Les Zef et Mer 2024 avec Descofar, Le Cap, Plérin, le 13 janvier 2024
NoPo - photos Noelle
au Cap de Plérin pour les Zef et Mer - Samedi 13/01/2024
Les effets mer et du zef, on connait bien par ici et pourtant, je confesse découvrir, depuis moins de 2 ans, cette manifestation décoiffante dont on compte pourtant 11 éditions aujourd'hui!
Sans être féru de la culture bretonne, je dis 'chapeau' (et pas forcément 'coiffe bigoudène')!
La riche idée consiste à porter divers artistes dans plusieurs lieux et villes bretonnes sur un temps de prestation relativement court.
6 artistes musicaux cet après-midi, disposent de 20 mns chacun pour leurs sets, séparés de quelques entractes parfois complétés par le brillant conteur Lukaz Nedeleg.
A une époque où les auditeurs zappent de single en single, cette durée, équivalente à une face de vinyle, ne laisse pas le temps de s'ennuyer tout en donnant un aperçu des capacités de l'artiste.
Les organisateurs arrivent à tenir un timing très serré.
On s'installe dans un auditorium, très confortable, au son enveloppant qui délivre beaucoup de détails et aux lumières très plaisantes. L' amphithéâtre est aux trois quarts plein avec mouvements libres au cours de l'après-midi.
Vu plongeante sur DESCOFAR (et non 'ESCOBAR' comme me l'avait soufflé un ami malentendant!).
Pas trop 'far', on voit bien les 3 musiciens sur scène :
- au fond, Yvon Molard batterie, percussions, électronique
- devant, et se faisant face avec leur harpe électronique, Alice Sonia-Cadoret et Nicolaz Cadoret.
D'imposantes pédales d'effets nous impressionnent, disposées à côté des 2 harpistes qui ont aussi accès à un synthé basse.
'Chimera' (titre de leur album paru fin 2022 après l'EP 'Krai' en 2019) ouvre le bal, Nicolaz à notre droite et Alice à notre gauche qui caresse, la première, sa harpe. Ils permuteront pour mieux nous semer.
D'abord un rythme lent et une ambiance de recueillement. Puis les roulements de baguettes sur la caisse claire, avec un son de tambour solennel parfois, se mêlent au son cristallin des harpes dont les cordes vibrent sous les mouvements gracieux des 4 mains aux doigts agiles.
Les 2 musiciens en front vivent pleinement leur musique, Nicolaz par des gestes amples et Alice plus étriqués mais souples, se trémoussant et marquant le pas en cadence.
Alice semble activer des effets par une tablette électronique.
Les divers changements d'humeur, passant du crépuscule à la lumière du matin, évoquent un univers cinématique émouvant. Juste 'Beau' reste le qualificatif le plus évident!
Le troublant son de harpe, émettant quasiment un riff de guitare électrique, introduit un Plinn (danse traditionnelle) en 2è morceau.
La seconde harpe vient se greffer avec un arpège. La batterie cogne dans un style post-metal n'oubliant pas roulements et flas éclatants.
Dans un deuxième temps, une des harpes joue telle une basse, le synthé venant probablement conforter cette impression.
Ensuite, les 2 harpes se croisent et se répondent dans une joute captivante et s'écharpent comme des harpies (rappelant des 'twin guitars' rock).
'Feuntenn Wenn' rend hommage à la harpiste Kristen Noguès (qui a collaboré avec Jacques Pellen, Didier Squiban, Didier Lockwood, Érik Marchand, Manu Lann-Huel, Denez Prigent, Yann-Fañch Kemener ...).
Le rythme s'appuie sur des contre-temps, les harpes jouent les notes détachées. Il me semble entendre une boucle discrète de basse synthé.
En se laissant aller, la part de rêve grandit et l'effet ressenti, proche de la sécrétion d'ocytocine, pourrait être un argument de remboursement par la sécu.
Le synthé basse noircit l'intro du dernier titre (Ultramono?).
La harpe délivre une mélopée gémissante, écorchée par instants et donnant des airs métal/prog lorsqu'elle se met ensuite à hurler.
Elle tire des sonorités incroyables allant du steel pan au synthé en croisant des guitares agressives.
Le morceau évolue alors par des phases quasi free jazz d'autant qu'une harpe s'évapore en spirale. Fascinant! Harponnés nous sommes!
A ceux qui pensent que la musique bretonne n'existe que dans la tradition, DESCOFAR donne un camouflet.
On verra, avec les groupes suivants (notamment la techno de TEKMAO mais pas que...), que le métissage musical apporte richesse et plaisir.
Les racines restent profondément ancrées mais rien n'interdit de laisser dériver les tiges musicales vers d'autres contrées (les bretons ayant cette réputation de grands voyageurs grâce à leur façade maritime).
C'est le cas aussi de l'original DESCOFAR (far away), résolument moderne et envoûtant, qui pourrait pousser jusqu'au Hellfest, amateur de sons folk et progressifs.