Dans le cadre de mon Mois thématique sur le Voyage je vous emmène aujourd’hui dans un train de nuit en partance pour les Alpes – tout du moins nous nous contenterons de suivre cet Intercité n° 5789 seulement par la pensée car il s’agit ici d’un voyage qui se passe mal, très mal. Comme dans un film catastrophe, ce train va en effet subir un grave accident, une collision qui fera de nombreuses victimes.
J’ai lu ce roman de Philippe Besson pour mon cercle de lecture, ce titre ayant été proposé par l’un des participants et ayant emporté l’adhésion générale. Comme j’en avais lu, au cours des derniers mois, plusieurs critiques élogieuses, sur divers blogs, j’étais moi aussi très partante pour ce choix.
Quatrième de Couverture
Rien ne relie les passagers montés à bord du train de nuit n° 5789. À la faveur d’un huis clos imposé, tandis qu’ils sillonnent des territoires endormis, ils sont une dizaine à nouer des liens, laissant l’intimité et la confiance naître, les mots s’échanger, et les secrets aussi.
Derrière les apparences se révèlent des êtres vulnérables, victimes de maux ordinaires ou de la violence de l’époque, des voyageurs tentant d’échapper à leur solitude, leur routine ou leurs mensonges. Ils l’ignorent encore, mais à l’aube, certains auront trouvé la mort.
Ce roman au suspense redoutable nous rappelle que nul ne maîtrise son destin. Par la délicatesse et la justesse de ses observations, Paris-Briançon célèbre le miracle des rencontres fortuites, et la grâce des instants suspendus, où toutes les vérités peuvent enfin se dire.
Mon Avis
C’est un roman très grand-public, qui brasse pas mal de clichés et qui ne cherche pas à inventer de nouveaux types de personnages ou à approfondir des réflexions philosophiques ou psychologiques singulières. Bien au contraire, on a l’impression que tout est déjà-vu, les dialogues convenus, les personnages stéréotypés qui correspondent aux goûts du temps (la femme battue, le quadragénaire lourdaud mais gentil, le jeune homme timide à l’homosexualité refoulée, le médecin admirable à l’homosexualité affirmée, la vieille dame qui est une ancienne syndicaliste et qui rêve de grandes luttes fraternelles, la jeune arabe banlieusarde qui n’a jamais vu que du béton, etc.). Tout a l’air savamment pesé, calculé, dosé au milligramme près, de façon à ne choquer aucune catégorie de lecteurs. Et on se dit par moments que tous ces personnages sont tellement gentils, lisses et conformes aux normes acceptables qu’un bataillon de « sensitive readers » ne saurait relever entre ces pages pas la moindre faute de goût ou la plus petite entorse à la correction contemporaine.
Il y a de jolis passages, parfois, dans les scènes entre le jeune homme hésitant et l’homme mûr et on sent que Philippe Besson a une tendresse particulière pour ces deux personnages et qu’il a mis peut-être un peu plus d’audace et de sincérité dans ces pages-là, qui sont agréables à lire.
J’ai trouvé un peu curieux qu’à chaque arrêt du train, l’écrivain nous fasse un petit topo culturel sur la ville en question, comme s’il avait consulté la page Wikipédia de ces différents endroits et qu’il voulait nous faire profiter de ces lumières, sans grand rapport avec l’histoire racontée ou avec un rapport tiré par les cheveux et complètement factice.
La dernière partie du livre, consacrée à l’accident et à ses conséquences, m’a paru plus réussie que le reste, peut-être mieux écrite, ou en tout cas les moments d’émotion sont traités avec application. Il y a des passages dont la morale pourrait être inspirée par « Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie », lorsque le jeune homme regrette de ne pas avoir découvert son homosexualité plus tôt. Un message qui n’a pas grand chose d’original mais qui recèle un charme intemporel…
Un livre qui se lit vite et qui fait passer le temps – sans plus ! – et qui pourrait fortement incommoder les lecteurs exigeants, allergiques aux choses très formatées !
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Un Extrait page 107
« Voyez, c’est ça que j’aime dans les trains. C’est qu’un type comme moi n’aurait jamais rencontré une femme comme vous sinon. »
Serge n’a pas tort : si l’on s’en tient aux probabilités, la possibilité que leurs trajectoires se croisent était à peu près nulle. Ils habitent dans des villes très éloignées, exercent des professions sans connexion entre elles, appartiennent à des générations différentes, ne partagent pas les mêmes références culturelles, sans doute pourrait-on énumérer de nombreux autres motifs d’incompatibilité et cependant, les voici qui conversent et même se découvrent une connivence, tout cela parce qu’un concours de circonstances, une somme de bifurcations, une succession de décisions, une profusion d’incidents ont fait que leurs existences ont soudainement concordé dans l’espace et dans le temps. Il aurait pu prendre le train d’avant, elle aurait pu choisir une destination différente pour sa fuite, les vacances de Pâques auraient pu commencer plus tôt ou plus tard, le système informatique de la SNCF aurait pu les assigner à des voitures distinctes, on n’en finirait plus de dresser la liste de tous les aléas qui auraient pu faire que jamais ils ne se rejoignent mais voilà, ils se tiennent côte à côte dans ce couloir.
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