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J’accuse [France] : Scène ouverte sur la société française - Théâtre Treize (Paris)

Par Filou49 @blog_bazart
dimanche 14 janvier

Capture d’écran 2024-01-13 à 14

Vous connaissiez les télécrochets qui s’exportent dans tous les pays ? The Voice qui vient du pays des tulipes pour s’installer au studio 217 de la Plaine Saint Denis, en région parisienne. Désormais, la voix traverse les buzzers des jurés pour s’installer sur un plateau de théâtre. C’est le défi de la dramaturge Annick Lefevbre. J’accuse est la version française de cette pièce, écrite par l'autrice québécoise Annick Lefebvre, et qui connaît donc une version originale au Québec. En France, c'est sous la mise en scène de Sébastien Bournac, également directeur du théâtre Le Sorano de Toulouse. Ce spectacle est le fruit d’une commande de réécriture passée par le metteur en scène à l’autrice québécoise.

À la tête de la compagnie Tabula Rasa, créée en 2003, le metteur en scène angle sa création sur les nouvelles écritures dramatiques, qui foisonnent en Europe et renouvellent le genre loin des lamentations classiques (et antiques), grâce aux compagnonnages d’auteurs vivants tels que Daniel Keene (dramaturge australien) ou Ahmed Ghazali (je découvre certains noms en même temps que vous). 

Ce nom de pièce J’accuse, bien qu’à l’origine québécois, est bien français : on ne peut s’empêcher de penser à l’article d’Emile Zola ou plutôt le pamphlet dénonçant l’antisémitisme systémique, sous fond d’Affaire Dreyfus publié dans le journal L’Aurore en 1898. mais voici le J’accuse version 2024 : cinq femmes qui succèdent sur le plateau avec comme seule arme de dénonciation, leur voix. 

Capture d’écran 2024-01-13 à 14

Elles sont cinq : il y a l’aide-soignante à domicile qui implose, la patronne de PME qui perd l’espoir et plonge dans le cynisme, la femme racisée noire qui vit dans le 93 et dénonce le racisme systémique, la super fan de Céline Dion (eh oui tous en cheour devant Pour que tu m’aimes encore) et la figure de l’autrice en crise, prête à entreprendre une introspection sur ses amitiés. 

Cinq destins qui se relaient, dont les vies n’ont aucun lien entre elles. Et pourtant ce ne sont que des personnages de théâtre mais des citoyennes qui pousse un cri de révolte, que l’on pourrait croiser dans la rue. Ces cris s’élèvent contre les systèmes qui oppressent, les idées qui enferment, contre une spirale sociale qui avale tout en France. 

L’idée de Lefevbre est de décortiquer l’ADN français à l’aide d’une enquête de terrain et de recueil de témoignages. Parmi ces derniers, l’autrice semble se représenter ou du moins, s’envoyer un message. Elle en profite, même, pour se prendre entre les quatre murs de l’autodérision : elle est (la fameuse et traditionnelle) artiste en crise sous un ton grincant. Ou sa quatrième protagoniste, première représentante du fan club de Céline Dion, lui reproche de ne pas la prendre au sérieux, de la défigurer. C’est à ce moment précis que la dramaturge québécoise réalise son J’accuse en direct, un mea culpa vers le monde du théâtre ainsi que le mouvement Metoothéâtre. Pour quelle raison s’excuse-t-elle ? Pour avoir joué ses précédentes créations à maintes reprises au théâtre de la Colline, dirigé par Wajdi Mouawad. Ce dernier avait convié à son ami Bertrand Cantat en 2011 puis en 2021, la musique de scène de ses spectacles, Des femmes et Mère. L’été 2011, le chanteur jugé coupable du meurtre de Marie Trintignant en 2003 venait tout juste de purger sa peine. Il s’était retiré de la scène du festival parce que Jean-Louis Trintignant y était lui aussi programmé par France Culture. En 2021, il n’a fait aucune apparition publique.

Avant que les projecteurs s’irradient, on se retrouve face à une scène, allez disons-le, en bordel complet… Des caissons qui traînent, deux installations qui attirent notre curiosité… Quand la scène s’illumine, tout prend forme : la scénographie très sobre repose sur 4 blocs de lumières qui créent différentes ambiances en fonction des émotions des personnages : le vert pour le dégoût, l’écarlate pour la colère ou encore le bleu pour le désespoir.

Ces femmes, issues de différents milieux sociaux, nous interpellent sur les injustices de la société française, pour ne citer que la crise structurelle du système de santé qui déshumanise, mais aussi ses beautés et vertus : retenons la célébration de l’amitié comme mère des amours ainsi que Céline comme reine des karaokés. Pour nous, la découverte de la plume incisive de Lefevbre est un bonheur ! 

Crédit Photos : François Passerini

J’accuse [France]

Texte Annick Lefebvre

Mise en scène Sébastien Bournac

Avec Astrid Bayiha en alternance avec Anaïs Gournay, Nabila Mekkid, Agathe Molière, Julie Moulier, Jennie-Anne Walker

Théâtre 13 / Bibliothèque

Du 10 au 20 janvier 2024 

Du mercredi au vendredi à 20h, samedi à 18h 

Durée 2h05

Jade SAUVANET


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