Cherchant à savoir qui était Michel Mohrt, dont je citais hier une formule éclairante sur l'empire européen, je suis tombé sur un entretien qu'il a accordé en 2004 à une revue nommée "Réfléchir et agir". La revue se veut de "désintoxication culturelle" et s'annonce comme
"ouvertement européenne, païenne, identitaire, socialiste (et anti-capitaliste)".
On peut gloser sur la citation ambiguë de Siné, là c'est clair : un esprit même peu affuté reconnaîtra sans peine dans la thématique de cette revue les grands classiques de l'extrême droite
identitaire...
Il y a donc bien une extrême droite européenne, affirmée, à laquelle Michel Mohrt, de l'Académie française, livre quelques propos. Extraits choisis :
R&A : Aujourd’hui, nous parlons beaucoup de l’Europe. Dans l’un de vos articles (De bonne et de mauvaise humeur, Le Rocher, 1999), vous disiez que vous aviez compris la nécessité de faire
l’Europe en 1940. Pourquoi ?
Michel mohrt : Quand on a vécu la défaite de 1940 comme moi…[...] Déjà, dès 1930, j’avais compris que la France était un pays en décadence. La IIIe République ne la préparait pas à cette
guerre qui est arrivée. Je sentais que la France allait perdre ses colonies, ce qui arriva peu de temps après. Elle n’avait qu’une chance, c’est d’appartenir à une entité politique plus grande
qu’elle-même et où elle pourrait jouer un rôle important : l’Europe. Je n’ai pas cru dès 1940 (et je ne l’ai pas entendu d’ailleurs) au message de De Gaulle. Je pense que de Gaulle a été un homme
politique extrêmement habile mais il n’a nullement détruit les effets malheureux de la défaite de 40.
Jolis thèmes européens : la France trop petite, la république décadente.
On passe à l'Europe chrétienne :
R&A : De plus, il y a en Europe une unité de civilisation plurimillénaire…
Michel Mohrt : Oui, c’est ce qui fait que je me suis senti tout à fait européen dès 1940. Et je le suis resté. Ce pourquoi aussi, je ne suis pas aujourd’hui pour l’entrée de la Turquie dans
l’Europe. Je suis aussi attaché à l’Europe chrétienne.
On aborde l'Europe des régions :
R&A : Que pensez-vous des gens, comme ceux de Breizh Atao hier, qui luttent pour une Bretagne plus forte et reconnue ?
Michel Mohrt : Je les comprends même si je n’ai jamais cru que la Bretagne pouvait devenir indépendante. Par contre, un certain provincialisme oui. L’Europe va permettre à des pays comme la
Bretagne, la Corse, la Savoie, le Pays Basque de retrouver une partie de leur identité. Je le crois profondément.
Les moeurs modernes :
R&A : Pour finir cet entretien, que pensez-vous de notre monde moderne ?
Michel Mohrt : Je n’en pense que du mal. L’autre jour, j’ai vu le débat actuel sur le mariage des homosexuels. Il y a quelque temps, j’aurais pris cela à la rigolade. Mais là, ça m’a foutu le
cafard. J’étais triste. Dans quel monde va-t-on vivre demain ?
Le bouquet final :
R&A : Et l’immigration qui dénature notre Europe ?
Michel Mohrt : Malheureusement j’ai bien peur qu’il ne soit trop tard. On s’est battu à Poitiers et l’Espagne a retrouvé sa terre après la Reconquista. Mais là, nous vivons une autre conquête de
manière pacifique.
Bien sûr, l'abre ne crée pas la forêt. Mais on retrouve des échos de ces thématiques extrêmistes dans nombre de déclarations sur l'Europe des clochers et des vraies valeurs (chrétiennes).