J’étais impatiente de découvrir Mexique, le livre de recettes de Mercedes Ahumada que j’ai offert à une amie avec qui je voulais partager mon amour pour la cuisine mexicaine.
Cet ouvrage est joliment illustré, avec beaucoup de couleurs, tout à fait dans l’esprit de ce que l’on voit au Mexique. Comme Mercedes a eu raison d’ajouter une contextualisation parce que la cuisine mexicaine ce n’est pas seulement des recettes, mais tout un pan de la culture, je devrais même dire de toutes les cultures de cet immense territoire.
Il faut du temps pour en comprendre le sens. Il me semble qu’il n’y a que sur place qu’on peut réellement en mesurer toutes les dimensions. Mais du moins ce livre en permet une approche. Voilà pourquoi il ne faudra pas vous étonner si la première recette apparaît loin (p. 74).
Auparavant, vous aurez appris l’essentiel sur l’histoire de la cuisine, quels sont les ingrédients, les ustensiles (le pilon est un indispensable absolu, les autres sont substituables), À la fin, elle donne la liste des meilleures adresses parce que si vous ne pouvez pas obtenir les produits ce livre sera une torture.
Et si vous avez le moindre doute sur vos compétences, commencez par déguster la cuisine qu'elle prépare avec passion et savoir-faire dans son restaurant, Chicahualco, 77 rue de la Condamine, 75017 Paris.Les recettes sont représentatives des plats les plus consommés comme la Cochinita pibil (p. 102) qui est un délice du Yucatan que Mercedes prépare en tacos mais que l'on peut aussi manger à l'assiette avec des tortillas (ci-dessus) , la Bacalao de la Navidad (p. 120) dont je me suis régalée à chaque Noël passé au Mexique, les incontournables Tamales (p. 132-154) en version salée et sucrée, que je me suis risquée à cuire en France dans le panier de ma cocotte minute, avec les ingrédients rapportés dans ma valise.Également le Chile en Nogada (p. 116) qui est un plat de Puebla qu’elle réussit à merveille et qu'il lui arrive de décliner, comme ci-dessous, il y a plus de cinq ans à l'occasion d'une édition du festival Que gusto !On s'étonnera peut-être de trouver la marche à suivre pour faire du chorizo (p. 82) mais cette charcuterie étant présente dans de multiples recettes elle a eu grandement raison de l'inclure. Comme bien entendu le nopal, qui est le nom du cactus (presque en goût à nos haricots verts) et le huitlacoche, champignon parasite du maïs que j'ai mangé pour la première fois dans la réserve du papillon Monarque, à Ocampo.Et en dessert le must de toute pâtisserie, à savoir le gâteau aux trois laits (p. 164) qui est assez clivant : on l’aime ou on ne l’aime pas.
On trouvera aussi des plats familiaux et c'est comme si l'auteure nous avait accueillis chez elle, selon l'adage que j'ai si souvent entendu au cours de mes voyages : Mi casa es tu casa (Chez moi, c'est chez toi).
Côté boissons elle nous explique comment préparer le Café de Olla auquel je faisais référence en racontant un Dîner comme à Vera Cruz et surtout l’Agua de Horchata dont je raffole et que je ne savais pas comment obtenir.
Je me suis autorisée à tester deux recettes avant de me séparer du livre, parfait cadeau de Noël, et, même si je les ai réussies, car il n'y a aucun reproche à faire aux explications, je pense à la réflexion qu'on pourrait largement simplifier en supprimant plusieurs étapes, et même quelques ingrédients, notamment pour la crème caramel qui est bien plus simple à faire en France qu'outre atlantique et que l'on n'enrichit pas de lait condensé (les mexicains en raffolent). Mais certes, qui n'aurait pas tout à fait la même saveur.
C'est que, au Mexique, cuisiner pendant 24 heures sur un seul plat et employer une trentaine d'éléments n'est pas du tout exceptionnel. Le meilleur exemple en est le molé (p. 108), que nous estimons à tort être une sauce alors qu'il est un plat dans lequel se trouve "un peu", juste un peu de viande ou de poisson, d'ailleurs souvent fade. Car l'essentiel est dans la complexité de la sauce qui donne son nom au plat. Et qui se décline d'une cinquantaine de manières.
Evidemment ce livre n'est pas exhaustif. il manque le Pan Del Dia de Muertos qui aurait pu figurer p. 172 mais sachant le préparer je ne le trouve pas indispensable. Pas plus que le Pozole, une soupe à base de grains de maïs qui évoque notre pot-au-feu. Il aurait été impossible de glisser toutes les recettes d'un pays dont la cuisine est inscrite au Patrimoine de l'humanité.
Après tout, ce pourrait être un prétexte pour réaliser un second tome …
Voici donc pour aujourd'hui les Albondigas en Chile chipotle (p. 104) et le Flan traditionnel (p. 156) mexicain (très souvent au menu aussi bien dans les restaurants que chez soi).
Il serait faux de croire que le premier plat est une variante des köttbullars suédoises, des lihapullas finlandaises, des kjøttkakes norvégiennes, des frikadeller danoises, des fricadelles belges, des bitterballen néerlandais, des les chifteles roumains, des têtes de lion chinoises du Jiangsu, des baksos indonésiens, des polpettes italiennes, des mandonguilles catalanes, des Fleischkiechelen alsaciens, des boulets du Nord de la France … ou même des albóndigas espagnoles.
Chaque pays, chaque région, a sa version de la boulette qui, grosso modo est faite principalement à base de boeuf, de veau ou de poisson, incluant parfois de la chair à saucisse. On y mélange de la chapelure, de l'oeuf et des herbes aromatiques pour donner la texture finale. Le point commun est qu'elle est servie dans une sauce, véritable reine de l'assiette, et qui, là encore se décline de mille et une manières selon la région. Et n'oublions pas que les mexicains sont artistes en matière de sauces.
Les Albondigas en Chile chipotleJ'ai suivi les préconisation de la cheffe tout en adaptant les contraintes. Ainsi, n'ayant pas de viande de porc hachée j'ai utilisé une tranche de jambon que j'ai coupée en tout petits morceaux et incorporé au boeuf haché, à une demi-tasse de riz (déjà cuit) et 2 oeufs battus.
Puis j'ai ajouté ail-oignon-poivre noir clou de girofle-cumin et sel broyés dans un pilon jusqu'à obtenir une pâte.J'ai ensuite divisé ma préparation en boulettes au milieu desquelles j'ai inséré l'équivalent d'un sixième d'oeuf dur.Je les ai ensuite fait cuire précautionneusement dans la sauce bouillante à peu près vingt minutes.J'avais obtenu cette sauce en mixant un piment chipotle avec 7 tomates, un demi oignon, 2 gousses d'ail, du sel et un peu d'eau. J'ai fait bouillir cinq minutes dans une casserole avec deux cuillères à soupe d'huile végétale.Mercedes sert à ses clients un plat plutôt joli ci-dessus) alors que ma version est plus sobre, accompagnée non pas de riz mais de pommes de terre à l'anglaise. Mais nous nous sommes malgré tout régalés.
Le Flan traditionnel Il est cuit dans un moule caramélisé, qui se éclipse hermétiquement (pour que l'eau ne pénètre pas à l'intérieur) au bain-marie à 180° pendant une heure.L'appareil est composé d'oeufs, de fromage à tartiner, de lait, de sucre et de lait condensé (lui aussi sucré), ce qui sincèrement est sans doute trop riche. En tout cas cette association modifie le goût de la crème caramel traditionnel de mon enfance.De plus j'ai eu un souci de démoulage.Il faudra que je goûte celui de Mercedes … fait par elle pour me faire une opinion définitive.
En conclusion, et c'est une évidence, il n'y a pas de meilleure cuisine que celle qui est faite sur place, et je vous souhaite d'avoir comme moi l'occasion de vous rendre au Mexique. Mais sachez que de plus en plus en plus de restaurants mexicains s'installent en France et proposent des plats autrement plus qualitatifs que les tacos qui sont bricolés rapidement à Paris et qui n'ont rien à voir avec ceux dont on se régale dans les rues du moindre pueblo.
Reste ce livre qui est une alternative au voyage et qui constitue une magnifique occasion de se dépayser et d'apprendre l'essentiel sur cette cuisine.
Mexique, les meilleures recettes de Mercedes Ahumada, Mango éditions, septembre 2023