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Les Contes de la lune vague après la pluie de Kenji Mizoguchi

Par Etcetera
Contes lune vague après pluie Kenji MizoguchiCouverture du DVD

J’avais déjà vu ce film il y a six ou sept ans, au cinéma. Ce grand classique japonais des années 50 m’avait tellement impressionnée et emballée que j’ai eu envie de le revoir aujourd’hui, en DVD, pour en parler lors de mon Mois Japonais de février 2024.

Note Pratique sur le film

Nationalité : Japonais
Date de sortie en salles : 1953
Genre : Drame, guerre, fantastique
Noir et blanc
Durée : 1h35

Résumé du début de l’histoire

L’histoire se passe au 16ème siècle, à une époque troublée où la guerre fait rage. Nous suivons deux couples dont les hommes sont beaux-frères, ils vivent dans un petit village et travaillent comme potiers. L’un des deux, Genjurô, rêve de devenir riche en fabriquant le plus de poteries possible. Il se lance avec sa femme dans un travail acharné, au sein de son atelier, pendant que leur petit garçon se languit de ses parents. L’autre beau-frère, Tobei, a une autre sorte d’ambition : il veut absolument devenir samouraï, avoir les moyens de se payer une armure et une lance pour rejoindre une compagnie de guerriers. Mais sa femme le prend pour un idiot, elle essaye chaque fois de le ramener à la raison. Un soir, une armée ennemie envahit le village et tous doivent s’enfuir. Heureusement, les deux ménages peuvent revenir dans leur village et retrouvent intactes leurs poteries. Ils décident d’aller les vendre à la ville, en prenant une barque. Mais d’autres dangers les attendent. (…)

Mon Avis

Les scènes les plus marquantes du film sont celles avec la princesse-fantôme (jouée par Machiko Kyo, incroyable actrice), dans son château surnaturel et démoniaque. Ce sont d’ailleurs les seules scènes dont je me souvenais encore, plusieurs années après le premier visionnage. Cette princesse a un visage, une démarche et des costumes tellement étranges que l’on comprend très vite que quelque chose ne va pas, même si ses paroles sont toujours douces et flatteuses, qu’elle sourit presque tout le temps et traite le pauvre potier comme un prince. Nous voyons Genjurô s’engager progressivement dans un piège, il ne s’en rend pas compte mais le spectateur a peur pour lui et voudrait le sortir de son envoûtement. Par chance, il est prévenu par un prêtre du sort funeste qui l’attend s’il retourne auprès de cette femme-fantôme. Mizoguchi parvient à créer un climat effrayant sans rien montrer de sanglant ou de repoussant : au contraire, tout parait paradisiaque, calme et beau mais le spectateur perçoit un grand danger.
Les images sont magnifiques, en noir et blanc, avec beaucoup de jeux sur les ombres, particulièrement dans les scènes du château, avec la princesse fantomatique, mais aussi lors des scènes nocturnes où les armées envahissent le village. Les ombres sont bien sûr associées au mystère, au danger et au surnaturel. Mais il y a aussi des scènes dures filmées en plein jour, telle la capture de la femme de Tobei par un groupe de soldats qui veulent la violer – on assiste à cette capture mais pas au viol, les choses sont cependant suggérées très clairement par la suite. Ces ellipses sont suffisantes.
Une autre scène magnifique est la traversée en barque, sur une eau paisible et recouverte de nappes de brumes, dans une lumière tamisée – là encore, le spectateur ressent un climat menaçant, angoissant, alors que tout parait calme et doux. Les mouvements de la rameuse, comme une danse lente, d’un angle à l’autre de l’écran, ont quelque chose d’inquiétant, de lugubre. Images de toute beauté.
On peut lire une signification morale dans ce conte : l’ambition conduit à la ruine. Celui qui rêvait de devenir samouraï y est peut-être parvenu mais il a causé la déchéance de sa femme. Celui qui rêvait de devenir riche par son travail a attiré sur lui le regard des démons et il est devenu leur jouet.
La fin du film revient à peu près à la situation initiale : signe que la stabilité et l’absence de changement sont les seules choses réellement souhaitables.
Un classique incontournable du cinéma japonais ! Une merveille !


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