par The Libertines
14 tracks - Rough Trade - 2004
“Géniaux branleurs”
Bon là je crois qu’il y a un contexte à placer. En effet cet album fut un des premiers albums que j’ai adoré instantanément et qui soit sorti après… 1973. On est en 2004, j’ai donc 15 ans, avec tout ce qui va avec, et je tombe sur cette pochette, à scruter l’avant-bras de Pete Doherty pour distinguer les traces de défonces. Heureusement j’ai vite ouvert la boîte, et ce qu’il y avait à l’intérieur, c’est le premier album de ma courte vie que j’ai aimé de bout en bout, et que j’aime toujours de bout en bout, mais avec un peu plus d’objectivité et un esprit critique déjà bien aiguisé.
Carl Barât et Pete Doherty n’ont rien fait de mieux après cet album, et j’ai peur que ce soit le pic de leur carrière. Il manque un Carl Barât aux Babyshambles, et il manque un Pete Doherty aux Dirty Pretty Things, c’est comme ça. Le professionnalisme de l’un et le côté Rimbaud de l’autre, le tout enfermé dans un studio à faire les cons. Car en écoutant les albums suivants des deux leaders des Libertines, on se dit que cet album aurait pu être encore meilleur, et à certains endroits il sonne même “bâclé”, même si on est bien obligés de se dire, las, que c’est ce qui fait aussi la beauté de cet album. Séparés l’un de l’autre, ils ont chacun excellé dans ce qu’ils savaient faire. L’un a réussi à sortir une pléiade de textes superbes et torturés, l’autre s’est encore plus professionnalisé, est un muxicien et arrangeur accompli, mais il lui manque les textes, et le fun.
Car ne nous y trompons pas, les Libertines sont une belle bande de branleurs, plus occupés à s’éclater le foie ou les veines. Evidemment à 15 ans, on est pas forcément super consciente de tout ça, de ce que ça implique je veux dire. A 19 ans, on a une idée beaucoup plus précise. Et là, tiraillée entre “putain, si c’était pas des camés au crack, ils auraient pu être les nouveaux Stones !” et le “décidément, faut passer par son dealer pour sortir un album génial”, on choisit.. ben on choisit pas.
The Libertines, l’album, c’est donc du pop-rock indie, ce qui se fait de mieux dans le genre, tirant vers le garage-rock sensationnel par moment (”Narcissist”, “Arbeit Macht Frei”, “Campaign of Hate”) et qui a inspiré un nombre déjà incalculable de groupes. Riffs de guitares cultes, lignes de basse spectaculaires, produit par Mick Jones, le bassiste de The Clash (le type sur la pochette de London Calling), ce disque n’a rien à envier à la furie punk du premier album du groupe de Joe Strummer. Il s’ouvre sur “Can’t Stand Me Now”, dialogue entre Barât et Doherty, ce dernier étant incapable de prononcer “you”, comme s’il restait coincé dans sa gorge. Suivent les angoisses du duo maudit, celles de leur propre relation fusionnelle, de leurs relations amoureuses forcément foireuses - comment pourrait-il en être autrement … - de sentiments confus, de furie quasi-adolescente. Dans “Road To Ruin”, Barât semble s’adresse à Doherty : “Trust in me, take me by the hand” et Doherty de lui répondre dans “The Saga” : “No, no, I ain’t got a problem.”
Cet album est bien plus qu’un album ; il est autobiographique, dramatique, intense, rempli de messages, de conflits, de réconciliations, de ras-le-bol, de non-dits, de souvenirs, de remises en question, de présages, de puissance punk, d’hésitations garage, de génie voilé - ou sublimé - par les addictions de Barât et Doherty. Une autobiographie, impudique, rock ‘n roll.
Mais à 15 ans, The Libertines est tout simplement un album excitant comme c’est pas permis, qui vous secoue les tripes comme un whisky bu trop vite, tellement différent de tout ce qui passait à la radio (à l’époque je l’écoutais encore), un chef d’oeuvre, ou plutôt, et je dis ça avec tristesse, le chef d’oeuvre des Libertines.
Sons et images :
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Tracklist: 1. Can’t Stand Me Now | 2. Last Post On the Bugle | 3. Don’t Be Shy | 4. The Man Who Would Be King | 5. Music When the Lights Go Out | 6. Narcissist | 7. The Ha Ha Wall | 8. Arbeit Macht Frei | 9. Campagn of Hate | 10. What Katie Did | 11. Tomblands | 12. The Saga | 13. Road to Ruin | 14. What Became of the Likely Lads | Hidden Track : France (Carl Barât)
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 22 août à 01:07
Bonsoir, Des deux albums des Libertine,c'est le tout premier "Up The Bracket" qui a ma préférence. Là aucun effet de manche, du rock anglais nerveux et efficace..Mais tu connais peut-etre déjà sinon à découvrir d'urgence !