Partis le 18 avril 2008, rentrés le 29, et déjà une envie irrépressible de faire découvrir ce magnifique pays et sa population attachante. Des paysages superbes, une architecture qui l'est tout autant, de multiples rencontres plus que sympathiques, un régime terrible qui, espérons le, sera bientôt balayé par un peuple qui ne le supporte plus, dans sa très grande majorité.
Arrivée le vendredi 18 avril 2008, le soir très tard, à Téhéran. Nous ne sommes restés que 24h dans cette ville, bruyante et polluée: samedi, visite du jardin du Palais des Roses, ou "Golestan"
L'après-midi nous sommes allés voir le musée des joyaux de la couronne: impressionnante succession de vitrines surchargées de pierres précieuses, de diamants, dont le plus gros, le "Mer de Lumière" fait 182 carats.
Départ le samedi soir en avion pour Shiraz. J'ai parlé un bon moment avec un iranien, durant le vol, des visions respectives Occident/Iran... C'était assez amusant de constater que la manipulation médiatique et les a priori grossiers existent de part et d'autre (d'après lui, nombreux sont les Iraniens qui croient que les femmes occidentales se promènent nues dès qu'il fait chaud; quant à moi, je n'ai pas osé lui dire tout ce que mes concitoyens pouvaient avoir emmagasiné comme clichés sur son pays...)
Dimanche 20/04/08
Après le tumulte de Téhéran, Shiraz paraît bien provinciale et calme. La citadelle de Karim Khan, du XVIIIe siècle, est parfaitement conservée, et l'une de ses quatre tours crénelées fait immédiatement penser à une autre tour célèbre, tout aussi penchée. Son jardin intérieur, contrairement à ce qui est indiqué dans certains guides, vaut le détour. Parmi les autres sites intéressants à voir à Shiraz, ne pas manquer la moquée du Régent (Masjed-é Vakil), de la fin du XVIIIe siècle et sa superbe salle des colonnes, dans laquelle trône un imposant escalier monolithe d'albâtre.
Juste à côté de la mosquée, le grand bazar du Régent vaut également son
Lundi 21/04
Le lendemain matin, à partir de Shiraz, nous avons loué un taxi pour nous rendre sur le site de Persépolis (65 km, en direction nord-est), érigée vers la fin du VIe siècle avant J.-C. par Darius Ier, qui en fit sa capitale. Des bas-reliefs sculptés sur une pierre extrêmement dure sont présents en grand nombre partout sur le site, et offrent une iconographie d'une qualité remarquable. Thème récurrent: le cortège des tribus soumises venant verser leur tribut aux souverains perses.
Après Persépolis, nous nous rendons sur le site des tombeaux de Naqsh-e Rostam (Darius Ier, Artaxerxès Ier, Xerxès Ier et Darius II, enfin il semble que ce soit cela, mais tous les historiens ne sont pas d'accord): les tombes sont
L'après-midi, après une sieste à notre hôtel (nous avons eu très chaud sur le site de Persépolis), visite d'un lieu où les Iraniens viennent encore nombreux, plus de six siècles après sa mort, se recueillir: il s'agit du tombeau du grand poète persan Hafez; amoureux de la poésie, ils caressent religieusement de la main sa pierre tombale, le plus souvent en récitant ses vers.
Mardi 22/04
Ce matin, visite du magnifique jardin Bagh-e Eram (jardin du Paradis) dans lequel se dresse un beau palais Qadjar du XIXe siècle.
Après ce jardin, nous en visitons un second, le Bagh-e Naranjestan: là encore, joli pavillon Qadjar de la fin du XIXe siècle, mais malheureusement les jeux d'eau sont en réparation ce jour-là: il fait chaud, nous aurions bien apprécié un peu de fraîcheur. Laurent s'assoit près d'un palmier pour lire tranquillement son guide, à l'ombre; surviennent deux jeunes filles qui engagent la conversation: nous observons la scène, Arnaud et moi, assis un peu plus loin à l'ombre d'un autre palmier: bientôt Laurent disparaît derrière une nuée de tchadors tout émoustillés de parler à un allochtone
L'après-midi, nous visitons la mosquée Nasir-ol-Molk. Là encore, le terme de raffinement vient immédiatement à l'esprit, au risque de finir par paraître un peu galvaudé tant il s'applique à chacune des mosquées visitées jusqu'alors (il en sera de même pour la suite): la mosquée date de la fin du XIXe siècle, la faïence bleue, l'iwan finement ciselé, les vitraux de la salle de prière
En fin de journée, nous avons eu tellement chaud que nous nous mettons en quête de trouver une piscine. Le réceptionniste de notre hôtel nous recommande celle d'un autre hôtel situé à 10 mn à pied, et nous assure que nous pouvons y aller car c'est le jour pour les hommes. Trente-cinq minutes de marche sous le soleil plus tard nous arrivons audit hôtel, et l'on nous annonce qu'il faut attendre deux heures car, pour le moment, c'est l'heure des femmes... à moins que nous demandions la piscine pour une séance privée, au prix d'environ 60 € (j'ignore si, au cas où nous aurions accepté, ils auraient fait sortir ces dames du bassin, ou bien si la piscine était vide, quoi qu'il en soit nous les remercions et quittons le lieu). A peine sortis, un jeune homme nous aborde pour s'exercer un peu à l'anglais et, après lui avoir avoué que nous étions marris de ne pas avoir pu nager, il nous propose de nous emmener dans la piscine où il doit aller s'entraîner: coup de chance, nous n'aurions jamais trouvé cette piscine olympique où nous pouvons nager de façon plus sportive que dans la pataugeoire de l'hôtel. Ceci dit, l'eau avait à peu près la même t° qu'un bain de bébé, si bien qu'après trois longueurs nous nous sommes contentés de barboter.
Mercredi 23/04
Nous quittons Shiraz pour Ispahan. Nous avions réservé une voiture avec chauffeur pour nous y rendre (près de 500 km), et avions effectué la réservation en France: grosse erreur, elle nous a coûté 160€, alors que si nous nous en étions occupés sur place cela nous aurait coûté environ 60€! (de plus nous aurions pu choisir la voiture afin de pas devoir rouler le coffre ouvert: une seule valise de taille standard ne rentrait pas, or trois touristes= trois valises... il faut dire, à la décharge du chauffeur, que les stations service n'étant pas légion sur cette route, il avait installé un double réservoir qui prenait beaucoup de place dans son coffre).
Arrivés plus rapidement que prévu à Ispahan, nous nous sommes immédiatement rendus sur la place de l'Imam (ou "place royale" pour les Isfahanis peu favorables au régime actuel) afin d'admirer les somptueuses mosquées aux dômes bleu turquoise. Cette place immense (la 2e plus grande au monde) fut conçue à l'origine pour que puissent s'y dérouler les tournois de polos: elle date de 1611, tout comme la grande mosquée de l'Imam (ou du Roi!) dotée d'un imposant portique d'entrée de près de trente mètres de haut, encadrée de deux minarets de 42 m:
Jeudi 24/04
A l'aube du second jour, impossible de dormir à partir de 05h. Je décide de me lever et d'aller sur la place de l'imam regarder le lever de soleil et prendre quelques photos. Voici les plus belles:
Ensuite, avec mes deux comparses cette fois, nous avons visité la splendide mosquée de l'imam (celle en photo juste au dessus des deux femmes en noir).
L'après-midi, l'étudiant rencontré la veille, Merhdad, me sert de guide pour une visite des lieux. Nous croisons quelques mollahs aux turbans de teintes différentes: les enturbanés de noir seraient les descendants de Mahomet, rien de moins. Quoi qu'il en soit de leur héritage génétique, ils ne sont pas plus sympathiques que ceux en blancs, hautains et fiers, conscients de leur rang et ne se mêlant pas à la plèbe.
Un peu plus loin, Arnaud croise une jeune fille qui semble s'intéresser de près à son chapeau (enfin, même si elle s'intéressait à autre chose, la pauvre n'aurait pas grand marge de manoeuvre...) Elle est ravissante, la rencontre se limite à quelques photos, avec le chapeau.
Vendredi 25/04
Matinée consacrée à la visite de la magnifique mosquée du vendredi (Masjed-e djomé)
Dans l'après-midi, visite du quartier arménien de Jolfa, pour aller voir la cathédrale Vank, datant de la première moitié du XVIIe siècle. Manque de chance, nous avons dû nous contenter d'admirer sa façade, sobre, car le vendredi après-midi elle est fermée (encore une coquille dans le Lonely Planet qui ne le signale pas).
Samedi 26/04
Le lendemain au réveil j'ai un peu mal au crâne, je ne sais pas trop pourquoi car je n'ai bu qu'un seul verre de boisson bannie par les mollahs (enfin, bannie dans leurs discours officiels, car à en croire nos amis, qui n'ont fait que confirmer ce que j'avais déjà lu à plusieurs reprises dans des articles de Courrier International, il y a chez nombre de mollahs un fossé entre le prêche et la réalité, celle-ci étant plus fréquemment caractérisée par la consommation d'alcool et les abus sexuels dans les écoles coraniques que par de pieuses prières...), peut-être était-elle de fabrication artisanale?
Nous nous rendons au Palais des Quarante colonnes (le Chehel Sotun), magnifique palais du début XVIIIe siècle qui doit son nom au porche à vingt colonnes se reflétant dans un miroir d'eau. L'on y voit de splendides fresques retraçant des scènes de vie à la cour, des batailles, magnifiquement peintes.
Après cette visite, nous avons rdv avec nos amis rencontrés le premier jour, et avons décidé de les inviter au resto: arrivés au lieu du rdv, sur la place de l'imam, nous retrouvons Mehrdad paré d'un gros sac chargé de nourriture, sa maman nous ayant préparé une spécialité isfahanaise: nous cherchons un coin d'ombre tout près du Palais Hasht Behesht (huit paradis) et, à l'instar de nombreux habitants de ce pays pour qui le pique-nique est une tradition, nous nous asseyons dans l'herbe et dégustons cette délicieuse recette, avec des tomates, cornichons... (on apprécierait une bonne bière fraîche, mais pour cela il faudra encore patienter quelques jours!)
L'après-midi est ensuite consacré à une ultime visite du bazar, au cours de laquelle je me fais peindre, sur l'ongle, une miniature par un marchand assez talentueux.
Après le bazar, nous allons photographier l'autre splendide pont, que nous n'avons pas encore vu, le pont Khaju, datant du milieu du XVIIe siècle. Il reste quelques peintures et faïences, trop rares témoignages d'une décoration qui dut être somptueuse. Soudain, alors que nous nous approchons, il s'illumine.
Ensuite, nous sommes curieux de découvrir une vieille tradition iranienne, ancêtre de nos salles de sport: les maisons de force. Nous avions vu un reportage en France sur le sujet peu de temps avant de partir. Après avoir un peu erré dans des ruelles étroites, avec nos amis avouant humblement ne pas savoir où cela se trouvait, nous finissons par en découvrir une: nous y pénétrons pile à l'heure de l'entraînement. L'ambiance est surprenante pour des occidentaux habitués à soulever de la fonte ou à pédaler sans autre but que de perdre quelques bourrelets, dans des salles modernes emplies de musique rythmée: ici, comme dans beaucoup d'endroits en Iran, la spiritualité prévaut. Chacun pénètre dans la fosse d'entraînenement en touchant le sol de sa main droite, que l'on porte ensuite à sa bouche pour la baiser, puis sur son front. Ce geste accompli, l'entraînement peut commencer. Il consiste en une série de contorsions effectuées sur le sol, au rythme du tambour frappé par un vénérable ancien, entonnant des psaumes et faisant tinter des clochettes, du haut de son estrade.
Après cette séance sportive, nous invitons une dernière fois nos amis au restaurant, puis après avoir échangé nos adresses e-mail (en espérant que la censure laissera passer les messages), nous nous séparons sur la place de l'imam...
Dimanche 27/04
Nous quittons Ispahan pour nous rendre à Kashan. Le chauffeur, arrivé deux heures plus tôt que prévu, doit attendre que nous soyons prêts, ce qu'il fait de bonne grâce. Non seulement l'agence ne lui a pas transmis le bon horaire, mais pas le bon parcours non plus, et il apprend qu'il doit nous emmener dès le soir à Kashan, et y dormir car il nous emmène le lendemain à Téhéran. Quoi qu'il en soit, il garde le sourire! Nous effectuons quelques ultimes achats (des minitatures peintes sur des os de chameaux, la spécialité d'Ispahan)
Après trois bonnes heures de route, nous arrivons à Abyaneh, village accroché à la montagne et classé au patrimoine mondial de l'Unesco. C'est beau, mais peut être un chouilla trop touristique, les mamies chargées de vendre leurs babioles et qui trônent tous les quinze mètres, avec leurs tchadors fleuris et
Après Abyaneh, direction Kashan et son fameux souk. Il est intéressant, mais finalement ressemble à ceux vus jusqu'à présent. Notre nuit, dans un hôtel cher et pas transcendant, sera des plus reposante, tant le calme de la campagne nous fait du bien après le bruit des villes visitées jusqu'alors.
Lundi 28/04
Ultime visite: le jardin Fin, à Kashan. De très beaux jeus d'eau, des arbres, pas de fleurs. C'est reposant, nous commencons à ressentir la fatigue (villes, chaleur, de nombreuses visites et des heures de marche, des nuits trop courtes, bref vacances intéressantes mais pas de tout repos) et cela nous fait donc du bien de flâner entre les rangées d'arbres et les ruisseaux.
Nous quittons Kashan, et après deux heures de route particulièrement pénible tant il a fait chaud (le chauffeur répugnait à mettre la clim, peut-être par conviction écolo?), nous nous arrêtons dans un assez bon resto sur l'autoroute. Le garçon demande à notre chauffeur de quelle nationalité nous sommes, puis rapporte deux drapeaux, pour sceller l'amitié entre nos deux peuples.
La veille de notre retour à Téhéran j'avais reçu un sms de notre ami Hamid (celui des dictionnaires): contrairement à ce qui était prévu initialement, il n'est pas allé travailler dans le sud du pays et est rentré plus tôt chez lui. Nous décidons de boire un verre ensemble à l'hôtel. Nous nous couchons très tôt, car nous devons être à l'aéroport à six heures le lendemain matin.
Voilà, ce magnifique voyage s'achève. Nos impressions sont globalement unanimes, tant nous avons été séduits, comme nous l'avions été deux ans auparavant en Syrie, par la gentillesse et le sens de l'hospitalité des habitants. Dans l'ensemble, même si certains s'expriment avec plus de véhémence que d'autres, il nous a semblé que tous détestaient ce régime, non pas parce-que religieux (ils sont dans l'ensemble croyants et pratiquants, du moins beaucoup plus que dans nos sociétés occidentales), mais parce que corrompu et hypocrite. Les mieux lotis, au plan financier et matériel, sont ceux qui, proches du pouvoir et donc du gâteau, prêchent hypocritement une vie simple et ascétique, respectueuse des préceptes de l'islam. Ce que j'ai entendu à maintes reprises m'a rappelé ce que j'avais déjà lu sur les moeurs scandaleuses des religieux, en Afghanistan surtout, mais également en Iran, dans les écoles coraniques. Quoi qu'il en soit, si vous hésitez à visiter ce pays uniquement pour des raisons de sécurité, oubliez vite tous vos a priori et prenez le premier avion, vous ne pourrez être que très agréablement surpris. Le fait de rencontrer des étrangers, de parler avec eux ne peut qu'ouvrir les yeux aux jeunes de ce pays et leur faire prendre, encore plus, conscience que leur gouvernement les mène dans une impasse totale, les marginalise, les empêche de vivre comme ils le souhaiteraient. Quant aux femmes, même si le machisme ambiant ne leur a pas enlevé leur sourire et leur envie de communiquer, il n'en demeure pas moins que beaucoup aimeraient aller beaucoup plus loin dans les réformes de ces dernières années, et notamment pouvoir se libérer de ce tissu noir et chaud qu'elles portent, le plus souvent contraintes. Malheureusement, ces réformes sont de surcroît minées par l'élection, en 2005 du populiste Ahmadinejad (qui fut élu par une très faible partie de l'électorat car, les candidatures des réformateurs ayant été invalidées par le guide suprême, seuls des candidats "conformes" avaient pu se présenter: résultat, peu de votants se sont déplacés car ils savaient que leur vote ne changerait rien!). Mais les femmes ne baissent pas les bras et continuent de se battre pour sauvegarder leurs acquis. Il reste à espérer qu'une nouvelle révolution survienne pour balayer tout ce conservatisme religieux désolant et contrefait; peut-être viendra-t-elle des femmes, apparemment moins résignées...
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