Yannick Haenel Bleu Bacon

Par Bustos

La peinture est partout présente dans les livres de Yannick Haenel. Elle est, comme la littérature et la philosophie une présence constante et familière ; une sorte de source inspirante.

La peinture italienne au premier chef puisqu’il a consacré un livre entier au Caravage, et un autre à la recherche de la lumière idéale qui éclaire et permet de mieux comprendre l’Annonciation de Fra Angelico au couvent San Marco de Florence. Mais il faut noter aussi un texte sur les tapisseries de la Dame à la licorne ou encore un court mais intense récit sur Delacroix.

Il faut aussi compter avec la peinture contemporaine avec des références notamment à Cy Twombly ou bien encore Francis Bacon qui nous occupe présentement.

A chaque fois que Haenel parle de la peinture, un même élan semble animer ses phrases, une même quête : la recherche du désir, l’élan du désir comme source d’inspiration. Comme si la peinture, les formes, l’intensité des couleurs était propre à provoquer, à allumer le désir en lui.

C’est encore une fois ce qui est à l’œuvre dans ces pages sur Francis Bacon, ce livre magnifique qui est le récit d’une nuit de la transfiguration.

En 2019, lors de l’exposition Bacon en toutes lettres au Centre Georges Pompidou, Haenel s’est laissé enfermer toute une nuit dans les salles obscures de l’exposition.

Bleu Bacon est le récit qui relate cette « expérience d’intensité ».

Ce qui est frappant et qui est particulièrement réussit dans ce récit c’est la façon dont Haenel prend le contre-pied de la doxa pour évoquer Francis Bacon. Il l’extirpe du lieu commun dans lequel il est encore trop souvent consigné ; et sous les mots de Haenel, il n’est plus seulement ce peintre de la violence, de la souffrance, des quartiers de viande mis à nus dans des explosions de couleurs ou bien encore des portraits d’hommes et de femmes hurlants.

Haenel va chercher au cœur même des toiles et dans les éléments biographiques du peintre ce qu’il y a de réconfort, de joie et de lumière.

En fait il nous donne à voir cette peinture non pas en critique ou en historien de l’art, mais en poète.

C’est-à-dire en se plaçant et en positionnant le lecteur au cœur de l’œuvre, au plus profond du brasier Bacon et dans la violence des couleurs.

« La peinture C’est comme la poésie, c’est de l’âme, pour l’âme ». C’est fort de cette conviction que Haenel nous parle de la peinture, et c’est cela qui donne à ses mots une intensité inégalable.

Il y a dans la manière dont Yanick Haenel parle de Bacon un élan, une tentative d’éclaircissement.

Il s’emploie à faire passer ces toiles de l’ombre à la lumière. Il semble que pour lui, la peinture, tout comme la littérature, l’art en général soit une manière de faire accéder à l’homme à ce moment d’éclaircie de l’âme perdu dans un monde opaque.

Et ce récit : Bleu Bacon, en est une manifestation vibrante et éclatante. 

Bleu Bacon, Yannick Haenel, Stock, 19,50€