949, si tu veux du kitsch, on te propose l'adaptation française de Dominique Michel, ' Je crois que je vais pleurer'.
Kleenex au bar!
Ils attribuent ' John the Revelator' à Son House, mais il existe une version antérieure signée Blind Willie Johnson, ce soir c'est le banjo, accompagné par les handclappings de la famille, qui habille le gospel.
T'as pleurniché quand t'as entendu Marlon Williams interprété ' When I was a young girl' , le groupe vient d'inclure cette ballade folk à son répertoire, le solo piquant de Matthieu a fait forte impression.
Retour vers les Appalaches pour une version leste de ' Shady Grove' qui précède le blues sinistre de Son House ' Death letter blues' .
La suivante aussi t'a fait pleurer quand tu l'as entendue au soundtrack de 'The Broken Circle Breakdown', un film inoubliable, tout comme la chanson 'Wayfaring Stranger'.
Laura la chante d'une voix si grave qu'elle a ému bon nombre de paroissiens laïques.
Grosse claque avec la reprise des Stones, 'Dead Flowers' , une version empreinte de feeling, malgré un léger couac qui a fait sourire le banjo.
Une trompette buccale amorce ' Sitting on top of the world' des Mississippi Sheiks, des gars moins fortunés que le Sheik of Araby.
Et on poursuit avec une bonne dose d'outlaw country, ' Cruel, cruel world' de Willie Nelson, avant un détour par le pénitencier: ' Folsolm Prison Blues' de Johnny Cash .
Pour ' Further on up the road', la voix nasillarde de Laura est contrecarrée par le timbre grave de Matthieu.
Cette version s'avère plus proche de la ballade de Bobby Bland que du blues rock de Clapton.
Le plus grand tube du Old Crow Medicine Show est ' Wagon Wheel', ils ont eu la bonne idée d'allonger le couplet que Bob Dylan avait composé pour la bande-son de "Pat Garrett and Billy the Kid" pour en faire un disque platine.
Un superbe titre!
Qui dit bluegrass, pense Bill Monroe, son 'My rose of old Kentucky' continue à fleurir malgré les pesticides et la piètre qualité de l'air.
La vie d'un mineur, par contre, n'est pas rose, Merle Travis a écrit ' 16 tons' en 1946, the song became a gold record, mais les coal miners n'en ont jamais profité.
Malgré une corde brisée, la lead guitar place quelques riffs hargneux avant de profiter d'un blanc pour procéder au rafistolage.
On brode, imagine Séverin, avanti pour un instrumental débridé.
Les broncos au galop cavalent, Messala enrage!
Ready, qu'il dit, it's time to rock: Carl Perkins déboule, chaussé de ses ' Blue Suede Shoes' .
Sur la lancée Johnny Burnette saute dans le ' Midnight train' après avoir buté le shérif.
Aucun confort dans ces wagons, t'es secoué de partout!
Si pour toi Link Wray , c'est le rockabilly métallique ' Rumble', il faut te dire que le gars de Caroline du Nord a aussi écrit quelques grands country tracks dont 'Black river swamp', poisseux à souhait.
Nirvana avait repris ' Where did you sleep last night' ( ou ' In the pines') , ce traditionnel du 19à siècle était déjà au répertoire de Leadbelly ou Bill Monroe bien avant la naissance de Kurt Cobain.
'This land is your land' du hobo Woody Guthrie est devenu l'hymne national de la révolte aux States, en opposition à God bless America.
Le refrain, repris en choeur par les Bretons, a résonné jusque dans les oreilles de Trump.
Une invitée, ce soir, Adèle, from Illinois , première chanteuse du groupe, se joint à ses ex-compagnons pour deux titres devant clôturer le set: ' Jackson', un gros hit à la fois pour Nancy Sinatra/ Lee Hazlewood et June Carter/Johnny Cash, et 'Will the circle be unbroken' popularisé par The Carter Family.
Grosse ambiance dans le troquet , heureusement le groupe avait prévu un dessert, le lament ' Alone and Forsaken' de Hank Williams, une première sur scène pour eux et une version nerveuse de ' Shady Grove' .
Un concert de près de 2 heures, mais comme le chantait Jean Ferrat, avec le Backyard Country Family Band 'On ne voit pas le temps passer' !