Un Prévert à prévoir

Publié le 23 janvier 2024 par Morduedetheatre @_MDT_

Critique de Fatatras ! Inventaire de Jacques Prévert, vu le 19 janvier 2024 au Théâtre de Poche-Montparnasse
Avec Anne Baquet et Jean-Paul Farré, mis en scène par Gérard Rauber

Le théâtre, c’est ma porte d’entrée vers beaucoup de choses. J’y consolide mes connaissances historiques, j’y retrouve des personnages croisés sur les bancs d’école, j’y redécouvre avec plaisir tout ce que je n’ai pas le temps de redécouvrir ailleurs. C’est le cas de la poésie. Comme beaucoup d’entre vous, sûrement, j’aime la poésie. Mais je n’ai pas le temps – je ne prends pas le temps – d’en lire et de m’y initier davantage. Alors quand le théâtre m’invite à redécouvrir l’un des plus populaires des poètes français, Jacques Prévert, mis en voix par deux comédiens que j’adore, autant vous dire que je n’hésite pas une minute.

Je suis plutôt une habituée de la grande salle du Poche, mais mes quelques expériences dans la salle du bas ont suffi à me prouver combien sa petite taille est une excuse au dépouillement soudain de la mise en scène. Marguerite Danguy des Déserts, qui signe ici la scénographie, nous prouve comme on peut faire si bien avec si peu. Sur scène, des objets cachés qui se révèlent au fur et à mesure titillent notre curiosité et on se met rapidement à attendre la prochaine révélation avec une envie pleine de gourmandise. Quelque chose s’allume dans nos yeux. Nous voilà déjà en train de retomber en enfance.

Il faut dire qu’il y a une atmosphère de cours d’école dans la petite salle du Poche-Montparnasse. Peut-être d’abord parce que ces deux comédiens n’ont pas été choisis au hasard, parce qu’ils partagent cette envie qui s’allume d’une étincelle dans le regard dont on sait en la voyant qu’elle s’accompagne d’un sourire malicieux, de cette sorte de sourire qui ne lève qu’un coin de la bouche car l’autre est trop occupé à dire un bon mot. Et les bons mots de Prévert, autant vous dire qu’on les déguste sans modération.

Il y a une atmosphère de cours d’école, mais qu’on traverse un peu comme une grande personne sur notre fil d’équilibriste. Parce qu’on entend aussi bien ces vers de Prévert qu’on avait appris au primaire, que ceux plus engagés d’un Prévert révolutionnaire qu’on avait un peu oublié. Parce que ces petits instruments, qui semblent poper de tous les coins de la scène et qui ressemblent presque à des jouets d’enfants, accompagnent nos comédiens-chanteurs avec la même générosité qu’un Pleyel de concert. Parce que la diction magique de Jean-Paul Farré et la douceur d’Anne Baquet chatouillent mes souvenirs d’enfant tout en ancrant ces mots encore davantage dans ma tête.

Et tout d’un coup, étrange sensation, ce qu’ils viennent chatouiller est un souvenir beaucoup plus proche. Ces bons mots lancés comme à la cantonnade, ces jeux avec le langage qui feront de Prévert un surréaliste, ils me rappellent quelqu’un. Ils me rappellent Novarina, ils me rappellent les Personnages de la pensé que j’ai vus il y a quelques mois seulement à la Colline. Et je souris intérieurement de constater que l’artiste porté aux nues par les intellos-bobos-branchés-pastoutàfaitsnobsmaispresque n’est finalement pas si loin du popularissime Prévert. Et que de La Colline au Poche-Montparnasse, il n’y a qu’un pas.

Fatatras ! – Théâtre de Poche-Montparnasse
75 bd du Montparnasse, 75006 Paris
A partir de 23€
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© Alexis Rauber