L'activité de Tina Modotti en tant que photographe n'aura duré que 7 ans. Pourtant elles concentrent tous les grands mouvements politiques et culturels du début du 20° siècles et annoncent certaines des problématiques les plus aiguës de notre temps
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"I try to produce not art but honest photographs, without distortions or manipulations." - Tina ModottiTina Modotti après avoir été oubliée par l'histoire de l'art fut, à partir des années 1970, redécouverte à la fois comme modèle et égérie d'Edward Weston, mais aussi progressivement en tant que photographe femme accomplie et figure féministe, par son indépendance, son anticonformisme et sa liberté sexuelle et amoureuse quand bien même elle n'ait jamais été explicitement une militante féministe, combat qu'elle subsumait probablement à son engagement communiste.
Photo Johan Hagemeyer. Portrait de Tina Modotti. San Francisco, 1921.Un autre aspect fascinant de l'histoire personnelle de Tina Modotti réside dans son parcours individuel. En effet, fille d'une famille ouvrière italienne pauvre du Frioul, elle connut la misère matérielle, elle subit la domination de classe et l'exode massif des émigrés italiens du début du 20° siècle pour parvenir assez rapidement à un statut social tout autre, celui des élites intellectuelles des années folles.
Tina Modotti est une transfuge de classe. Transfuge de classe dans laquelle Annie Ernaux pourrait voir une figure exemplaire. Alors que l'on associe fréquemment à la notion de transfuge social, celle de honte, de ses origines, de son ascension elle-même, d'une forme inversée et ascendante (socialement) de déclassement, de ne pas être à sa place d'où l'on vient et où l'est parvenu, on ignore si Tina Modotti vivait dans son for intérieur ce trouble et ce déchirement.
Ce que l'on sait avec évidence, au regard de son parcours, est qu'elle resta toujours fidèle à ses origines en s'engageant passionnément dans le communisme et une volonté de se défaire de ce que la beauté physique peut apporter socialement, mais qu'il faut ou faudra payer à un moment ou un autre.
Malgré son ascension sociale, Tina Modotti aura toujours voulu réparer l'injustice sociale, matérielle et culturelle.
Annie Ernaux notait dans son journal intime " J'écrirai pour venger ma race. " faisant écho à Rimbaud : " Je suis de race inférieure de toute éternité. " (Mauvais sang) ; Tina Modotti a voulu également, dans un premier temps témoigner par la photographie, puis par le combat politique "venger sa race", celle des dominés, des invisibles.
Photo Edward Weston. Tina Modotti.Tina Modotti (née en 1896 à Udine, Frioul, Italie) est issue d'une famille unie mais pauvre sinon miséreuse. Son père est un ouvrier ambitieux et militant socialiste qui cherche à s'extraire de sa condition. Après avoir émigré en Carinthie (Empire austro-hongrois), où Tina poursuit sa scolarité, le chômage contraint la famille à revenir en Italie. Finalement la décision est prise de faire le grand saut aux Etats-Unis comme tant d'autres ouvriers italiens. Guiseppe Modotti part donc en éclaireur avec l'espoir de pouvoir faire venir rapidement sa famille.
Les enfants restés seuls avec leur mère, la vie devient très difficile. Pour subvenir aux besoins élémentaires de sa mère et ses frères et sœurs Tina abandonne l'école et travaille - à l'âge de 12 ans - en usine, chez Domenico Rayser et Fils, une fabrique de soie.
A 17 ans elle émigre au États-Unis pour rejoindre son père à San Francisco qui a fini par atteindre une relative réussite sociale après avoir tenté vainement sa chance à New-York.
Alors débuta pour Tina Modotti une ascension sociale fulgurante. Elle le dut, pour partie, à son envoutante beauté, sombre, mélancolique.
Rencontre avec Robo, les années folles et la bohème
Tina Modotti connait à San Francisco un parcours rapide qui la conduira vers une tout autre vie. Elle fut tout d'abord couturière pour le prestigieux magasin de mode I. Magnin, puis mannequin de présentation des dernières créations à la mode, comédienne de théâtre dans la communauté italienne de San Francisco, puis actrice pour le cinéma ce qui l'amène à rallier Los Angles en 1918.
Lors d'une visite à l'Exposition universelle de 1915 se tenant à San Francisco qui commémore l'inauguration du canal de Panama et la reconstruction de la ville après le séisme de 1906, Tina Modotti rencontre Roubaix de l'Abrie Richey dit Robo. Un jeune artiste dandy, d'une excentricité toute romantique. Elle se marie avec lui en 1917.
Cette rencontre changera tout pour Tina en lui ouvrant les portes d'un monde jusqu'alors inaccessible, celui de la bourgeoisie bohème, des artistes, des gens de culture aux aspirations autres que matérielles. A son contact elle franchit le seuil d'une classe sociale pour laquelle le monde ouvrier est, ou invisible, ou abstrait, ou idéalisé. Elle rencontre quantité de créateurs, d'intellectuels, de discoureurs, artistes et photographes dont Johan Hagemeyer et Edward Weston (ami proche de Roubaix de l'Abrie Richey). Elle pose pour l'un et l'autre.
Tina Modotti à Hollywood" Il s'agissait alors d'une vie nouvelle pour moi, entre artistes. La vie artificielle de la bohème, à laquelle je m'adaptai pleine de curiosité et où, pleine de bonne volonté, j'essayai de me cultiver. J'écoutais parler les autres d'auteurs que je ne connaissais pas et de livres que je n'avais pas lus, ceux de Marx, Lénine, Trotski. En réalité, nous parlions très peu de politique. Il s'agissait plutôt de discussions de salon. Tous ces gens croyaient vraiment en la révolution, il n'y avait aucune malhonnêteté de leur part, mais leur engagement se limitait à de belles déclarations et à un soutien de pure forme. Rien de très sérieux. On mangeait, on buvait beaucoup, on dansait et on chantait. Chacun apportait ce qu'il pouvait : un tableau, un dessin... On récitait des poèmes, on lisait le manuscrit d'un roman en cours qui ne serait peut-être jamais publié... En réalité, tout ça ne m'a pas laissé de très bons souvenirs. Il s'agissait oui, de quelque chose de très superficiel et, d'une certaine façon, cette manière "bohème" de considérer la vie avait quelque chose de vain et de prétentieux. " - Margaret Hooks. Tina Modotti, Amour, Art et Révolution.
Ces propos sont prêtés à Tina Modotti et rapportés par Vittorio Vidali, son dernier amant, un stalinien convaincu. Il faut donc relativiser le jugement qu'aurait porté Tina sur ses années folles de jeunesse. Cela donne néanmoins un aperçu de la vie de bohème qu'elle a mené à San Fransico puis Los Angeles avec Robo, son mari, en "compagnie", notamment, d'Edward Weston et Johan Hagemeyer, ses trois amours du moment. On peut néanmoins y voir le soupçon de la "honte" qui saisit les transfuges de classe. On n'en sait rien de plus !
Tina Modotti à HollywoodQuant à la description de sa vie à Los Angeles on y voit décrit l'effervescence typique des années 20 où entre prohibition et puritanisme, on rencontre un mouvement réel d'émancipation des femmes, une liberté sexuelle exubérante, tout du moins dans les milieux de la culture et de l'industrie naissance du divertissement de masse, l'anticonformisme le plus poseur, des artistes et acteurs à profusion. C'est particulièrement vrai à Los Angeles où Hollywood, la future Mecque du cinéma mondial, connait ses premiers pas balbutiants et euphoriques.
Tina Modotti se plongea dans cette nouvelle vie avec une grande énergie, une soif insatiable d'apprendre, tout en étant en proie, sinon à la honte sociale, tout du moins au désarroi face à la désinvolture des privilégiés et le conflit intime d'être là sans "en être" !
Il n'en demeure pas moins que la superficialité du cinéma et les compromissions qu'il suppose l'éloigne de cette carrière. La photographie sera sa nouvelle passion.
Indépendante bien que pas explicitement féministe, Tina Modotti s'attachera toute sa vie à conserver son autonomie économique, affective, sexuelle et sociale. Le milieu du cinéma suppose trop de renoncements, et déjà l'on peut lire dans certains témoignages de Tina son désir de réussir par son travail, son mérite et non en jouant de sa féminité, d'emprunter la voie que lui offre un patriarcat puissant aux attraits trompeurs.
Tina Modotti et Edward Weston, de l'égérie à la photographe
Photo Edward Weston. Tina Modotti.En 1921 Tina Modotti rencontre Edward Weston et devient immédiatement son égérie, puis son amante.
En 1922, après le décès prématuré de Robo atteint de variole, la jeune veuve part pour organiser la succession. Edward Weston père de 4 enfants et encore marié la rejoint.
C'est à Mexico que le chef de file de la Nouvelle Objectivité américaine désignée sous l'appellation de " straight photography " ou " photographie pure " a réalisé les fameux nus de Tina Modotti et nombre de portraits tout aussi connus. Photographies qui éclipsèrent le travail personnel de Tina Modotti.
Parmi les images que l'on connait de Tina Modotti, il y en a très peu qui échappe à son charisme farouche et mélancolique.
Quand elle pose nu, elle est plus sculpturale que lascive. Edward Weston évidemment applique son formalisme habituel. Il y a une distance infranchissable entre la chair et l'objectif. Parmi les nus du photographe américain ceux de Tina Modotti sont les plus éloignés de toute érotisation. Tout en étant moins fragmentaires. En effet dans la majorité des nus de Weston il y a une volonté d'abstraction fréquemment assez charnelle, à fleur d'épiderme. On ne voit que rarement le visage du modèle.
Photo Edward Weston, Dr. Federico Marín, Jean Charlot, and Tina Modotti, 1925. Dessin Jean Charlot. Portrait de Tina Modotti. 1924.Dans le cas de Tina Modotti le visage est montré. Les yeux souvent fermés (à la demande expresse d'Edward Weston !), sans échange avec le photographe, encore moins avec le regardeur. Pourtant ces clichés, pris à Mexico, sur la terrasse de leur maison, où Tina avait l'habitude de prendre des bains de soleil ou faire la sieste nue, exaltent la beauté entière du modèle, dans une réserve délicate, indolente, un spleen hédoniste.
Edward Weston. Tina Modotti, 1924. Photos Edward Weston. Tina Modotti.F/64 et les débuts formalistes de Tina Modotti
Tina Modotti en échange de ses séances de poses obtint d'Edward Weston d'être son assistante. Sous la direction de son amant elle apprend très vite et entreprend de construire sa propre voie de photographe, tout d'abord sous l'influence du formalisme du maître.
Edward Weston, en 1932, sera avec Anselm Adam le fondateur du groupe f/64 (la plus petite ouverture de diaphragme des chambres noires, " camera obscura ", et donc l'obtention d'une grande profondeur de champ, accompagnée des corrections de perspectives autorisée par les soufflets) qui promouvra une photographie opposée au pictorialisme, mais aussi éloignée de tout sentimentalisme, exaltant la technique et chez Anselm Adams une vision proche du Transcendantalisme américain ( voir nos articles sur Sally Mann et Emmet Gowin).
Ce groupe de photographes est à rattacher à la S traight Photography elle-même très influencée par la Nouvelle Objectivité européenne et la Nouvelle Vision (voir nos articles sur la Photographie Objective, ses tenants et aboutissants). Cette école est également à considérer sous l'aura dominante du Bauhaus dans les années 1920 et plus tard.
Chez Weston l'aspect géométrique, composé, abstrait et dépersonnalisé est prégnant. Le souci premier du photographe est la forme et la texture, la lumière et une technique photographique irréprochable. Pourtant un érotisme permanent parcourt une grande partie de l'œuvre de Weston, des légumes ou fleurs évocateurs en passant par les nus aux épidermes et tessitures mis en valeur, quoique sans visage, voire sans tête. L'art du photographe américain est purement formaliste et du point de vue d'une Tina Modotti trop désengagé socialement.
Cependant l'apprenti photographe débutera par des travaux formalistes parfois difficile à distinguer du travail de son amant, d'autant plus qu'ils photographiaient aux mêmes endroits, au même moment. Chez Modotti on distingue néanmoins quelques détails plus anecdotiques et sensuels, et la survenue de sujets, notamment d'ouvriers mexicains. L'écart est donc présent depuis les tous débuts. Il ne fera que se creuser.
Photo Tina Modotti Edward Weston/Tina ModottiTina Modotti et la photographie engagée
Son engagement politique et sa propre histoire conduisent assez rapidement Tina Modotti à s'orienter vers des travaux plus sociaux et politiques.
En 1925, alors qu'elle est de passage à San Francisco pour voir sa mère, elle rejoint un cercle de photographes exclusivement féminin à travers lequel elle rencontre Imogen Cunningham et Dorothea Lange laquelle lui propose d'exposer sa photographie "Verres" à la Mills Gallery. Il n'est pas impossible qu'elle ait été confortée dans son désir de se libérer la manière d'Edward Weston.
De retour au Mexique elle empruntera définitivement sa propre voie en photographie, celle qui la relie à son passé d'ouvrière, son milieu social d'origine, la misère qu'elle a connue. Il y a dans ce parti pris à la fois de l'empathie pour son sujet et de la solidarité, probablement viscérale. Ou comment "venger sa race".
Pour autant elle ne renonce pas totalement au formalisme. Avec son énorme Graflex hors de question de prendre des clichés à la dérobée, ou selon des axes audacieux qui commencent pourtant à faire fureur en Europe à travers le mouvement de la Nouvelle Vision et la mise sur le marché des premiers Leica.
GraflexDans l'impossible conciliation technique et pratique d'une photographie de l'événement sur le vif et les cadrages propres à la Straight Photography certains des clichés de Tina Mondotti manquent de la netteté si caractéristique du groupe F/64.
Deux photographies emblématiques de la fin des années 1920 représentent parfaitement le dilemme qui ira croissant dans la démarche photographique de Tina Modotti ; comment faire de la photographie sociale engagée dans le cadre d'une approche formelle désengagée pour ne pas dire bourgeoise ?
Photo Tina Modotti Photo Tina ModottiCes deux photos sont d'autant plus symptomatiques qu'elles représentent la marche des ouvriers agricoles du 1° mai. Un événement lourd de signification personnelle pour Tina Modotti puisque son père avait l'habitude d'y conduire sa fille.
Tout est ici réuni. Le rappel des origines sociales, la profonde solidarité avec les déshérités, la lutte politique, l'engagement, le rejet de l'art pour l'art, et l'attachement à une esthétique qui n'est pas en adéquation à moins d'entreprendre comme Sanders un travail documentaire à la chambre. Or Tina Modotti veut faire de la photographie un outil de combat politique.
A travers la presse, notamment le magazine El Machete, qui devait être accessible aux ouvriers agricoles pour la plupart illettrés, les images, presque graphiques parfois, de Tina Modotti conviennent parfaitement, mais pour saisir la vie des champs et des rues sur le vif des classes sociales délaissées, son approche s'avérait pour le moins peu pratique, voire peu cohérente.
Photographies de Tina Modotti parues dans la presse militante.Tina Modotti et le militantisme communiste, l'abandon de la photographie
La photographie ouvrière et l'abandon de la photographie
En 1926 Tina Modotti voyage avec Edward Weston dans le centre du Mexique, afin de réaliser les illustrations photographiques du livre d'Anita Brenner, Idols Behind Altars.
A partir de 1926 la photographie de Tina Modotti connaît un tournant qui la conduit à quitter le formalisme pur pour aborder une démarche à la frontière du journalisme, du documentaire et de l'engagement politique.
Tina Modotti croit encore que la photographie peut être performative, qu'elle peut être un moyen d'éveiller les consciences de classe et contribuer au combat politique contre la domination des grands propriétaires mexicains et du capitale en général.
Son travail photographique parvient à maturité. La symbiose entre la rigueur de la Straight Photography et le témoignage engagé en faveur des déshérités trouve son plein équilibre. Elle est néanmoins consciente de l'inadaptation de ses moyens de captation et de son approche artistique avec le sujet qui la préoccupe. Elle s'en plaint à Weston dans plusieurs lettres, alors que ce dernier est rentré seul aux Etats-Unis. Ils ne se reverront plus.
Photo Tina ModottiElle fera plusieurs autres "reportages" de photographie politique, ainsi qu'elle désigne elle-même sa photographie, en pays Tehuantepec notamment, en centrant son travail sur les femmes de la région qui illustre à ses yeux le courage et la force de femmes au travail, relativement indépendantes, aux antipodes de la féminité exaltée habituellement, qui devait lui rappeler les ouvrières de son enfance.
En 1927, Tina Modotti adhère au parti communiste mexicain et travaille pour El Machete. Sa photographie, devient effectivement performative, et prend alors la forme de slogans politiques.
En 1929, après l'assassinat de Julio Antonio Mella (fondateur du Parti communiste Cubain), son grand amour, et, en 1930, son arrestation dans le cadre d'un attentat contre le tout récent président Pascual Ortiz Rubio, Tina Modotti est expulsée du Mexique. Elle rejoint Berlin.
Photographie : Tina Modotti. Le texte présent sur la machine à écrire d'Antonio Mella semble être de Trotski. Ce qui faisait de Mella un ennemi des staliniens dont Antonio Vitalli, le dernier compagnon de Tina Modotti. Photo Tina Modotti. Portrait de Julio Antonio Mella, 1928.Bien qu'elle parvienne à devenir membre d'Unionfoto, agence chargée de diffuser les images des travailleurs, qu'elle soit publiée dans AIZ et dans Der Arbeiterfotograf, la déconvenue est totale.
Le marché de la photographie est extrêmement concurrentiel. Elle se sent incapable de se reconvertir à la photographie de reportage qui est devenue possible grâce à l'apparition des premiers appareils légers, le Leica. L'idée d'une photographie politique est déjà une réalité, en particulier à travers ce qu'on appelle la Photographie Ouvrière.
leicaEn effet, en Europe, depuis les années 1920, la photographie est considérée comme un des moyens de promouvoir la victoire dans la lutte des classes. Les ouvriers équipés d'appareils maniables documentent leur quotidien, au travail comme dans leur temps de loisir. Tina Modotti avec son Graflex, son approche lente et structurée, les procédés de développement et, surtout, son cadre mental est totalement dépassée. Elle ne se reconnait dans aucun des grands courants de l'époque. Le réalisme social et strictement documentaire d'August Sander, les expérimentations du Bauhaus (László Moholy-Nagy), la Nouvelle Objectivité ou la Photographie Ouvrière.
De cette époque on ne connait de Tina Modotti que trois clichés !
" On m'a proposé de faire du "reportage" ou de travailler pour des journaux, mais je ne me sens pas vraiment faite pour ce genre de chose. Je suis toujours convaincue que c'est un métier d'homme, même si beaucoup de femmes le pratiquent : peut-être en sont-elles capables, mais moi, je ne suis pas assez agressive. " - Cortanze, Gérard de. Moi, Tina Modotti, heureuse parce que libre.
Tina Modotti se lancera dorénavant à corps perdu dans le combat politique. Elle gagne Moscou accompagnée de l'activiste italien Vittorio Vidali, devient membre du parti soviétique, adoptera la citoyenneté russe et se consacrera sans réserve à sa fonction pour le Secours rouge international, jusqu'à refuser le poste de photographe officiel pour des raisons qu'on ne connait pas.
De 1935 à 1936, elle participe à la guerre d'Espagne dans le cadre du Secours rouge espagnol où elle croisera Gerda Taro qui connut un effacement similaire, voire plus radical encore que Tina Modotti concernant son travail de photographe.
Après un passage à Paris, un retour aux Etats-Unis où elle est refoulée elle revient au Mexique accompagnée de Vittorio Vidali. Elle vit dans un relatif isolement et des conditions de vie difficile.
Elle meurt, dans un taxi, le 5 janvier 1942, à l'âge de 45 ans, d'un arrêt cardiaque.
Photo Edward Weston. Tina Modotti." Lorsque je veux me souvenir de Tina Modotti, je dois faire un effort, comme s'il s'agissait d'attraper une poignée de brouillard fragile, presque invisible. L'ai- je connue ou ne l'ai- je pas connue ? " - Pablo Neruda
L'activité de Tina Modotti en tant que photographe n'aura duré que 7 années. Pourtant en observant son corpus et sa biographie, sa vie semble concentrer tous les grands mouvements politiques et culturels du début du 20° siècles et annoncer certaines des problématiques les plus aiguës de notre temps.
" La vie paraît si triste quand on jette un regard derrière soi. Quoi qu'il en soit, la vie pour moi est toujours triste, parce que même dans l'instant présent je revois le passé. J'ai probablement un esprit décadent et ces réflexions ne font que l'alimenter, pourtant je sens que ce n'est qu'en revivant le passé que nous pouvons nous venger de notre nature."
Lettre de Tina Modotti à Johan Hagemeyer, du 17 septembre 1921, citée par Margaret Hooks dans Tina Modotti, Amour, Art et Révolution.