Tandis que l'Arabie Saoudite continue de faire les yeux doux à la WTA, cette dernière pourrait prendre tout le monde de court en décidant de relocaliser le Masters féminin à Charlotte, en Caroline du Nord, à partir de 2027. Cependant, pour beaucoup, un partenariat entre le pays du pétrole et l'institution tennistique semble inévitable à court ou moyen terme.
Avez-vous vu le film Les Dix Commandements de Cecil B. DeMille ? À un moment donné, Moïse, interprété par l'acteur Charlton Heston, se retrouve errant dans le désert après avoir été banni d'Egypte par Ramsès. Torturé par la soif et proche de basculer dans la folie, Moïse entend des voix sinistres qui l'interpellent. Si cette scène était transposée de nos jours, elle se fondrait parfaitement dans le cirque à ciel ouvert qu'est en train de devenir la WTA avec, dans le rôle de celui qui entend des voix, Steve Simon, actuel directeur général de l'association des joueuses de tennis. Simon veut que la WTA soit rentable, il le veut avant toute autre chose. Il a donc besoin d'argent et quoi de mieux après tout que d'aller la chercher là où le pétrole coule à flot, en Arabie Saoudite. Après le retour de la WTA dans le giron chinois, le patron du tennis féminin aurait tout intérêt à s'associer avec la dynastie des Saoud s'il veut assurer la pérennité de son entreprise. Oui mais, tout le monde n'est pas d'accord avec ça. Chez les joueuses, des voix dissonantes se sont élevées dont celle de la numéro une mondiale Iga Swiatek qui ne voit pas d'un très bon œil cet acoquinement de par les difficultés que continuent de rencontrer les femmes saoudiennes soumises à des restrictions que leur impose la monarchie absolue islamique. Même Chris Evert et Martina Navratilova avaient exprimé leur inquiétude dans une lettre ouverte.
C'est dans cette cacophonie inaudible que la WTA pourrait bien en surprendre plus d'un en faisant un choix radical. Au centre des discussions, le Masters féminin, traditionnel tournoi de fin de saison réunissant les huit meilleures joueuses de l'année, qui fut fortement décrié en 2023 pour avoir été organisé à Cancun dans des conditions proprement scandaleuses, suscite plus que jamais les convoitises du Royaume qui aimerait bien en faire sa nouvelle attraction à Djeddah ou Riyad. Mais, coup de théâtre ! Sans doute dans une volonté d'apaiser les tensions, à moins qu'il ne s'agisse tout simplement de retarder l'échéance, voilà que la WTA pourrait bien décider d'allouer à la ville de Charlotte, dans l'État américain de Caroline du Nord, l'organisation de la prestigieuse épreuve. On en connaît même le lieu exact : le Spectrum Center, antre de l'équipe de NBA des Charlotte Hornets. Oui mais, pas tout de suite. L'échéance serait fixée à partir de 2027, pour une durée d'au moins trois ans, le temps que les rénovations de l'enceinte inaugurée en 2005 soient terminées.
Mais alors, où sera localisé le Masters en attendant 2027 ? La WTA devrait incessamment sous peu faire des annonces concrètes. Steve Simon, sous l'emprise des voix du désert qui l'appellent, va-t-il céder à l'Arabie ? Va-t-il au contraire lui tourner le dos en prenant son courage à deux mains (après tout, il n'avait pas hésité à le faire avec la Chine avant qu'il ne retourne spectaculairement sa veste) et choisir un autre lieu de villégiature en attendant que l'offre américaine se précise ? Les candidats ne manquent pas, on le sait. L'Europe, en premier lieu, a largement de quoi offrir un dossier solide avec des villes comme Prague, Londres ou Madrid qui peuvent accueillir l'événement. De plus, il y a un risque de la part de Steve Simon à miser gros sur les américains quand on voit le fiasco que fut le Masters 2022 organisé à Fort Worth, au Texas, dans une salle aux trois quarts vide. Enfin, il ne faut pas écarter l'éventualité d'une contre-attaque de la Chine, du moment que les caisses de l'association cinquantenaire se remplissent. Le pyromane Steve Simon joue avec le feu et c'est toute la maison qui pourrait bien brûler dans l'incendie qu'il est en train d'allumer.