Avec les fées, de Sylvain Tesson

Publié le 28 janvier 2024 par Francisrichard @francisrichard

À l'été 2022, Sylvain Tesson a pris rendez-vous Avec les fées. Où les a-t-il rencontrées, puisqu'en principe elles n'existent pas? Sur les promontoires de l'Atlantique, orientés vers l'ouest.

À ces extrémités de l'Europe occidentale, les Celtes ont terminé leur fuite et se sont éteints. Ce n'est pas étonnant parce que c'est à l'ouest que le soleil se couche et que l'Europe prend fin.

Avec deux comparses, Benoît et Humann, à bord d'un voilier de quinze mètres il a parcouru l'arc celtique, de la Galice à l'Écosse, via la Bretagne, l'Angleterre, le Pays de Galles et l'Irlande.

Ce grand lecteur devant l'Éternel a emporté avec lui toute une bibliothèque, sa façon de voyager amphibie, sur terre et sur mer, lectures et paysages lui permettant d'échafauder des théories.

Les menhirs?

L'homme comprenant qu'il était un roseau vibratile aurait planté des pierres pour conjurer sa fragilité [...]. Luxe, calme et fixité. Quel repos! Car le changement est la plaie, l'angoisse et le malheur de l'homme.

Plus loin, il dit que depuis trente ans sur la route il remâche la supériorité des invariants sur les agitations du monde. Personnellement, pourtant, il passe de l'arrêt au mouvement et inversement.

Il se demande s'il ne devrait pas changer de méthode:

Elle consisterait à cesser le bras de fer. Alors la vie ne se réduirait plus à la bascule d'un bord à l'autre. Il s'agirait de s'engager à pas feutrés dans la douceur des choses.

Le merveilleux?

Est merveilleux ce qui suffit. Devient surnaturel ce qui n'a pas suffi.

[...]

Le merveilleux est ici et maintenant. La grâce sera toujours ailleurs.

Dans le même esprit:

La fée avait certes reculé devant la croix. Mais son retrait exprimait autre chose qu'un remplacement. C'était peut-être une trajectoire profonde. Elle menait de l'élémentaire au complexe, du mythologique au religieux, de l'unité à la trinité.

Les peuples des promontoires avaient diffusé leur mythologie pagano-tellurique , puis les Romains avaient ordonnancé la société celte, le christianisme structuré les âmes, le catholicisme adouci les corps.

La féerie d'un lieu?

Elle peut se définir par son charme. Le charme est le nom de la beauté domptée par la douceur :

L'esprit s'y rassure, l'âme s'y attendrit, le corps s'y repose.

La modernité?

Même si elle a perdu le combat au siècle 21, la fée incarne le refus d'un monde immonde gouverné par la stupidité des machines et la méchanceté des masses.

[Les machines ne sont pas stupides, ce sont des hommes qui le sont et... la méchanceté n'est pas l'apanage des masses, il suffit de quelques-uns pour les manipuler et leur pourrir la vie.]

La nostalgie?

Les hommes doux se méfient de la brutalité du présent, n'accordent pas foi à l'arrogance de l'avenir et regarde tout reflet du passé avec tendresse.

Les fées?

Elles existaient, puisque le soleil se lève chaque matin sur la mer. Elles existaient, quand on cheminait vers elles. Elles existaient, quand on travaillait à les faire apparaître.

Cheminer en douceur vers les fées, et avec elles, c'est emprunter aussi bien des chemins noirs que des chemins blancs ...

Francis Richard

Avec les fées, Sylvain Tesson, 224 pages, Équateurs

Publication commune avec LesObservateurs.ch.

PS

Sylvain Tesson est à Lausanne le 30 janvier 2024. Il donnera, au Métropole, à 20 heures, une conférence:

Coordonnées de la salle Métropole:

Livres précédents:

Livre précédent avec Thomas Goisque chez Albin Michel:

En avant, calme et fou (2018)

Livres précédents de Sylvain Tesson:

Aux éditions Équateurs:

Une très légère oscillation (2017)

Notre-Dame de Paris - Ô Reine de douleur (2019)

Un été avec Rimbaud (2021)

Aux éditions Gallimard:

Dans les forêts de Sibérie (2011)

S'abandonner à vivre (2014)

Sur les chemins noirs (2016)

La panthère des neiges (2019)

Aux éditions Guérin: