Le dictateur et le dragon en mousse

Éditeur : La boîte à Bulles

Scénario : Fabien Tillier
Dessins : Fréwé

A partir d’une histoire vraie aussi rocambolesque que dramatique, les auteurs nous font rentrer dans le monde hermétique de la très secrète Corée du Nord, et ce sous de multiples aspects ; politique bien sûr, sociologique, mais surtout culturel, puisque le sujet est l’enlèvement d’un réalisateur de film à succès de Hong Kong, Shin Sang-ok, ce afin de redorer la qualité du cinéma nord-coréen et de donner une image brillante et de qualité, ce aussi bien à l’intérieur du pays, qu’à l’extérieur. L’action se déroule en 1978, juste avant l’enlèvement, qui lui-même est la conséquence d’un autre enlèvement, celui de l’ex-femme de Shin, qui était à sa recherche. Cette méthode était en effet une véritable stratégie de grande ampleur, ce afin de capturer des intelligences qui serviraient à améliorer la soi-disante parfaite idéologie de Pyongang. On estime à plusieurs milliers, voire plus, de personnes dans le monde enlevées par le régime, sur plusieurs décennie.
Le scénariste choisit l’angle du polar pour lancer son récit, truffés d’anecdotes authentiques ou de précisions qui raviront le cinéphile (Shin entend parler de jeunes réalisateurs comme Tsui Hark ou John Woo qui commencent à poindre sur la scène, il projetait d’adapter « Rambo », un des films favoris de Kim Jong Il, grand amateur de cinéma mondial, tel un Staline, par-delà la censure d’état)
Le drame humain est lui bien rendu grâce au trait vivant et dynamique du dessinateur Fréwé, on partage le désespoir et la colère de Shin, qui découvre l’enfer des privations, la perte de sa famille, le sadisme du régime, puis qui apprendra à patienter et jouer avec le régime, avec l’espoir de s’évader pour de bon un jour : il va donc contribuer avec sa femme, à la réalisation des meilleurs films nord-coréens, qui susciteront l’enthousiasme du peuple et un intérêt international croissant, lui permettant de voyager, et donc d’augmenter ses chances de liberté !
Original, poignant et instructif, l’ouvrage jouit d’un beau façonnage « vintage » qui renvoie aux heures de gloire du cinéma bis , et trouvera sa place dans les bibliothèques